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[EXCLUSIF] Primeurs : vous ne boirez pas de Petit Cheval 2015 !

Auteur

Rodolphe
Wartel

Date

23.03.2016

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Le premier groupe mondial du luxe, LVMH, a décidé de laisser Petit Cheval 2015 à l’écurie. Le choix de Pierre Lurton, gérant de Cheval Blanc, Premier Grand Cru classé A (mais aussi Président du Château d’Yquem à Sauternes), va encore faire du bruit.

Lancé en 1988, ce vin qui fut d’abord le second vin de Cheval Blanc pour devenir au fil des ans un grand vin à part entière – aujourd’hui vendu autour de 200€ la bouteille (le double du prix d’un château Figeac) – « est devenu dès 2005 une grande marque à part entière », insiste Pierre Lurton. Une marque vendue à 15 000 bouteilles environ chaque année – une goutte d’eau à l’échelle de la planète et des grands amateurs de vin – quand Cheval Blanc en commercialise 80 000 environ.
Pourquoi, alors, soudainement mettre Petit Cheval au paddock en attendant le millésime 2016 ? A plusieurs reprises, le groupe LVMH et Pierre Lurton n’ont pas hésité à ne pas produire de château d’Yquem. Ce fut le cas récemment avec le millésime 2012. Il s’agissait alors de ne pas sortir un château d’Yquem parce que le millésime ne semblait pas à la hauteur de la réputation de ce vin iconique.

Cette fois-ci, les raisons qui ont présidé à ce choix sont clairement différentes. Petit Cheval ne sortira pas en raison d’un millésime qui pourrait être jugé médiocre, mais parce que « tout ce qui est bon habituellement est extraordinaire en 2015 », défend Pierre Lurton. « L’année 2015 est particulière. On s’aperçoit que quand on va prélever quelques parcelles pour faire du Petit Cheval, on enlève une part de synergie à Cheval Blanc. Cheval Blanc, globalement, est un terroir qui permet sur pratiquement toute sa surface de faire du Cheval Blanc. On l’a démontré en 1982. Petit Cheval est né d’une sélection qui était nécessaire sur certains millésimes. A partir de 2005, la qualité de Petit Cheval a monté. Mais cela fonctionnait tant que Petit Cheval n’enlevait rien à la synergie de Cheval Blanc. Cette synergie aujourd’hui va plus loin et ne laisse pas, en 2015, de place à Petit Cheval. »

Si Pierre-Olivier Clouet, directeur technique de Cheval Blanc assure que « 2015 est un très joli millésime mais peut être pas un millésime exceptionnel », il complète également les propos de son patron : « Nous prenons cette décision parce que tout est très homogène. C’est l’homogénéité globale de la qualité qui est impressionnante. Cette information peut être une bombe, mais nous ne voulons pas laisser penser que c’est une posture business pour faire plus de grand vin. On veut expliquer les choses. Ce choix est la consécration technique de Cheval Blanc. Nous avons trois cépages, 45 parcelles. Plus on met de parcelles, plus Cheval Blanc est intéressant ! »

Si en mettant provisoirement en retrait Petit Cheval Pierre Lurton prend le risque de laisser penser que LVMH veut faire de ce 2015 une cash machine, plus fortement valorisée grâce à Cheval Blanc dont le nombre de bouteilles pourra mécaniquement progresser, il envoie également un signe fort au marché avant l’ouverture des primeurs début avril au sujet de ce millésime déjà considéré comme excellent. Il risque par ailleurs de faire des émules au sein des grands bordeaux qui seront tentés de réduire les volumes de leur second vin, dans l’intérêt des amateurs de grandes étiquettes, mais aussi dans l’intérêt de… leur trésorerie. Si dans certaines propriétés les superficies n’ont cessé de grandir au cours du dernier siècle, à Cheval Blanc l’assiette foncière n’a pas évolué depuis… 1832. Une réalité qui offre au lumineux Pierre Lurton un atout puissant face aux éventuelles critiques.