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Le chiroula souffle sur les Terres blanches

Auteur

La
rédaction

Date

10.08.2012

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Le vent des Pyrénées qui donna son nom au domaine souffle sur les vignes de Chiroulet qui, depuis 150 ans dans la famille Fezas, donne un vin minéral.

Sur ces coteaux de la Ténarèze, le chiroula souffle depuis les Pyrénées. Il balaie les roches calcaires et aère les vignes du domaine auquel il a fini par donner son nom : Chiroulet. Les ceps plantent leurs racines dans l’argile blanche et les « peyrusquet », comme l’on dit en gascon, ces affleurements calcaires du quaternaire.

Le raisin qui y pousse, ventilé par le chiroula, devient « Terres blanches », le vin blanc sec du domaine de Chiroulet, à boire sur des fruits de mer ou à l’apéritif, avec ses notes minérales et d’agrumes. À Larroque-sur-l’Osse, à 10 km de Condom, Philippe Fezas élabore ses vins à l’image d’un scientifique. Précis, méthodique, minutieux mais pas moins sensible à la poésie qui l’entoure. Et qui l’a vu naître puisque le domaine de Chiroulet appartient à sa famille depuis 150 ans. Philippe Fezas en est la sixième génération. « Le Terres blanches c’est l’expression des peyrusquets. Les zones calcaires sont le terroir de prédilection pour les vins blancs. Ce n’est pas un hasard si ce vin a un profil floral, minéral et tendu, vif. »

Ingénieur et œnologue, le quadragénaire étudie le terroir du domaine avec un ami géologue. Ils ont établi une carte de Chiroulet retraçant les différentes strates géologiques. Le scientifique ne laisse rien au hasard. « Nos terres, explique-t-il, comme tout le Gers, excepté l’éperon rocheux de Lectoure, il y a 25 millions d’années, étaient sous l’eau. L’érosion a engendré une sorte de mille feuilles du sol, c’est ce qui donne aujourd’hui le sol d’argile blanches et de calcaire de la Ténarèze, terroir de l’armagnac. » Pour le traduire dans ses vins, Philippe Fezas a choisi de planter, sur ces terres argilo-calcaires, du gros manseng et du sauvignon. « Pour nous, ce sont ces cépages qui expriment le mieux la vérité de notre terroir. »

Pourtant, il y a encore une vingtaine d’années, rien ne prédisait au domaine de Chiroulet un avenir aussi radieux. En fait, c’est vers le vin rouge que Philippe Fezas a orienté son domaine lorsqu’il a repris les rênes de l’entreprise familiale. La trace la plus lointaine de la famille Fezas sur les coteaux d’Armagnac remonte à 1893. Jusque dans les années 1970, le domaine, comme tous ceux du Gers et de Gascogne, fait de la polyculture et de l’élevage. À l’époque de la mini-jupe, le père de Philippe, Michel, décide d’orienter le domaine dans la viticulture. Chiroulet se spécialise alors dans le floc de Gascogne, rosé et blanc. Jusqu’à l’arrivée, en 1995, de Philippe fraîchement diplômé et ayant travaillé au sein de la très prestigieuse tonnellerie de Cognac, Seguin-Moreau. Il reste aujourd’hui son consultant pour les plus grands crus bordelais comme Haut-Brion, Mouton-Rothschild, Palmer ou Valandraud à Saint-Emilion.

« J’ai eu une révélation un jour » narre le passionné-passionnant pour expliquer sa décision d’orienter le domaine vers le vin rouge. C’était à l’automne, lors d’une saignée, une étape de la production de floc. « Le jus reste en contact avec la peau du raisin au moins 12 heures, détaille-t-il. C’est là que les tanins s’expriment et c’est à ce moment que j’ai compris que l’on pouvait faire un très bon vin rouge. » À cette époque, le domaine de Chiroulet vendait son vin en vrac. Philippe décide de le vendre en bouteille. Conflit de génération comme dans de nombreux domaines gersois. Michel, le père s’y oppose, dans un premier temps. « Si tu fais venir la citerne, je m’allonge devant » prévient son fils, discret et tenace à la fois. Philippe obtient gain de cause. Le succès des rouges de Chiroulet est immédiat.

Son été, Philippe Fezas le passera en partie à recevoir les estivants sur son domaine. Avant la furie de l’automne et des vendanges.

Gaëlle Richard
Photo Michel Amat