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Le morgon de Lapierre, version 2012

Auteur

La
rédaction

Date

23.10.2012

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Le millésime 2012 n’est pas tendre avec les vignerons du Beaujolais, et même les plus grands noms ne sont pas épargnés : confirmation prise auprès de Mathieu Lapierre, qui a repris avec talent le flambeau du « vin nature » brandi par son père Marcel, disparu il y a deux ans.

Pour tous les amateurs de vins natures comme pour tous les défenseurs des « vrais bon vins » du Beaujolais, porteurs d’une certaine idée de la qualité et d’une viticulture authentique, les vins de Marcel Lapierre sont une référence. Depuis les années 1970 et jusqu’à sa disparition en 2010, le vigneron précurseur a imposé son morgon – issu de vignes labourées et exemptes de traitements chimiques, vinifié sans SO2, sans sucre ajouté, sans filtration, exclusivement avec des levures indigènes – comme un phare rassurant pour tous ceux qui recherchent « un vin de soif, fruité et libre ».

Avoir les épaules

A quoi va ressembler le fameux « morgon de Lapierre » en 2012 ? Alors que ce millésime s’est montré particulièrement sévère avec les viticulteurs du Beaujolais, nous avons voulu en avoir le cœur net auprès de Mathieu Lapierre, qui a repris le flambeau de son père. Ici comme ailleurs, le premier constat est le même : les rendements sont en chute libre. « Nous sommes à 26 hl/ha, précise-t-il, soit la moitié d’une année normale. Cette toute petite récolte est due à un ensemble de causes : le froid hivernal, la grêle (qui a eu à elle seule un impact d’au moins 20% sur la baisse de production), la grosse pression du mildiou, l’oïdium chez certains… De mémoire de vigneron, c’est du jamais vu, et je crois même que mon père n’avait pas connu un millésime aussi éprouvant ».

Bien évidemment, sur l’ensemble de la région, toutes les propriétés n’ont pas les mêmes épaules pour encaisser un tel millésime : « certains s’en sont pas mal sorti malgré les conditions, d’autres ont énormément souffert, ne sortant que 5 ou 6 hl/ha, poursuit Mathieu Lapierre. Si ceux-là avaient déjà des difficultés avant, il se peut que ce millésime 2012 leur soit fatal. Les plus à l’aise auront pris une assurance contre la grêle – ce n’est pas mon cas – et sont donc relativement à l’abri. »

+35% en coût financier et humain

En effet, les priorités de Mathieu Lapierre sont ailleurs. A savoir, consacrer tous ses moyens et ses efforts à la conduite d’un vignoble « nature », selon les normes de l’agriculture biologique, avec des vignes compostées et labourées, traitées sans engrais de synthèse, produits chimiques ni désherbants. Et sur une année comme 2012, c’est une vraie gageure ! « Mais il n’était pas impossible de faire une bonne récolte, même en bio, souligne Mathieu Lapierre. Cela nous a certes demandé plus de travail des sols, plus de travaux manuels (la combinaison soleil et pluie a favorisé le développement des herbes), mais aussi plus de traitements, c’est certain : la limite bio de quantité de cuivre par hectare a été atteinte. Lorsqu’on veut conduire son vignoble dans l’idée d’avoir le moins d’impact possible sur l’environnement, c’est forcément plus difficile. Cela demande beaucoup de vigilance. Cela engendre aussi des coûts supérieurs : +35% en coût financier et humain par rapport à une année normale ».

Malgré tout, Mathieu Lapierre estime avoir été relativement épargné par les maladies, et se veut confiant sur la qualité finale du millésime. « Nous avons vendangé du 14 septembre au 1er octobre (NDLR : le vignoble couvre une surface de 14 hectares). Globalement, les grappes qui ont survécu à la grêle ou aux maladies étaient très résistantes, n’ont pas été soumises au botrytis, mais il a fallu faire beaucoup de tri, être intraitable sur la sélection. C’était long, fastidieux, mais indispensable pour sauver la qualité du millésime. L’écueil à éviter lorsqu’on travaille en macération semi-carbonique comme ici, c’est ce que j’appelle les « faux goûts » dans le raisin. Il faut donc être très exigeant sur le ramassage, le tri, la vinification. Pour l’instant le raisin se comporte bien en cuves, on a des macérations de deux semaines, les vins sont en cours de fermentation : les jus sont expressifs, aromatiques, je suis assez content. Ce sera plus léger que 2009 et 2011, mais ce sera plaisant. » Et un morgon de Lapierre plaisant, c’est déjà une belle promesse…

Mathieu DOUMENGE