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Bandol, une année sous les eaux

(photo © F. Hermine et G. Tari)

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

08.09.2016

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Les bouteilles de Bandol immergées l’an dernier en mer sont remontées à la surface… avec l’aide de l’école nationale des scaphandriers (ENS) qui sont allées chercher à 30 m de profondeur, les bouteilles immergées en août 2015.

120 bouteilles de bandol reposaient depuis un an au large de la baie de Saint Mandrier, dans des caissons étanches en céramique, enterrés dans le sable (pour éviter les vols). Des bandols de plusieurs millésimes (entre 2010 et 2013), fournis par une quinzaine de producteurs tel Pibarnon, Tempier, La Bégude, Salettes, L’Olivette, Gaussens, Terres Brunes, La Suffrène, Moulin de la Roque, Bunan, Gueissard, Moulin des Costes, Gros Noré, La Tour de Bon… Les bouteilles ont ainsi passées une année sous l’eau à température constante (15°C), stabilisées, sans lumière ni oxygène. Qu’allait donner ce vieillissement atypique et aquatique ?

Vers l’immortalité

« L’idée en faisant vieillir ces bouteilles sous l’eau était de ralentir le temps et de donner aux vins une certaine immortalité et un héritage pour les prochaines générations » annonçait le président des vins de Bandol, Guillaume Tari, avant la dégustation au fort de Balaguier. Les mêmes vins, restés en vieillissement en cave, allaient être débouchés en même temps pour une dégustation comparative a l’aveugle par un jury d’une dizaine d’experts, sommeliers, journalistes, cavistes. Le suspense était à son comble, d’autant plus tendu que seule une trentaine de bouteilles arrivaient finalement intactes (ou presque) à la dégustation ; beaucoup malgré les caissons étanches et bien qu’elles aient été scellées à la cire, avaient pris l’eau de mer (celles-là, on ne les a pas goûtées).

Bandol avait déjà participé à une expérience sur le vieillissement à la fin des années 70, en faisant voyager pendant trois ans des bouteilles sur un voilier, et en 2002, l’expérience avait été renouvelée en embarquant pour deux ans des magnums sur une goélette. Il en était ressorti une maturation accélérée indéniable, plutôt bénéfique aux vins rouges.

Des rouges plus jeunes

Cette fois, les conclusions de la dégustation étaient plus partagées. « Nous avons constaté des nuances de suavité sur les blancs et moins de fruité sur les rosés mais peu de différences flagrantes pour la plupart, analysait le sommelier Philippe Faure-Brac. Quant aux rouges, ils paraissaient plus jeunes, ce qui est intéressant pour des vins de garde ». Les blancs immergés perdaient un peu de leur vivacité et gagnaient parfois une pointe saline (eau de mer non comprise), les rosés apparaissaient souvent un peu plus éteints que les bouteilles restées en cave ; mais la différence d’évolution la plus nette s’est ressentie sur les rouges avec un resserrement des tanins et un milieu anaérobie qui a ralenti l’évolution du mourvèdre. L’expérience pourrait être renouvelée avec une immersion plus longue mais Guillaume Tari rêve aussi de tester le vieillissement dans l’espace… dans un peu plus longtemps.