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[Bordeaux Tasting] Master Class : si Bordeaux m’était conté

Auteur

Edouard
Boyer

Date

16.12.2018

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Smith Haut-Lafitte (Pessac-Léognan), Léoville-Barton (Saint-Julien) et La Gaffelière (Saint-Émilion Grand cru). Trois châteaux bordelais de légende réunis dans une même master-class, en présence de leurs propriétaires respectifs, pour présenter chacun leurs millésimes 2005 et 2015. Et dire que vous avez manqué ça !

Que ça a l’air facile de faire du bon vin quand on écoute Liliane Barton (château Léoville-Barton), Florence Cathiard (château Smith Haut-Lafitte) et Alexandre Malet-Roquefort (château La Gaffelière) parler de leurs créations. Il faut dire que les deux millésimes choisis pour cette master-class – 2005 et 2015 – sont réputés exceptionnels. « Gigantesques » même, aux dires de David Biraud, chef sommelier du Mandarin Oriental, qui a guidé la dégustations de ces six cuvées.

Mais avant d’être des cuvées « gigantesques », ces bouteilles sont d’abord des histoires familiales remarquables. C’est aussi à ça qu’on reconnaît une légende. Alexandre Malet-Roquefort en est le parfait exemple, 9ème génération d’une dynastie qui a posé ses valises et ses sécateurs à La Gaffelière en 1705. Et qui compte bien prolonger durablement l’aventure : « Ma croisade, c’est transmettre. » Chez les Barton, la lignée est bien moins longue puisque Liliane Barton est seulement la… 7ème génération d’une saga viticole qui commence à Saint-Julien en 1821 avec Langoa-Barton.
Du côté de Florence Cathiard (Smith Haut-Lafitte), l’histoire est cette fois-ci plus récente puisqu’elle commence il y a 35 ans, après une première carrière dans le ski professionnel, puis une seconde dans la grande distribution (Go Sport). Depuis, avec son époux Daniel, eux qui « n’y connaissaient pas grand-chose au vin », ils ont réveillé Smith Haut-Lafitte pour lui redonner son lustre d’antan. Voilà (rapidement) pour les histoires.

« Les grands millésimes sont bons tout le temps »

Mais les visiteurs n’étaient pas juste venus pour entendre des histoires, aussi belles soient-elles. Ils voulaient déguster les légendes bordelaises ! Et vu l’agitation bon enfant qui s’est emparé de nos dégustateurs au fil de ces deux heures, les légendes ont fait leur œuvre et comblé toutes les attentes.
Trois styles aussi différents dans les arômes que similaires dans la constance. C’est le premier constat que dresse David Biraud à la dégustation des 2015 : « Des bébés aromatiques, gâtés par dame Nature, de vrais vins de garde ». Quant à nos vignerons, un excès d’humilité les empêche d’admettre ouvertement la grande qualité de leurs 2015. Ils seront néanmoins tous d’accord pour reconnaître l’influence bénéfique (pour ne pas dire miraculeuse) du stress hydrique d’août conjugué à un été indien qui permettra des vendanges sur la durée. « On picorait les parcelles » se remémore Alexandre Malet-Roquefort. Alors oui, ces trois 2015 sont encore jeunes et fougueux en bouche, mais comme le fait remarquer David Biraud, offrent une grande persistance aromatique. Avant de conclure ce chapitre 2015 par un sentencieux : « Les grands millésimes, ils sont bons tout le temps. »

Et les 2005 alors ? Eux aussi n’ont pas déçu (euphémisme). « 2005, c’est le mastodonte, la puissance » confie, non sans émotion, un David Biraud conquis. « Ce qu’on observe avec ces 2005, c’est le début du vieillissement, le vin opère sa mue et déploie ses arômes de réglisse ou de tabac blond. Ces vins révèlent le potentiel de vieillissement, quasi unique au monde, des vins de Bordeaux. » L’éventuel Meilleur sommelier du monde 2019 (on croise les doigts) confie même avoir rempli les caves du Crillon (où il a officié durant 16 ans) de La Gaffelière 2005 en primeurs.

En évoquant le 2005, Florence Cathiard ne se départ pas de sa modestie : « Quand la nature veut nous aider, tout est facile. J’appelle ça des vendanges fauteuil ! Je n’ai plus de 2005 en cave et je le regrette. » Quand on découvre à la dégustation son éclat de fruit, on se dit que nous aussi on aimerait l’avoir en cave.
En réalité, 2005 ou 2015 ; Gaffelière, Smith Haut-Lafitte ou Léoville Barton : on voudrait tous les avoir en cave. En attendant, nous avons eu la chance et le privilège de les déguster à Bordeaux Tasting. Et c’est déjà « gigantesque ».