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Jacques Dupont, « fier du vin français »

Auteur

La
rédaction

Date

20.05.2013

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Dans un livre « coup de gueule » intitulé « Invignez-vous » (Editions Grasset), le journaliste Jacques Dupont, spécialiste du vin au magazine Le Point, s’insurge contre les conséquences de la loi Évin. Entretien.

Pourquoi écrire ce livre aujourd’hui, alors que la loi Évin remonte à 1991 ?

Cela bouillait en moi depuis pas mal de temps. J’ai souvent écrit des papiers dans « Le Point » sur cette loi qui limite fortement la possibilité pour le monde viticole de communiquer. Alors, ça a débordé et je me suis lancé, avec six mois de travail. Au-delà de cette réglementation contraignante comme pratiquement nulle part ailleurs dans le monde, c’est tout l’environnement hygiéniste et prohibitionniste qui s’installe dans l’Hexagone qui devient dérangeant et déroutant.

À quoi pensez-vous ?

C’est quand même invraisemblable qu’en France, pays du vin, un texte de loi ait mis dans le même panier le vin, les alcools industriels et le tabac ! C’est un coup de gueule, avec un titre d’ouvrage inspiré du manifeste « Indignez-vous ! » de Stéphane Hessel. Le monde de la TV est pratiquement interdit au vin. Il n’y a aucune émission consacrée à son apprentissage, à l’éducation du goût. La loi est restrictive mais il faut aussi compter avec l’autocensure des médias, sans oublier la jurisprudence.
Une campagne de publicité du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) a par exemple été condamnée par la justice parce qu’elle incitait, prétendument, au plaisir de la consommation. J’aimerais que la France retrouve la fierté de son vin et du patrimoine viticole.

Le plaisir du vin est donc complètement laissé de côté…

Oui, il ne faut surtout pas montrer sur les affiches ou à la TV que l’on a un plaisir simple à déguster du vin. Cela va même plus loin, puisque des parlementaires envisagent actuellement d’instaurer une taxe « comportementale » sur la consommation de vin. Au ministère de la Santé et dans les instances dirigeantes, les tenants de l’abstinence, voire de la prohibition, ont énormément de pouvoir. J’ai beaucoup travaillé sur les raisons historiques – c’est ma formation d’origine – ayant amené à cette mentalité bien française du plaisir bridé. Nous envoyons constamment au monde l’image que le vin est mauvais, alors que nous sommes son plus noble représentant.

Les conditions pour assouplir cette loi Évin sont-elles réunies ?

Non, le rapport de forces est encore plus déséquilibré dans l’autre sens. La parole du médecin est sacrée en France ! Certains organismes sortent des chiffres – notamment sur la mortalité – invérifiables. La loi Évin a échoué, si l’on en croit les problèmes croissants d’alcoolisme. En parallèle, le monde viticole laisse souvent faire. Je n’ose imaginer nos paysages sans les vignes (de la friche ?), la Gironde sans ses vins ou le Médoc sans ses châteaux. Quand je pense aux travaux du professeur Serge Renaud, récemment décédé, et aux bâtons qu’on lui a mis dans les roues…

Quelle réponse donner à ceux que vous appelez les hygiénistes ?

Je pense par exemple à la fête du vin réunissant à Bordeaux les années paires des centaines de milliers d’amateurs, sans débordements et dans la bonne humeur. C’est une belle réponse. Paris devrait faire la même, sur les Champs-Élysées. Ce serait mieux que le PSG fêtant son titre de champion de France de football…

Entretien réalisé par César Compadre (source).