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Château Talbot : un siècle et des Cordier

Auteur

Jean-Charles
Chapuzet

Date

07.12.2018

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Les propriétaires Nancy Bignon-Cordier et Jean-Paul Bignon, accompagnés du directeur général Jean-Michel Laporte, célèbrent les cent ans de l’acquisition du Château Talbot par la famille Cordier en 1918 avec une verticale des grands millésimes qui ont fait et prolongent la réputation de ce 4ème Grand Cru Classé 1855 de Saint-Julien. Un voyage de très haut vol !

Château Talbot 1919

La couleur reste soutenue ce qui présage d’une matière encore présente. Le nez est sur le sous bois et les fraises écrasées. L’attaque montre que ce vin a une très belle acidité, condition de sa durée dans le temps. Les arômes tertiaires dominent. Le millésime fait rêver ; c’est la magie des grands vins.

Château Talbot 1926

Le vin est trouble et très tuilé. Le nez ressuscite l’âme du cabernet sauvignon avec des notes de poivrons et de cuir. Bien que madérisé, le vin est encore vivant avec une pointe de fraîcheur sur le clou de girofle, des arômes de cerises à l’eau de vie, de la groseille et de boîte à cigares. C’est du Médoc pur jus.

Château Talbot 1934

L’année du 6 Février fut compliquée pour la République mais heureuse pour la viticulture médocaine. Ici encore, le cabernet sauvignon fait sa loi avec sa profondeur et sa race dès le nez. L’attaque est pleine et suave, ce vin a passé les époques, résisté au temps. On ressent l’équilibre cher aux vins de Saint-Julien, un intelligent rapport entre l’acidité et la sucrosité. Le reste de l’histoire s’écrit avec du cuir, des fruits noirs avec une note sanguine qui fait de ce Talbot 34 une référence.

Château Talbot 1945

Le vin est limpide et légèrement tuilé. Ce millésime légendaire n’échappe pas à Château Talbot avec d’emblée un nez très délicat annonciateur de beaucoup de promesses. L’attaque est vive et tendue avec une palette aromatique riche qui donne le sourire. Le touché tannique est remarquable avec une sensation de dilution qui offre une grande buvabilité. 1945 libère une grande personnalité.

Château Talbot 1955

Le nez de ce millésime surprend par rapport aux précédents vins. Il est très puissant et regarde vers les grands grenaches du sud de la vallée du Rhône. A Saint-Julien, c’est un millésime très chaud où le cabernet sauvignon (64%) s’exprime dans la puissance. Le nez et l’attaque sont sanguines. Un très beau gras que l’on peut prêter au merlot enveloppe les arômes de fruits rouges pour une finale sapide. Ce vin évolue très vite dans le verre, basculant entre les notes grillées, le tabac froid et les cuirs.

Château Talbot 1962

Une légère turbidité accompagne ce millésime avec un nez très frais qui conjugue le chocolat et la menthe. L’attaque est ample, volumique, c’est encore le cabernet sauvignon qui signe en bas de la feuille mais les 30% de merlot apporte une très belle poitrine. C’est une leçon d’équilibre et de souplesse. L’expression « élégance et puissance » est souvent galvaudée, elle est ici à propos.

Château Talbot 1975

L’impression visuelle rajeunit ce millésime avec son rouge rubis soutenu. Ce très beau millésime bordelais prend Talbot par la main pour l’installer à Pauillac avec un nez puissant, droit, « graves ». L’attaque confirme cette opulence et cette force. C’est du Graham Greene versus La puissance et la Gloire. Talbot montre ses muscles sur un assemblage de carbernet sauvignon à 68%, de merlot à 23%, 6% d’épices avec le petit verdot et 3% de fraîcheur via le cabernet franc.

Château Talbot 1986

La météo a gâté – positivement – les domaines de Saint-Julien et le Château Talbot en a profité pour sortir un vin d’une grande concentration. Doté d’une légère pointe de volatile, qui lui confère un supplément d’âme, ce vin se polit avec les années. Les notes de kirsch, de framboises et de groseilles se croisent et se décroisent comme les jambes de Sharon Stone. Du bonheur.

Château Talbot 1996

Le premier nez est fermé, cartonneux avant que le vin ne s’ouvre sur des notes alcooleuses qui rappellent davantage les merlots de Pomerol sur les chaudes argiles. La bouche confirme cette sensation agréable car l’effet millésime est respecté. C’est un vin très riche qui en a encore sous le pied. Rendez-vous dans 10 ans. Entre-temps, apprécions la puissance des tannins et sa finale très longue.

Château Talbot 2005

C’est encore un millésime exceptionnel où la proportion de cabernet sauvignon dans l’assemblage est passée en dessous des 60%. Le merlot est à 39% avec un nez qui délivre une immense fraîcheur, une jeunesse éternelle et beaucoup de souplesse. L’attaque est vive, ronde, le gras donne la sensation d’un tube en bouche. Ce vin fait saliver, entre la grosse cerise noire qui éclate en bouche et la finale saline. C’est l’archétype de Saint-Julien, le cabernet s’échange avec le merlot pour ne faire qu’un, un vin magnifique à faire déguster dans toutes les écoles d’œnologie.

Château Talbot 2010

On ne présente plus ce millésime à Bordeaux où les conditions ont été optimales en tous points. Le château Talbot n’a pas manqué ce rendez-vous historique avec une couleur très sombre et un nez d’une rare pureté. C’est le mot qui revient à l’attaque avec une explosion de fruits frais, cette élégance des tannins, cette sensation de perfection. Talbot tutoie les sommets ; on s’en doutait. C’est un vin à faire déguster dans toutes les écoles d’architecture.