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Crus Bourgeois : le classement quinquennal se précise

Auteur

Laura
Bernaulte

Date

28.10.2017

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Jeudi dernier, l’Alliance des Crus Bourgeois tenait une assemblée générale extraordinaire à Castelnau-de-Médoc. A l’ordre du jour notamment, le classement nouvelle mouture, de plus en plus tangible. Point d’étape avec le président de l’Alliance, Olivier Cuvelier.

Cette fois semble être la bonne ! Sur les rails depuis 2014, après quelques péripéties, le classement quinquennal des Crus Bourgeois, prévoyant notamment la réintroduction des mentions complémentaires historiques, semble bel et bien parti pour aboutir. L’Alliance des Crus Bourgeois travaille sans relâche pour le rendre opérationnel à l’horizon 2020. Deux jours après une nouvelle assemblée générale qui concrétise encore d’avantage le projet, le point avec le président de l’Alliance des Crus Bourgeois, Olivier Cuvelier.

Une assemblée générale extraordinaire des Crus Bourgeois s’est tenue ce jeudi matin à Castelnau-de-Médoc, réunissant plus de deux-cent adhérents de l’Alliance des Crus Bourgeois. L’ordre du jour de cette AG concernait-il le projet de classement ?
Le point central de l’AG était de présenter en détail le plan de vérification, document qui vient préciser le cahier des charges voté il y a un an. Nous avons souhaité un vote en deux temps, pour que tous les adhérents soient bien d’accord sur le projet. C’est un peu comme dans la construction d’un immeuble, le cahier des charges représente les murs, et le plan de vérification les meubles à l’intérieur, pour avoir une proposition parfaitement cohérente. Le tout a été repassé au vote des adhérents ce jeudi. 78,8% l’ont validé, soit un score comparable aux 78% de l’an dernier. C’est un beau consensus autour du projet.

Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs quels sont les critères à partir de 2020 pour pouvoir prétendre au classement en cru bourgeois, et plus haut aux mentions complémentaires « cru bourgeois supérieur » et « cru bourgeois exceptionnel »?
Le classement devient quinquennal, et non plus annuel. Le premier classement de 2020 fait l’objet de mesures transitoires. Tous les crus bourgeois qui, depuis 2008, premier millésime de la reconnaissance, ont été sur huit ans au moins cinq fois reconnus « Crus Bourgeois », seront « Crus Bourgeois » d’office, sans passer par la dégustation. Dans les classements suivants, la première porte d’entrée sera qualitative, avec une dégustation à l’aveugle sur cinq millésimes, et plus comme aujourd’hui, sur un seul millésime juste avant mise en bouteille. Ces cinq millésimes feront l’objet d’une note, qui permettra ou non d’accéder ensuite aux mentions complémentaires « Cru Bourgeois supérieur » ou « Cru Bourgeois exceptionnel ». Pour s’engager sur cette route des mentions complémentaires, chaque propriété préparera un dossier, qui sera examiné, puis une délégation opérera une visite sur site pour confirmer la cohérence entre le dossier et le terrain. Ensuite, un jury sera chargé d’extraire, parmi tous ces crus qui ont passé ces étapes, la pointe de la pyramide, les « Crus Bourgeois exceptionnels », ceux qui auront les meilleures notes partout. Il faut aussi préciser qu’il n’y a pas de numerus clausus pour ces mentions complémentaires.

En regardant vers 2020, date où le classement doit être effectif, quelles sont les étapes restant à franchir ?
Nous sommes en cheville avec les pouvoirs publics, le ministère de l’Agriculture et le ministère de l’Economie et des Finances, pour obtenir l’ordonnance qui entérinera le classement. Il ne nous manque plus que cette approbation ministérielle pour avancer. On espère l’obtenir pour la fin de l’année. On a déjà communiqué avec les ministères pour leur faire connaître le score du vote de ce jeudi, qui montre bien qu’on est unis et qu’on avance comme un seul homme. Nous avons également l’appui de certains politiques sur la région, impliqués sur le terrain, on en a besoin pour faire bouger les choses.

Que manque-t-il pour franchir avec succès cette dernière marche de la reconnaissance ministérielle ?
Les pouvoirs publics veulent des critères objectivables, pour que les châteaux qui se lancent dans la procédure de classement sachent à quelle hauteur sauter pour passer. Ils sont très frileux sur les histoires de classement, ils ont peur des conflits juridiques, car ils ont dans l’esprit le classement de Saint-Emilion, ses rebondissements et son avenir incertain. Depuis le lancement du projet, on a retravaillé le système de notation. A la dégustation, on travaille en alpha-numérique. Chaque dégustateur donne une note globale sur les cinq millésimes : A (Cru Bourgeois Exceptionnel), B (Cru Bourgeois Supérieur), C (Cru Bourgeois), D (exclusion). On donnera des notes attachées à chaque lettre et les gens sauront à quel niveau il faut passer pour rentrer dans chaque catégorie. Ca n’est pas toujours simple de faire objectif, notamment dans un exercice comme la dégustation.

Cette frilosité des pouvoirs publics ne serait-elle pas également due au délai de cinq ans entre deux classements, qui pourrait éventuellement faire redouter un relâchement qualitatif sur la période quinquennale ?
Lorsque quelqu’un devient Cru Bourgeois, les cinq millésimes lors desquels il est déjà classé sont ceux qu’il présentera pour le classement suivant. Cela maintient une certaine pression. On a créé au moins deux contrôles aléatoires par propriété dans la période quinquennale, pour sécuriser et montrer vis-à-vis du ministère public qu’on ne relâche pas la pression sur nos adhérents. Si on constatait qu’il y avait un problème avec la dégustation d’un vin d’un adhérent sur ces contrôles, il ne serait pas sorti du classement car il est classé pour cinq ans, mais il n’aurait pas ses stickers « Crus Bourgeois ». Quali-Bordeaux Vérification, entité créée spécialement par Quali-Bordeaux pour les crus bourgeois, encadre toute la mise en place du classement, et viendra prélever les échantillons pour faire les contrôles aléatoires dans les cinq ans.

Lors du vote de ce jeudi, 78,8% des adhérents se sont exprimés favorablement, ce qui laisse 21,2 % d’insatisfaits. Avez-vous une idée de leur motif d’insatisfaction ?
C’est un vote secret, donc on n’a pas connaissance des motifs de ces 21,2 %. C’est difficile de déterminer qui est contre et pourquoi. Pour être transparent, on pense qu’une partie de ceux qui votent contre sont ceux qui sont Crus Bourgeois « simples » et n’ont pas envie de candidater pour devenir « supérieurs » ou « exceptionnels ». Ils se demandent probablement ce qu’ils ont à gagner, à part le côté quinquennal, avec ces étages supérieurs. Notre rhétorique est d’expliquer à nos adhérents qu’on veut étirer la famille vers le haut et pas l’inverse, et redonner de la lisibilité aux consommateurs. Car cette espèce de famille monobloc a tendance à tirer les prix vers le bas.

271 Crus Bourgeois du Médoc figurent dans la sélection officielle 2015, effectuée cette année. Pensez-vous que ce nouveau classement quinquennal va voir le nombre de Crus Bourgeois retenus dans la sélection officielle augmenter ?
On a l’impression et on souhaite qu’il y ait plus de candidats. On a pas mal de Crus Bourgeois qui sont partis depuis quelques années, car ils trouvaient le système trop contraignant par rapport ce qu’ils en retiraient. Cette procédure de vérification sur cinq ans avec des millésimes plus anciens va aussi peut-être éliminer des gens qui avaient aisément la reconnaissance sur un millésime tout jeune, dégusté juste avant la mise en bouteilles. Là, on va goûter des vins vieux, en remontant jusqu’à N-7… La base des vins du Médoc c’est aussi d’être des vins de garde, donc cette dégustation à cinq millésimes est intéressante car elle donne une vision sur la philosophie du château et sa capacité à produire des grands médocs de garde.