Accueil Fin de vendanges « Deus ex machina » en Champagne

Fin de vendanges « Deus ex machina » en Champagne

Auteur

Joëlle
W. Boisson

Date

27.09.2019

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2018 était miraculeux, 2019 est inespéré. La Champagne enchaîne une deuxième année consécutive de récolte superbe. Avec, comme toujours, l’impression qu’une année se joue ou se déjoue en quelques semaines selon la météo. Et les conséquences – pas toutes négatives – du réchauffement climatique pour la qualité des vins.

Le scénario est connu par cœur : la vendange n’était pas gagnée, mais la météo s’est subitement mise au beau en dernière ligne droite, permettant au raisin de mûrir et à la qualité d’être au rendez-vous. Un scénario qui ferait même penser aux pièces de théâtre antique où, au dernier acte, une force extérieure surpuissante et divine arrive sur scène pour dénouer de manière impromptue une situation bien mal engagée.

Et pourtant, c’est encore ce scénario qui s’est produit en 2019 en Champagne. Alexandre Ponnavoy, chef de caves chez Taittinger, ne dit pas autre chose lorsqu’il s’exclame, au milieu des vendanges : « la Champagne est vraiment une région bénie des Dieux ! Qui aurait dit qu’on aurait cette arrière-saison magnifique avec des nuits fraîches et des journées splendides ? »

Flash back. A fin juillet, le discours est prudent. La Champagne a connu un hiver doux et un printemps frisquet émaillé de quelques épisodes de gel, quelques orages de grêle, deux pics de canicule en juin et juillet et une frayeur de maladie d’oïdium. Les prévisions tablent sur une vendange mi-septembre et un déficit de 10 à 15 % par rapport au potentiel de récolte initial.

Et puis vient l’été, un peu (voire plus) de pluie, et tout s’accélère. « Le climat chaud et ensoleillé des mois d’août et septembre, mais combiné à des nuits fraîches à l’approche de la vendange a permis à la vigne de connaître une dynamique de maturation exceptionnelle », explique le communiqué de presse du Comité Champagne. « [elle a donné] des moûts dont l’équilibre entre acidité et taux de sucre ainsi que la concentration aromatique sont de d’excellent augure pour les futures cuvées. »

Branle-bas de combat fin août pour préparer les cuveries et proclamer les dates officielles de début des vendanges, avancées d’environ une semaine par rapport aux premières prévisions et qui confluent, selon les secteurs, soit autour du 4, soit autour du 9 septembre. La petite pluie qui va bien (5 mm) les 4 et 5 septembre pour relancer les maturités dans les zones en stress hydrique, et c’est parti dans toute la Champagne pour 15 jours de vendanges ! Météo au beau fixe et nuits fraîches, permettent d’attendre sereinement les maturités optimales et se dire que le réchauffement climatique a – aussi – des conséquences positives pour la qualité des vins champenois.

2018 était miraculeux, 2019 est inespéré. « Le mot-clé de cette vendange, c’est la sérénité, sourit François Huré au Domaine Huré Frères à Ludes. Le flux des livreurs était au top, du coup les centres on eu le temps d’absorber tranquillement les raisins et la logistique des citernes a été fluide. Comme il faisait beau, cela n’a énervé personne d’attendre un jour de plus pour vendanger, et comme les nuits étaient fraîches, le raisin n’arrivait pas chaud sur les quais ! »

Seules les quantités sont parfois limitées. Mais les rendements économiques décidés cette année par l’interprofession étaient de toute façon prudents (10 200 Kg/ha) au vu de l’incertitude des marchés. Et la récolte 2018, pléthorique et qualitative, avait permis de remplir à bloc la « réserve Champagne » qui tient lieu d’assurance climatique. Encore un « Deus ex machina » !