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Patrimonio, 50 ans et bientôt bio

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

26.11.2018

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Il y avait foule cette année pour la San Martinu, la fête patronale de Patrimonio qui célèbre le saint patron des vins. D’abord parce qu’elle correspondait aussi au centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale mais aussi au cinquantenaire de l’AOC Patrimonio, la première à avoir vu le jour en Corse.

La San Martinu et le cinquantenaire de l’appellation a été l’occasion de rendre hommage aux Bernardi : le grand-père Xavier qui avait déjà commencé le combat contre la fraude, les vins de Narbonne se retrouvant vins de Corse en 1914 comme dans les années 20, des vins d’Espagne et d’Algérie. Malgré l’interdiction de coupage en 1930, Pierre, le fils, poursuit cette guerre dans les années 40 et porte la première demande de Patrimonio en appellation simple. Un premier arrêté en 1943 fixe les tarifs des vins du Sartenais, du Cap Corse et du golfe d’Ajaccio « mais en 1948, avec la disparition du contrôleur général de l’Agriculture dans l’île, le statut vinicole n’a pas été appliqué, rappelle Ariane Mathieu, délégué de l’Inao depuis 25 ans. Il a fallu attendre les années 60 et une nouvelle mobilisation des vignerons du Cap et de Patrimonio pour une reconnaissance de ce statut en 1968 qui évite les plantations sauvages à tout va et qui a conduit à la naissance de l’appellation ». La Corse sera d’ailleurs, à partir de cette date, la première région à bénéficier d’un seul organisme pour gérer toutes les catégories de vin, AOC, vins de pays et vins de table. Mais l’interprofession ne naitra qu’en 1996 et ne sera reconnue qu’en 2008.

Lutter pour le collectif

A partir de 1998, c’est Jean-Laurent de Bernardi, président de l’appellation Patrimonio jusqu’en 2016 qui va tenter de fédérer, notamment en organisant la fête du vin de la San Martinu le 11 novembre et en travaillant à la création de la Maison des vins, hélas jamais aboutie (elle est construite au cœur du village de Patrimonio mais ne fonctionne pas faute de budget et de consensus parmi les vignerons). « J’ai sans doute passé plus de temps à apaiser les tensions entre les hommes qu’à parler de vin, reconnaît-il. Car comme dans toute la Corse, le collectif n’est pas facile. Avoir un maire-vigneron (Guy Maestracci) qui a lutté aussi pour le collectif pendant 30 ans, ça a aidé. On est arrivé à imposer une bouteille syndicale en 2012, à obtenir un classement comme grand site inscrit au patrimoine national mais mon grand regret est l’abandon de la Maison des vins ». La faute à quelques vignerons individualistes, hélas parmi les plus emblématiques de l’appellation.

Vers le bio

Aujourd’hui l’AOC compte une quarantaine de caves particulières (elles étaient 32 en 2011) et n’a plus de coopérative (elle a disparu dans les années 80 et comptait 120 apporteurs de petites parcelles). « On a beaucoup douté, on s’est parfois découragé mais l’arrivée de beaucoup de jeunes vignerons, des ‘enfants de’ mais pas que, et beaucoup de jeunes vigneronnes est rassurant pour l’appellation », conclut Arianne Mathieu. La prochaine étape sous la houlette de Mathieu Marfisi consistera à accompagner l’appellation vers le bio. Actuellement les trois quarts des surfaces (sur un total de 426 ha) le sont (Il y a 20 ans seul le domaine Guissani Paoli était en bio) et le jeune président compte bien accélérer la tendance en faisant voter dans quelques semaines l’interdiction des herbicides à base de glyphosate sur l’aire d’appellation. « Il n’y a plus qu’une demi douzaine de domaines qui en utilisent et la quasi-totalité s’est engagée à l’arrêter d’ici 3-4 ans, commente Mathieu Marfisi. Pour les jeunes qui se sont installés ces dernières années, c’est une évidence et en faisant voter l’interdiction en AG, tout le monde aura 5 ans pour se mettre en conformité. Mais il faudrait aussi engager une réflexion environnementale globale, par exemple sur la gestion des effluents viticoles pour un traitement obligatoire avant tout rejet car en dessous de 500 hl (environ 80% de l’appellation), il n’y a aujourd’hui aucune règlementation ». Une étude devrait être lancée prochainement et une station de traitement des effluents est en réflexion pour Patrimonio et Barbaggio. De bonnes résolutions pour fêter les 50 ans de Patrimonio.