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1855.com : clients en colère et gros bénéfices

Auteur

La
rédaction

Date

23.03.2013

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L’avocate Hélène Poulou défend près de 200 clients du site de vente de vins 1855.com se plaignant de commandes non livrées. Elle a déjà obtenu de nombreux succès. Interview.

Combien de dossiers de clients mécontents de 1855.com avez-vous à gérer ?
J’ai déjà plaidé environ 50 dossiers devant plusieurs tribunaux d’instance à Paris, Bordeaux, Toulouse, Arcachon, etc. Avec toujours des résultats positifs pour mes clients. C’est-à-dire des décisions qui obligent la société 1855 à livrer les vins commandés sur son site Internet, assorties d’astreintes qui sont allées de 50 euros à 900 euros par jours de retard de livraison. Mais j’ai encore environ 150 dossiers pour lesquels je suis en attente de décision. Et surtout, je reçois presque tous les jours des appels de nouveaux clients.

Quand avez-vous engagé votre première procédure ?
En novembre 2011, avec une mise en demeure de livrer, pour un client qui avait passé commande sur le site 1855.com de bouteilles de Château Latour et de Château Lafitte de 2008 en primeur. Ensuite, les choses se sont accélérées, d’abord dans le courant de l’été 2012 après la constitution de l’association ABUS1855.com (Association au bénéfice des usagers spoliés par 1855.com) qui compte aujourd’hui près de 200 membres, et ensuite depuis le début de cette année.

Les tribunaux d’instance, au-delà de Bordeaux, cernent-ils bien la nature de la vente en primeur à laquelle ils ne sont pas familiarisés ?

En général, j’arrive toujours devant les magistrats avec plusieurs dossiers. Ce qui leur permet à la fois d’identifier immédiatement qu’il y a un problème généralisé et de constater que le procédé utilisé par 1855.com est toujours le même, à savoir l’envoi de mails destinés à faire patienter le client lui promettant une livraison imminente… qui n’aura pas lieu.

Cette attitude ne nuit-elle pas à l’image des vins de Bordeaux et des châteaux ?
Bien évidemment… Mais ceci est totalement injuste et regrettable envers les producteurs. Il est pourtant indéniable que l’image des châteaux est sévèrement écornée par les agissements de la SA 1855, de même que celle du système des primeurs en général. D’ailleurs, beaucoup de mes clients me le confirment lors du premier entretien, tant ils sont persuadés, à tort, de leur implication. D’autant plus que la SA 1855 tente de faire croire que la récurrence des problèmes de livraison serait due aux châteaux qui ne leur auraient pas livré les vins attendus… alors que bien entendu, j’insiste sur ce point, les châteaux ne sont absolument pas responsables d’une situation qu’ils subissent.

Est-on face à une situation appelée à durer indéfiniment ?
Il faudra bien qu’il y ait une issue à une situation qui existe depuis au moins 2002. Soit 1855 reprendra normalement et intégralement ses livraisons, soit à terme, la SA pourrait être contrainte de fermer. Mes clients iront jusqu’au bout pour récupérer leurs vins payés depuis des années. Mes clients se sentent méprisés et dupés par la société qui gère 1855.com. Et ils se demandent tous pourquoi cette situation dure depuis aussi longtemps.

La solution ne passera-t-elle pas par la voie pénale ?
Pour le moment, tout le monde attend de voir comment les choses vont se passer après les décisions des tribunaux civils. Mais j’ai des clients qui me posent de plus en plus de questions à ce sujet. L’un d’eux attend ses vins depuis 2002. Il avait passé avec 1855 un contrat d’hébergement qui lui garantissait que ses vins seraient conservés dans de bonnes conditions dans des entrepôts adaptés et disponibles à la première demande. Quand il a voulu récupérer ses vins, il a reçu les mêmes mails d’annonce de livraison imminente… Il les attend encore.

Est-ce que, pour vous, le site de vente en ligne se porte mal ?
Dans les faits, rien ne démontre que la SA 1855 connaît de réelles difficultés. Même si on entend parfois, et ce depuis de nombreuses années, que sa situation financière serait gravement obérée, certaines informations tendent à démontrer le contraire. Il suffit d’une part de mentionner les augmentations de capital récurrentes effectuées, le rachat de sociétés comme ChateauOnline.fr et caveprivee.com ou plus récemment le site Ces caves de la Transat… et de rappeler d’autre part que l’argent, la manne financière des clients non livrés, se trouve bien quelque part.

Jean-Pierre Tamisier

LE CHIFFRE : 277
C’est le nombre de bouteilles qu’un client parisien d’Hélène Poulou, qui vient de gagner le plus récemment devant le tribunal d’instance de Paris, espère voir arriver un jour. Il a passé commande de grands crus (Yquem, Smith Haut Laffite, Lascombes etc) en 2006, 2007 et 2009. La SA 1855 est condamnée à livrer les bouteilles dans un délai de quinze jours après signification de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

POUR EN SAVOIR PLUS
La société anonyme 1855 est née en 1995. Elle était à l’époque pionnière de la vente de grands crus sur Internet. Elle a connu des débuts très prospères et avait pour ambition selon ses créateurs, tous deux diplômés d’écoles de commerce (HEC), Éric Sauty de Chalon et Thierry Maincent, d’être « à la distribution de vin ce qu’Hermès est à la mode ».
Le principe était de prévendre les vins primeurs et d’acheter les bouteilles 18 mois plus tard, dans les foires aux vins où, promotions obligent, les prix étaient inférieurs à ceux du négoce.
Mais il semble que la mécanique se soit enrayée. On trouve trace sur Internet de virulentes critiques de 1855.com qui remontent à plusieurs années.
Mais, c’est en 2011 que la révolte des clients mécontents a vraiment commencé à se manifester. L’avocate bordelaise Hélène Poulou, en a été le témoin en voyant affluer sur son bureau des dossiers de clients mécontents.
La création de l’association ABUS1855.com a marqué une autre étape. Le vent de la fronde souffle de plus en plus fort. Cependant dans le même temps, la SA 1855 semble toujours afficher une santé florissante. C’est en tout cas ce qui ressort de ses bilans. On devrait connaître les chiffres de 2012 dans quelques jours, mai l’année précédente, la SA 1855 avait fait état d’un bénéfice net de 1, 11 millions d’euros.
Ce qui n’avait pas été pour calmer l’agacement des clients qui attendent depuis des années de voir le vin qu’ils avaient commandé.