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André Perret, vigneron discret

Auteur

La
rédaction

Date

26.11.2012

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Star oubliée ou homme réservé, André Perret n’est pas le premier nom venant à l’esprit quand on pense Saint Joseph ou Condrieu. Mais à son évocation, les yeux des sommeliers s’éclairent, sur les salons professionnels, on se presse devant sa table. Il fait déguster sans faire l’article. Nul besoin, Perret, c’est de la pépite.

Stop, c’était là ! Pas facile à trouver la Cave Perret. Peu visible à la sortie de Chavanay, au lieu-dit Verlieu. Là où la nationale se redresse et file tout droit vers Condrieu. À la sortie du hameau, on nous avait dit à droite de la route un bon cent mètres après l’église. Demi-tour et au pas. La voilà comme une île à l’embouchure d’un chemin. De l’autre côté de la route, quelques maisons, puis la falaise de granit zébrée de vignes jusqu’au plateau. André Perret ne parle pas pour rien dire et se raconte simplement.

« J’ai toujours manqué de vins. Les cavistes et les restaurateurs venaient me voir, j’avais peu à vendre en 1983, mon premier millésime. Je venais de quitter mon emploi de biologiste dans la recherche médicale. Je voulais respirer, voir le soleil. Planter de la vigne me semblait l’idéal. J’ai commencé avec les 1500 mètres familiaux, des syrah sur le Coteau de Chery. Un an après, les quelques arpents de mon oncle ont doublé ma production. À l’époque, nous n’étions guère nombreux sur la Côte, pas plus de dix autour de Georges Vernay qui venait de relancer le Condrieu ».

Aujourd’hui, André Perret exploite 12 ha répartis sur les appellations Condrieu (4, 5 ha), Saint-Joseph (4, 5 ha en rouge et 1 ha en blanc) et 2 ha en vins de pays. Comme le vignoble, l’exploitation s’est développée au fil des années, mais rien d’extravagant, pas de chai monumental, juste quelques agrandissements pour suivre l’accroissement des volumes…

On parle peu d’André Perret, pourtant rares sont les grandes tables qui ne l’ont pas à leur carte. Le Restaurant La Pyramide, à Vienne, fut le premier client au début des années 80. Le coup de pouce vînt ensuite de Pierre Gagnaire, « j’avais été invité à la remise de la deuxième étoile du restaurant à Saint-Étienne en 1986, j’avais fourni le Condrieu, j’y ai passé toute la journée, les contacts se sont faits tout seul, depuis cela n’a jamais cessé », explique André. De tête, il cite les premiers qui lui viennent à l’esprit, Pic à Valence, Bocuse à Lyon, Arpège à Paris, le Petit Nice à Marseille, Trois Gros à Roanne, Georges Blanc à Vonnas, les frères Ibarboure au Pays Basque… une vraie notoriété silencieuse, raccord avec le naturel sérieux et discret du vigneron.

Deux cuvées coups de cœur lèvent en partie le secret du succès. D’abord le Condrieu tout court du millésime 2010 (21 €), une année où André a vendangé une partie des raisins à maturité juste, l’autre à maturité plus poussée. La moyenne des degrés fait 14, 5°, ce qui peut paraître élevé. Mais Mister Perret est un architecte né, l’équilibre atteint la perfection et ne laisse rien déceler du titre alcoolique. La fraîcheur due à la tension minérale reflète le terroir vertical, la palette est subtile, construite comme une épure entraînant les papilles jusqu’aux saveurs fruitées des fruits blancs et jaunes. Jusqu’à cet amer délicat qui rafraîchit une dernière fois la bouche subjuguée. Complexité, complexité… depuis la vigne jusqu’à l’élevage pour moitié seulement en barriques, dont la moitié sont neuves. Un travail d’orfèvre.

Côté rouge, Les Grisières 2009 en Saint-Joseph (16 €), issue de vignes de 70 ans, arbore une robe sombre rubis noir et offre un nez tout aussi ténébreux. Encre et réglisse s’y mélangent et teintent d’obscurs parfums l’envolée éclatante de lis et d’iris. En bouche, l’espiègle Grisières s’amuse encore, prenant un air sauvageon pour nous emporter dans un tourbillon de baies écrasées. Des jus frais légèrement musqués en coule avec abondance. Une gourmandise.

« Elle peut se garder 4 ou 5 ans, elle a l’acidité qu’il faut ». L’élevage se fait entièrement en barriques dont 20% de neuves.

Voilà deux vins à l’image de leur créateur, architecte vigneron ou paysan taquin. Deux facettes du même homme, généreux, mais réservé, voire timide. Vous tutoyant au chai, pour vous dire « vous » dans les vignes, sans règle, comme ça vient, c’est peu important. Ce qui compte ? Le soin apporté à la vigne, la maturité du raisin. Matière première incontournable qui permettra la construction de cet équilibre précis que transcendent les blancs. Les rouges, c’est autre chose… Certes tout aussi parfaitement définis, ils préfèrent croquer sous la dent, pleins de fruits, floraux, sensibles et prodigues. Ils donnent un plaisir plus immédiat.

« Je n’ai jamais fait de marketing, ni de communication. La presse, comme Robert Parker, m’a aidée à trouver des contacts à l’export. Aujourd’hui, 50% de ma production part à l’étranger», témoigne André. Il a la réussite modeste et l’humilité de ceux qui travaillent la terre depuis longtemps. À l’entendre, tout a été simple, évident. Evident comme le talent.

Par Marc Vanhellemont, photo Emmanuel Perrin
Cet article est extrait du magazine « Terre de Vins » n°17 (mai-juin 2012)