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Bordeaux : le marché chinois se ralentit

Auteur

La
rédaction

Date

18.02.2013

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Les Chinois restent les premiers importateurs des vins de Bordeaux en volume mais le marché fléchit pour diverses raisons, relevées lors de l’assemblée générale des négociants libournais.

La Chine est entrée dans l’année du serpent d’eau. Les négociants et viticulteurs bordelais doivent s’y résoudre : le serpent de vin n’existe pas dans l’Empire du milieu, un peu comme le serpent de mer en France qu’on voit aussi rarement. Il est un signe cependant qui ne trompe pas, c’est la courbe ascendante des ventes des vins de Bordeaux dans la constellation commerciale du négoce chinois.

François Estager, président du Syndicat du commerce en gros des vins et spiritueux du Libournais (1), l’a lui aussi noté lors de la dernière assemblée générale à la CCI : la Chine tire en avant les chiffres croissants à l’export. Même si, comme l’a souligné Gérard Milhade, secrétaire général en charge de ce secteur, l’engouement ralentit. « On note un certain repli en volume en fin d’année dernière (- 2 %) mais quand même 18 % de hausse sur un an avec 525 000 hectolitres en cumul. »

En valeur monétaire, le Royaume-Uni, pourtant 4e en volume importé, remporte la palme grâce à ses réexportations avec un marché qui atteint 422 millions d’euros, devant la Chine (300 000 millions d’euros). Celle-ci reste néanmoins au premier rang mondial en volume, sur un marché global annuel, en moyenne cumulée, qui culmine à 2, 3 milliards d’euros et 2, 3 millions d’hectolitres (chiffres arrêtés fin novembre 2012).

Importateurs improvisés

Les Chinois se font donc (un peu) tirer l’oreille. Il faut dire que les prix de vente des 2009 et 2010 les ont passablement échaudés. Quand dans le même temps ils découvrent des vins de Bordeaux, ou d’ailleurs, moins chers mais tout aussi appréciables que certains crus bordelais vendus à des prix exorbitants. Et qu’ils se mettent à acheter des domaines bordelais, voire à investir dans le négoce, comme le fait remarquer Jean-Paul Texier-Travers, trésorier du syndicat libournais, à propos du négociant indépendant Diva Bordeaux, passé sous le contrôle du géant chinois de l’agroalimentaire Bright Food.

Quant au marché hexagonal, il représente encore 58 % des ventes mais il accuserait lui aussi un fléchissement. De quoi se montrer prudent finalement, à l’image de François Estager : « Nous commençons l’année 2013 comme nous avons fini 2012 : ni vraiment optimistes ni vraiment pessimistes. »

Outre ces Chinois qui « s’improvisent importateurs », le patron des négociants libournais, qui porte lui aussi la double casquette de viticulteur au château La Cabanne (Pomerol), spécificité du négoce libournais, s’en est pris à « certains grands châteaux ». Ceux qui larguent les négociants qui ont participé, « parfois depuis des décennies, à la notoriété de la marque et porté des petits millésimes sans rechigner », bien souvent au moment des primeurs.

Et ces nouveaux directeurs de propriétés soucieux d’assurer eux-mêmes la distribution. « Un phénomène rare il y a quelques années, mais qui tend à se développer depuis les beaux millésimes 2009 et 2010. »

Des négociants « cocufiés »

Face à cette manière peu élégante à ses yeux de s’affranchir, François Estager prévient « qu’un cocu » est moins enclin à dire du bien de ses ex-partenaires dans l’avenir. Il engage les négociants victimes de ces divorces à attaquer en justice ces châteaux pour rupture brutale de contrat.

Ce « coup de gueule » peu orthodoxe lancé, François Estager a ensuite laissé la parole à ses deux invités, le président du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), Georges Haushalter, et Christophe Chateau, son chargé de communication. Ils étaient là afin de décrypter le rôle d’une institution parfois chahutée par des viticulteurs en difficulté et très peu par les négociants. « Le CIVB, c’est un peu comme notre belle-mère. On râle après elle, faute de mieux la connaître », avertit François Estager.

Georges Haushalter, négociant directeur de la Compagnie médocaine des grands crus, s’y est employé en évoquant notamment l’ambitieux Plan Bordeaux, lancé en 2010, et la construction de la Cité des civilisations du vin, dont la première pierre sera posée lors de Vinexpo et l’ouverture programmée en 2016. Autant d’actions parmi d’autres, comme les caves à vin à Shanghai et bientôt à New York et Hong Kong, Smart Bordeaux, cette offre de service Internet offerte à tous les viticulteurs pour le consommateur.

Pour terminer, François Estager a fortement invité ses 46 collègues libournais à s’intéresser de près à ce qui se passe dans la filière.

Alain Montanguon
Photo : Hervé Lefebvre

(1) Le bureau se compose de François Estager, président ; Lionel Lateyron, vice-président ; Gérard Milhade, secrétaire général ; Philippe Debesse, adjoint ; Jean-Paul Texier-Travers, trésorier.