Chantal Comte, la dame de la Tuilerie

A la tête du Château de la Tuilerie dans le Gard, Chantal Comte défend une certaine idée du terroir des Costières de Nîmes. Avec une exigence toujours plus forte, comme en témoigne sa cuvée Vieilles Vignes 2007, récemment commercialisée.

« Faire du vin, c’est à la fois un jeu et combat » : voilà qui pourrait résumer le parcours de Chantal Comte. Celle qui préside aux destinées du Château de la Tuilerie ne se destinait pas à devenir viticultrice. Mais par une suite de circonstances, de rencontres, et à la faveur d’une passion grandissante, elle s’est totalement investie dans l’aventure, jusqu’à en faire une propriété de référence en Costières de Nîmes.

C’est en 1955 que Chantal Comte, née au Maroc, arrive dans le Gard avec sa famille. Son père achète la propriété avec l’objectif de produire des fruits. Mais lorsque le secteur subit une vaste crise, l’activité familiale se recentre sur les pommes… et la vigne. « La vigne était là, mon père s’en occupait un peu, mais ne s’y intéressait pas plus que ça, raconte Chantal Comte. C’est lorsque le vieux chef de cave a pris sa retraite que mon père m’a proposé de m’occuper du vignoble, un peu à la légère. J’avais à peine trente ans, une formation littéraire, j’étais plus à l’aise avec les mots qu’avec la viticulture ! J’étais aussi assez innocente, et je voyais cela comme un joyeux passe-temps. Je n’ai pas tardé à admettre que je ne savais rien. Je suis donc allée à la rencontre de vignerons pour apprendre, pour comprendre ce qui les animait. Je me suis formée à l’université du vin de Suze-la-Rousse, et peu à peu j’ai attrapé le virus. Cela fait trente ans maintenant que je fais ce métier, passionnant, parfois désespérant, toujours plein de perspectives. »

Une renaissance

Et de perspectives, Chantal Comte n’a jamais manqué. Première femme à être co-optée, deux ans après ses débuts, pour intégrer le club « Vignobles & Signatures » (qu’elle a quitté en 2000), elle a très rapidement élevé le niveau des vins du château de la Tuilerie. « Autant le dire, leur qualité était discutable, concède-t-elle. Nous vendions tout en vrac. J’ai tout de suite voulu reprendre la marque, qui appartenait à des négociants, me concentrer sur la vente en bouteille. Nous avons étudié le terroir de ce cœur des Costières : le sol pauvre constitué de galets roulés du Rhône le sous-sol argileux, qui donnent aux vins épices, finesse, minéralité. L’altitude, l’orientation au Nord (il fait 2 à 3°C de moins que dans la partie sud des Costières), nous garantit de la fraîcheur, de l’acidité ».

Couvrant aujourd’hui 62 hectares après avoir atteint les 100, le vignoble s’est recentré sur la qualité. Suite à de longues années de négligence, une restructuration en profondeur s’imposait : « il a fallu beaucoup arracher, repenser les densités (compte tenu du stress hydrique, nous sommes à 5600 pieds / hectare), replanter des cépages nobles… Ici, c’est la syrah qui est le grand cépage. Nous avons aussi du grenache, mais sur ce terroir, la syrah c’est le comble de la gourmandise, avec une extraordinaire capacité de longévité. Cela commence animal, et vieillit dans la subtilité ».

Vieilles Vignes 2007

Témoin de ce beau potentiel, la cuvée Vieilles Vignes, dont le millésime 2007 a été tout récemment commercialisé (prix indicatif 13, 50 €). Une cuvée issue de vignes de plus de 40 ans, qui n’est pas produite à chaque millésime. « Il faut que cela en vaille la peine, souligne Chantal Comte. Le 2007 avait un profil magnifique, mais le vin ne s’ouvrait pas, nous l’avons donc laissé tranquille… Puis un jour, nous l’avons re-dégusté et trouvé tellement magnifique que nous avons décidé de le sortir… après le 2009 ! » Une explosion de fruits noirs soutenue par une belle fraîcheur et des notes poivrées. Pour cette cuvée haut de gamme, tout comme pour son rhum de Martinique, Chantal Comte ne vise donc que le meilleur. Ce qui peut s’avérer périlleux sur un plan commercial, « mais le groupe familial a d’autres activités, qui lui donnent les épaules pour assumer cette stratégie ».

A découvrir également pour se familiariser avec les vins du château de la Tuilerie : les cuvées « classiques », de belles entrées en matière déclinées en rouge, rosé (100% syrah) et en blanc (grenache blanc et viognier). Et pour découvrir « in situ » l’univers raffiné de Chantal Comte, une escale à la bastide de Fabrègues, sa maison d’hôtes récemment rénovée, entre Provence et Camargue, s’impose.

M.D.
Photo Stéphane Barbier