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Quand l’Italie mise sur l’œnotourisme

Auteur

Anne
Serres

Date

25.10.2017

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Dans les vignobles de Bolgheri, la fréquentation touristique a doublé depuis cinq ans et il suffit de déjeuner dans ce coin bucolique de la Toscane pour comprendre pourquoi.

« Les gens sont toujours venus l’été pour les plages », explique Riccardo Binda, directeur du consortium des viticulteurs de cette zone d’Italie connue pour ses grands vins rouges. « Maintenant, nous avons des visiteurs toute l’année. C’est quelque chose de nouveau qui s’est développé au fur et à mesure que grandissait la réputation du vin de Bolgheri », ajoute-t-il en dégustant un steak à la Florentine cuit sur la braise.

En cet après-midi d’octobre ensoleillé, le restaurant bruisse des murmures satisfaits de convives devisant, verre de vin à la main, en anglais, français, allemand ou japonais.

La scène plairait au ministre de la Culture et du Tourisme, Dario Franceschini, qui prépare le bilan de ce qui s’annonce comme une année record pour le tourisme italien, avec une saison estivale marquée par un bond de 16% du nombre de visiteurs.

Le secteur représente environ 10% du Produit intérieur brut (PIB) italien et est devenu un moteur important d’une économie émergeant à peine de longues années de stagnation.

Mais avec 52 millions de visiteurs étrangers en 2016, selon l’Organisation mondiale du tourisme, l’Italie reste loin derrière la France (82 millions) ou l’Espagne (75 millions).

Et la hausse récente du tourisme est en grande partie liée aux inquiétudes face à la menace terroriste qui ont détourné vers les plages italiennes des vacanciers promis à la Tunisie, à L’Égypte ou à la Turquie.

Cité du vin

Pour consolider sa progression, l’Italie essaie d’encourager les arrivées tout au long de l’année, en ciblant les visiteurs qui cherchent plus qu’un simple bronzage.

Des directeurs étrangers ont été engagés pour dépoussiérer certains des plus grands musées du pays tandis qu’une vaste rénovation de la Via Francigena, l’antique route des pèlerins vers Rome, illustre les efforts en direction des cyclistes et randonneurs.

Mais pour le designer et entrepreneur Franco Malenotti, le pays ne tire pas le meilleur profit de son riche héritage gastronomique et viticole.

« Le tourisme œnogastronomique est une nouvelle tendance importante », susceptible de drainer des foules considérables, assure-t-il à l’AFP.

Mais en Italie, « nous n’avons quasiment rien fait pour le promouvoir », regrette ce touche-à-tout qui a dessiné des costumes à Hollywood et relancé la marque de mode Belstaff.

Son dernier projet est une sorte de cité du vin : un complexe de logement et de restauration incluant une école de sommeliers – qui doit ouvrir l’an prochain – et jouxtant le tout nouveau musée dédié à l’histoire des vins de Bolgheri, conçu par le décorateur de cinéma oscarisé Dante Ferretti.

Avec plus d’un millier de vins à disposition, M. Malenotti mise sur des visiteurs comme Susann et Rainer Schmidt, un couple allemand.

« On veut goûter les vins mais aussi apprendre quelque chose », dit Susann, un verre à la main, après avoir visité l’exposition où des hologrammes de célèbres maîtres-vignerons racontent leur rôle dans ce qui a fait la réputation de Bolgheri.

Boom Airbnb

« Quel que soit le produit que tu vends, tu as besoin d’une histoire en arrière-plan », affirme M. Malenotti, qui s’est inspiré de la Cité du Vin de Bordeaux, en France.

« Après être venus ici, la majorité des touristes vont visiter des caves », explique-t-il en relevant que pour l’instant, les domaines de la région réalisent seulement 5% de leurs ventes directement à la cave, contre plus de la moitié à Napa Valley, en Californie.

Tout en remplissant les restaurants, cet essor du tourisme du vin a créé une nouvelle demande d’hébergement qui n’a pas été comblée par le secteur hôtelier, ouvrant la voie au développement des locations entre particuliers du type AirBnb.

Dans le village le plus proche du musée, les trois-quarts des propriétés sont ainsi partiellement ou complètement proposées à la location via de telles plateformes sur internet, selon M. Malenotti.

« C’est une tendance qui modifie les habitudes mais ce n’est pas forcément mauvais. Les gens viennent vraiment habiter sur place, font leurs courses à l’épicerie en bas, vont au restaurant », relève-t-il. « Et il y a déjà des sociétés de services qui naissent pour proposer de s’occuper des arrivées et des départs, du ménage et de la lessive pour ce type de locations », ajoute-t-il.

« J’ai travaillé avec Dante sur de nombreux films à Hollywood et j’ai aussi vu l’immense succès qu’il a eu avec la restauration du musée égyptien de Turin, dont la fréquentation a doublé », affirme M. Malenotti.

« C’est ça que les gens recherchent. Avant, les vacances, c’était aller en discothèque, se reposer, s’amuser. Maintenant, ce sont la culture et le bien-être qui tirent le tourisme. Donc l’Italie devrait être vraiment à la pointe ».