Quels vins avec un camembert ?

Le Camembert de Normandie est sans aucun doute le fromage le plus connu en France comme à l’étranger. C’est aussi l’un des plus imités, seule la particule « de Normandie AOP » en garantit l’origine et l’élaboration au lait cru de vache Normande.

Né en pleine Révolution, il porte le nom de son village d’origine où Marie Harel l’aurait créé vers 1790 d’après les conseils de l’abbé Bonvoust, un prêtre réfractaire que la paysanne cachait chez elle. Le fromage remporte un rapide succès local, puis régional, enfin parisien grâce à la mise en service en 1855 de la ligne de chemin de fer Paris-Lisieux-Caen qui met la capitale à 6 heures du Pays d’Auge (contre 3 jours avant). L’invention de la boîte en copeaux de peuplier en 1890 permet son transport à longue distance. Les poilus de 14-18 en bénéficieront, nourrissant et commode, le camembert acquiert dans les tranchées son incroyable popularité. Il lui faut toutefois attendre le 31 août 1983 pour obtenir la reconnaissance officielle.
Le terroir du Camembert de Normandie se limite aux départements normands du Calvados, de l’Eure, de la Manche et de l’Orne. Une région humide et verdoyante qui en détermine les caractéristiques. Fromage à pâte molle croûte fleurie, il faut 2, 2 L de lait pour obtenir un Camembert de 250 g. De forme régulière et ronde, son épaisseur atteint les 3 cm pour un diamètre de 11 cm. Sa croûte fine légèrement plissée se couvre d’un duvet blanc qui peut s’ocrer au talon selon l’affinage. Sa pâte souple ivoire clair offre une complexité de goût remarquable. Noisette et champignon cru se coulent dans le lait délicatement aillé, la paille humide s’embellit de fleurs sèches, le cuir entoure le silex saupoudré de poivre blanc.

DOMAINE AU PIED DU MONT CHAUVE (FAMILLE PICARD)
Pitangeret 1er cru 2012 – Saint-Aubin (34 €)
Pitangeret… un sobriquet qui éveille l’intérêt du Camembert. Est-ce son regard lumineux, son agréable parfum de citron nuancé de menthe fraîche ou encore son caractère salin qui attire le Normand ? Le fromage ne résiste pas à la bouche de réglisse, au petit menton en guimauve. Et ce qui lui plaît par-dessus tout, ce sont les fruits blancs qui s’accrochent au squelette minéral. À la fois élégantes et sensuelles, les poires croquantes, les groseilles délicates, apportent à la pâte une fraîcheur inattendue. Une énergie nouvelle qui transforme le paysan en prince charmant.

VIGNOBLE ALAIN IGNACE
Le Petit Grain d’Antonin 2015 – Muscat de Beaumes de Venise rosé (12, 50 €)
Quel plaisir pour le Camembert de se plonger tout entier dans les senteurs intenses de litchi et de pamplemousse, un véritable bain de jouvence où flottent pétales de rose et fleurs d’oranger. Le poivre du fromage se mélange à la douceur du vin. Son sel et sa pointe aillée se noient dans les élixirs de poire et de pêche du muscat. Le voilà tout ragaillardi, heureux de ce nouvel équilibre extraverti. Le vin s’emmaillote du cuir crémeux et s’alanguit sur le bois de santal satisfait du travail accompli.

DOMAINE RANCY
Macabeu Rancio sec – Vin de Pays Côtes Catalanes (15 €)
Le Camembert s’attend à un dégradé sucré, mais c’est face au tempérament sec, presque austère du Roussillonnais qu’il se retrouve un instant désemparé. La robe ocre fauve ne fait pas le vin, certes, et bien vite, il entrevoit toute la complexité du rancio. Comme ces accents torréfiés qui ressemblent à s’y méprendre à ceux du fromage. Ils ont aussi en commun la noisette et d’autres fruits secs, la pointe saline et l’impression minérale. Ils sont faits pour s’entendre, amitié raffinée bien loin de tout ce qu’on aurait pu imaginer.

Cet article a été publié dans la rubrique « Vins & Fromages » – Terre de Vins n°40, mars-avril 2016.