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La Saint-Vincent en Champagne : au-delà du folklore

(crédit photo : Paolo Verzone / Comité Champagne)

Auteur

Laurie
Andrès

Date

17.01.2019

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Si elle est tournante et médiatique en Bourgogne, la fête du saint patron des vignerons en Champagne reste une fête intimiste où les déambulations témoignent de l’amitié et de la volonté de transmission de ses partisans. Derrière l’habit se cachent des hommes et des femmes archi-dévolus à leur cause.

Mais qui est donc Saint-Vincent ?
A force d’y associer une fête populaire, on oublierait presque que l’homme qui se cache derrière cette particule sacrée n’avait rien à voir avec le vin, quand bien même il y aurait un lien de cause à effet avec le préfixe « vin » d’où la « Saint-Vincent ». Si l’on fait fi de cette hypothèse bienheureuse, rappelons que Saint-Vincent, diacre de Saragosse, mourut en martyr à Valence le 22 janvier 304, date qui ne nous vous échappera pas aujourd’hui. En réalité c’est à un autre « Saint » des Saints que l’on doit la diffusion de cette célébration : un dénommé Saint-Loup, illustre évêque de Troyes qui selon l’histoire contribua à faire pénétrer de Bourgogne en Champagne le culte de Saint-Vincent auprès des vignerons alors groupés en corporations.

Confréries, Archiconfrérie

L’Archiconfrérie Saint-Vincent des vignerons de la Champagne regroupe les confréries des villages viticoles (on en compte environ 90) et maisons de Champagne ; c’est l’organe central de cette grand-messe. Les confréries organisent aussi dans leurs villages respectifs leur « Saint-Vincent » où le programme est alors plus libre mais toujours fêté « joyeusement ».
L’Archiconfrérie Saint-Vincent – sous l’impulsion de Brigitte Chandon-Moët au nom des maisons de Champagne et Michel Janisson pour les vignerons – a véritablement pris ses marques autour d’une grande fête dans les années 1990. D’ailleurs, souligne Benoît Verdier, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Reims qui a travaillé sur la médiatisation de la Saint-Vincent, « la Saint-Vincent est une causerie syndicale sans véritable procession, ce n’est qu’à partir de 1991 que l’on commence à relater ce rassemblement comme une fête dans les pages du magazine syndical La Champagne Viticole. »

Quid d’une Saint-Vincent réussie ?

On prend les mêmes et on recommence.
Selon l’usage, la Saint-Vincent, fêtée le premier samedi ou le dimanche précédant le 22 janvier, ou après (26 janvier) pour des questions de praticité, voit défiler les Confréries des villages viticoles en habits traditionnels. Les participants se réunissent pour célébrer la messe durant laquelle on prête grâce à Saint-Vincent en bénissant le vin nouveau et en partageant une brioche qui autrefois était un gâteau. Puis vient le temps de la passation de la bannière : la confrérie choisie ramène la bannière de l’Archiconfrérie dans son village et sera l’année suivante en tête du défilé en même temps qu’elle apportera son concours aux membres de l’Archiconfrérie pour l’organisation de cette journée. Des « ambassadeurs » sont aussi intronisés au sein de l’Archiconfrérie ; ce sont souvent des personnalités du monde du vin servant la cause du champagne, qui pour l’occasion revêtiront cette longue cape blanche et recevront médailles et diplômes en prêtant un serment qui finit toujours par ces mots : « Par Saint-Vincent, apprécions ce don de Dieu. » C’est aussi à ce moment-là qu’on se risque à quelques échanges sur l’année à venir et écoulée généralement donnés par le directeur du Comité Champagne (expéditions) et parfois le responsable des services techniques (récolte). Dîner, gala et festivités clôturent cette folle journée et permettent aux invités de s’émerveiller autour d’un banquet riche en polyphénols.

Quelle place pour la Saint-Vincent aujourd’hui ?

Loin des clichés folkloriques parfois liés à cette fête, il y a ici un lien qu’on ne saurait vendre et mettre en scène. Celui de la transmission et la fraternité. Selon Patrick Boivin, secrétaire général de l’Archiconfrérie Saint-Vincent, « la Saint-Vincent est un vecteur de lien social, c’est une façon de se remercier les uns et les autres, c’est un moment fort au cœur du vignoble champenois qui n’a quasiment pas changé depuis sa création. » Et d’ajouter : « les jeunes sont fiers de reprendre le flambeau et font perdurer la tradition. »

Au-delà des bâtons, des capes blanches, des allégeances au Saint-Patron, en Champagne on garde toujours cette même chanson encore en usage à Vertus :

Grand saint Vincent, puissant auprès de Dieu,
Écoute-nous et pour nous intercède ;
Veille sur nous du haut du beau ciel bleu,
Nous implorons ton secours et ton aide.
Lorsque bientôt nous taillerons nos vignes,
Lorsqu’en été nous les sulfaterons,
Pour les saurer des maladies malignes
Bénis tes fils honorant ton saint nom

Tiré de l’ouvrage « Le Culte de Saint-Vincent » par Émile Moreau

En 2019, la Saint-Vincent fait son grand retour à Troyes le 19 janvier 2019, elle est depuis 1997 une fête qui tourne entre les grandes communes viticoles que sont Épernay, Reims, Château-Thierry et Troyes.
Plus d’infos et programme de l’événement en suivant ce lien