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Jour de vendange à Pichon-Longueville

Auteur

La
rédaction

Date

05.10.2012

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Au Château Pichon-Longueville Baron, second Grand Cru Classé 1855, les vendanges ont débuté cette semaine avec la récolte des premiers merlots. Les équipes s’activent dans les vignes pauillacaises pour donner naissance à ce nouveau millésime, qui s’annonce prometteur.

Le jour se lève sur Pauillac et sur le millésime 2012. Équipés de bottes et de sécateurs, les vendangeurs s’activent dans les vignes, coupent les grappes, chargent les caisses. Sous un ciel métallique, dans la douceur des premiers jours d’octobre, le grand cycle du vin suit son éternel recommencement. Nous sommes au Château Pichon-Longueville Baron, second Grand Cru Classé 1855. A un pas de Latour, Lynch-Bages, Pichon-Longueville Comtesse de Lalande. En un mot, dans le saint des saints du vignoble bordelais.

La parole aux merlots

Jean-René Matignon, directeur technique du vignoble, garde un œil sur la table de tri où sont soigneusement examinées les grappes de merlot. Ce sont les plus jeunes vignes sur les terroirs les plus précoces, qui ont été vendangées depuis ce lundi. « Ces jeunes merlots vont servir à composer notre second vin, les Tourelles de Longueville, explique Jean-René Matignon. Dans un second temps nous vendangeons les vieilles vignes de merlot, qui demandent beaucoup d’observation intra-parcellaire. Sur des terroirs intermédiaires, nous allons au plus près de la maturité, à l’intérieur d’une même parcelle, pour répartir harmonieusement les raisins entre premier et second vin. Nous consacrons beaucoup d’efforts à améliorer la qualité du merlot à Pichon ».

Représentant environ un tiers de l’encépagement de la propriété, le merlot entre pour moins de 20% dans l’assemblage du premier vin, qui est avant tout l’expression du cabernet sauvignon – épanoui sur un grand terroir de graves. Ce dernier devra attendre : sa récolte n’est pas prévue avant le 15 ou le 17 octobre. Il s’agit de le ramasser à maturité optimale pour lui donner sa pleine mesure ! Entre-temps, on se sera occupé des vieux merlots, des vignes du Château Pibran (propriété placée sous la bannière de Pichon-Longueville, dont le vin est produit par les mêmes équipes), du cabernet franc (sur le terroir de Sainte-Anne, intégralement replanté en 1989) et du petit verdot, plus tardif, et encore trop jeune pour s’illustrer sur le premier vin.

Tradition d’excellence

Cette semaine, une quinzaine d’hectares auront été vendangés – les vignes de Pichon-Longueville s’étendent sur 73 hectares, auxquels il faut ajouter les 17 hectares de Pibran. Les « choses sérieuses » démarrent dès lundi prochain avec l’arrivée en force d’un groupe de vendangeurs espagnols, fidèles au poste depuis plusieurs années. Ils viennent d’Andalousie, et sont hébergés à Pibran – une tradition d’hospitalité qui perdure ici. « Nous avons une équipe d’habitués, qui reviennent tous les ans, connaissent le vignoble, les chefs d’équipe, ils savent ce qu’ils ont à faire », souligne Jean-René Matignon, alors que toute l’équipe du château se retrouve d’une grande table à l’heure du déjeuner. Au plus fort des vendanges, une quarantaine de personnes œuvrent entre les vignes et les chais. Les vendanges sont bien entendu manuelles, le tri est manuel et, depuis trois ans, doublé d’un tri optique permettant plus de précision sur la mise à l’écart des déchets.

Tout cela participe d’un souci constant d’excellence, qui s’illustre au chai bien sûr (où de nombreuses évolutions techniques sont prévues et déjà en phase de test) mais avant tout à la vigne, comme le souligne Jean-René Matignon : « tout vient de la qualité des raisins, de la précision dans le travail des parcelles, afin de conduire la matière première à sa qualité optimale, entre maturité et équilibre ». Et à cet égard, le directeur technique savoure plutôt son année : « il me semble que Bordeaux a plutôt été privilégié sur ce millésime, contrairement à d’autres régions durement touchées. Il y a certes eu, comme partout, beaucoup d’hétérogénéité dans la floraison, la véraison, la maturation. Nous avons juste eu un peu de pression mildiou au mois de juin, qui a surtout frappé cinq hectares cultivés en bio au Château Pibran. Le mois d’août a été fantastique, et malgré les pluies de la semaine dernière, les vignes sont dans un parfait état sanitaire. Cela nous permet de travailler sans stress et d’attendre le moment idéal pour vendanger ». Seuls les rendements s’annoncent en demi-teinte : Jean-René Matignon table sur 25 hl/ha pour le second vin, 35 hl/ha sur le premier vin (en recul de 15% par rapport aux estimations sur pied).

1888, 1990, 2006, 2012 ?

Dans l’ensemble, toute l’équipe de Pichon-Longueville se veut confiante pour ce millésime, que Jean-René Matignon compare à 1988 dans sa configuration, « mais plus mûr, et avec des rendements plus faibles. Dans le style, on pourrait se rapprocher de 2006, un millésime sérieux, un peu mésestimé. Dans l’ensemble c’est une année comme on les aime, plus septentrionale que les trois dernières. On devrait aboutir à quelque chose de plus classiquement bordelais. Il faut encore être patient, et attendre les premiers jus pour y voir plus clair » (pour l’instant, les trois cuves déjà remplies n’ont pas commencé à fermenter – elles dégagent déjà d’intenses arômes fruités, tendant vers la crème de cassis).

Pour avoir un autre avis sur ce millésime naissant, il faut toujours s’en remettre à l’expérience : nous posons la question à Guy Bergey, ancien maître de chai du Château Lynch-Bages et mémoire vivante du Médoc. De passage à Pichon, étonné par le caractère pulpeux des raisins, il déclare entrevoir un millésime 2012 « dans la veine de 1989, voire 1990 ». Toujours faire confiance aux anciens…

Mathieu Doumenge