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Calon-Ségur change de mains

Auteur

La
rédaction

Date

03.07.2012

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Le Château Calon-Ségur (Grand Cru Classé, AOC Saint-Estèphe) est vendu à Suravenir Assurances. Estimé à près de 170 millions d’euros, c’est la plus grosse transaction viticole de l’année.

Dans le monde des grands vins bordelais, voici la plus importante transaction de l’année. Un protocole de cession a été signé vendredi, soit juste avant la date butoir du 30 juin qui avait été fixée par les parties en présence. L’acquisition devrait être effective avant l’hiver. Le Château Calon-Ségur, cru classé en 1855 et perle de l’AOC Saint-Estèphe, est cédé par la famille Capbern Gasqueton. C’était une des rares propriétés médocaines à appartenir à la même lignée depuis justement ce classement du milieu du XIXème siècle, devenu aujourd’hui quasi mythique.

En fait, les deux châteaux stéphanois de la famille sont concernés par cette vente : Calon-Ségur, mais aussi Capbern Gasqueton, installé tout près de l’église de la commune et qui jouit depuis peu d’installations techniques rénovées. Soit un total de 94 hectares classés en AOC Saint-Estèphe, sachant qu’aujourd’hui 82 sont plantés.

La société Suravenir Assurances est l’acquéreur. C’est une filiale du groupe bancaire Arkéa, qui réunit trois fédérations du Crédit mutuel : Bretagne, Massif central et Sud-Ouest. Suravenir, spécialiste de l’assurance-vie, gère 25 milliards d’euros d’actifs pour 1, 8 million de clients. Jean-Pierre Denis, président d’Arkéa et du Crédit mutuel de Bretagne, s’explique sur cette acquisition, une première dans le monde du vin pour la banque mutualiste. « Nous cherchions une propriété de renom, sans précipitation. Calon-Ségur possède un gros potentiel de valorisation. Comme toute compagnie d’assurances, nous diversifions nos actifs. Cet investissement à long terme a une forte logique économique mais aussi territoriale : le Sud-Ouest est un de nos bassins d’activité de référence. On y renforce notre présence ; de plus, dans un domaine d’excellence. »

L’homme, qui fut secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Jacques Chirac, compte aussi sur Jean-François Moueix pour réussir. Personnalité reconnue du Bordelais (négoce Duclot, Petrus à Pomerol…), il est intervenu dans ce dossier. Comme il l’avait fait d’ailleurs pour le voisin de Montrose, autre cru classé de Saint-Estèphe, quand les frères Bouygues l’acquirent en 2006. Dans les deux cas, Jean-François Moueix (groupe Videlot) est actionnaire minoritaire.

Plus cher que dans le Médoc

D’après nos informations, la transaction, dont le montant n’a pas été révélé, avoisine 170 millions d’euros. Mais il existe des clauses de variation de prix dans le contrat. « Le terroir de Calon-Ségur est exceptionnel, et le prix ramené à l’hectare est ici plus élevé que pour les dernières grandes transactions dans le Médoc, que ce soit Montrose, Lascombes (Margaux) ou Pichon Longueville Comtesse de Lalande (Pauillac) », estime un proche du dossier.

Il faut aussi tenir compte de la valeur des stocks – en l’espèce, pas du tout négligeable – pour tout calcul d’estimation du foncier. « C’est une affaire extraordinaire, qui pourrait atteindre 200 millions d’euros », confirme un expert de ces transactions qui regrette de ne pas avoir pu faire d’offres au vendeur.

« Calon-Ségur est une belle endormie dont les bouteilles se vendent bien. Ce fut par exemple une des rares réussites de la campagne de vente en primeur du millésime 2011 », confirme un courtier de la place bordelaise. Ce château, dont l’étiquette arbore un joli cœur rouge, vaut entre 50 et 90 € la bouteille, suivant les millésimes. Un bon rapport qualité-prix.

« Cette vente est pour notre famille un crève-cœur »
, explique Alain de Baritault. Son épouse, née Hélène Capbern Gasqueton, avait pris la tête des propriétés à l’automne dernier. Et cela, quelques semaines à peine après le décès de sa mère, Denise Capbern Gasqueton, personnalité médocaine reconnue. Malgré la volonté affichée de porter encore le flambeau du château, ses deux nièces, également actionnaires, l’ont entendu autrement. « Il devenait alors impossible de leur régler leurs parts, vu les montants financiers », explique-t-on. La vente devenait inévitable.

César Compadre