Accueil A Bordeaux, 250 juristes internationaux cultivent le droit du vin

A Bordeaux, 250 juristes internationaux cultivent le droit du vin

Auteur

AFP

Date

04.10.2017

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Noms de domaine, appellations, contrefaçons, accords internationaux… les milliards du marché international du vin génèrent leur lot de litiges, conflits et procès, au point d’avoir créé dans le monde entier une armée de juristes spécialisés, qui se réunissent en congrès ce week-end à Bordeaux.

« C’est un cercle d’échange de spécialistes internationaux pour voir comment évolue le droit du vin, une véritable spécificité juridique car il est évident que le vin ne pouvait pas être traité comme les autres produits », explique un des organisateurs locaux de cette conférence, le juriste Jean-Baptiste Thial de Bordenave.

Après Sienne en Italie, 250 avocats, notaires ou encore juges de l’Association internationale des juristes du droit de la vigne et du vin (AIDV), la plus importante dans ce domaine, se retrouvent de vendredi à dimanche pour leur 35e conférence annuelle.

Des experts de 23 pays, représentants des plus grands groupes mondiaux comme l’américain Constellation Brands ou le français Castel jusqu’à un avocat de Géorgie, vont échanger sur l’évolution des législations, par exemple la taxation, les contraintes et nouveautés.

Selon l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV), 43% du vin consommé dans le monde est exporté contre 25% il y a 15 ans et les échanges mondiaux sont en croissance régulière en valeur, à 29 milliards d’euros en 2016 contre 12 milliards en 2000.

« Tous les pays ont des lois spécifiques liées au vin. Plus les échanges de bouteilles ou de vrac se développent dans un pays importateur qui peut-être aussi exportateur, plus les pays légifèrent », explique un des organisateurs de la conférence et directeur du Conseil des grands crus classés en 1855, Sylvain Boivert, pour qui « l’instabilité juridique entraîne l’instabilité commerciale ».

« Le vin, produit unique »

Autour du thème « Le droit du vin en pratique : respect des lois, négociations et règlements des différends », les experts entendent discuter librement à Bordeaux, loin de toute pression politique, des problématiques juridiques concernant la production et le commerce mondial.

Car « le vin est un produit unique », comme le souligne M. Thial de Bordenave. « Il est alcoolisé, ce qui en fait un problème de santé publique, a une fiscalité spécifique et il est spéculatif. Comme dans le domaine de l’art, on a une spéculation qui est absolument exceptionnelle pour une denrée consommable », estime ce responsable du département vin du cabinet juridique Inlex.

A produit unique, législation spécifique. Ainsi des pratiques sont autorisées dans certains pays et non ailleurs comme la chaptalisation (ajout de sucre dans les moûts pour augmenter le degré d’alcool) qui est pratiquée en France mais interdite en Australie.

« La protection des dénominations traditionnelles comme château, grand cru classé… fait partie des thèmes discutés », développe un des fondateurs de l’AIDV, Steve Stern. Cet avocat défend en Australie les intérêts de plusieurs vignobles, tels le Domaine de la Romanée-Conti en Bourgogne ou le château Mouton Rothschild dans le Bordelais.

Ces mentions traditionnelles sont utilisées sans contrainte aux États-Unis alors qu’en France, l’emploi des termes « château » ou « domaine » est encadré juridiquement avec un cahier des charges précis à respecter. Experts français et américains plancheront pour trouver des pistes de réflexion et peut-être des solutions, susceptibles d’être soumises à l’OIV.

L’association de juristes, en tant qu’observateur auprès de cette institution, a également pour rôle de lui proposer définitions et nouveaux textes de lois en vue d’une harmonisation des réglementations, nécessité croissante avec le développement du commerce du vin.