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Le Rhône veut la jouer blancs, bulles et rouges frais

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

18.04.2019

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Pendant l’événement professionnel Découvertes en Vallée du Rhône, Inter-Rhône a présenté les nouvelles orientations pour le vignoble et les outils qui aideront à mieux cerner les potentiels et les marchés. Parmi les premières pistes, blanchir le vignoble, développer les bulles et promouvoir les rouges à servir frais.

Michel Chapoutier l’avait déjà évoqué à plusieurs reprises, il enfonce le clou. « La génération ‘soda’ boit différemment, moins mais mieux, de façon plus occasionnelle et ils boivent frais donc plutôt des rosés, qui sont déjà passés devant les ventes de rouges dans certaines maisons, des blancs et des bulles. Nous avons des terroirs calcaires pour faire des blancs et il faut creuser la piste des effervescents en profitant de l’entrée des vins de Die dans l’interprofession et pourquoi ne pas réfléchir à un crémant ?». « Ce sont d’ailleurs les tendances mondiales, insiste le directeur Eric Rosaz. Mais nous sommes très majoritairement en rouge; il va donc falloir réfléchir à l’évolution de la région ».

En 10 ans, la part des rosés a progressé en Vallée du Rhône de 11 à 19% et les blancs frôlent désormais les 10% avec une production avoisinant les 300 000 hl, tandis que les rouges ont reculé de 88 à 79% des volumes, soit une perte d’environ 110 000 hl. Si à l’export, certains marchés s’intéressent toujours en priorité aux rouges comme la Chine au 4e rang des marchés, le Royaume-Uni, deuxième débouché, doublé en 2018 en volume par les Etats-Unis (déjà leader en valeur depuis 2011), est plutôt demandeur de blancs. « Il faut surtout miser sur les blancs de gastronomie dont les ventes progressent en CHR et chez les cavistes et qui se prêtent à beaucoup d’accords mets-vins dans un monde où l’on mange de moins en moins de viandes rouges, poursuit Michel Chapoutier. Et comme nous avons une forte densité de restaurants gastronomiques dans la vallée du Rhône, c’est une raison supplémentaire pour miser sur une augmentation de la production des blancs. L’ambition serait de descendre les rouges à environ 70% sans perdre en volumes mais en replantant des blancs ». La gageure sera également d’aider les producteurs à prendre confiance en leurs blancs, surtout ceux qui se souviennent qu’ils se vendaient si mal dans les années 90. Michel Chapoutier entend aussi leur rappeler que ces vins vieillissent très bien et qu’il n’est nul besoin de les vendre dans l’année comme les rosés.

Autre combat ambitieux du président rhodanien : le service des rouges plus frais « puisque les jeunes consomment tout froid comme le coca. Dans les restaurants, on pousse souvent des cris quand je demande un seau a glace pour y refroidir un vin rouge mais comme l’été, on gagne déjà 1 à 2 °C par minute dans les verres, il est plus logique de le servir frais au départ. Bien sûr, ça peut durcir les tanins mais la syrah est un cépage peu tannique. Car ce n’est pas le style des rouges qu’il faut changer, c’est le style du service ! »

Multiplier les outils pour mieux cerner le marché

Pour une meilleure adaptation au marché, l’interprofession a multiplié les outils. D’abord pour recueillir davantage de données économiques via la mise en place de tableaux de bord expérimentaux avec 6 appellations (Côtes-du-Rhône, Villages, Crozes-Hermitage, Hermitage, Ventoux,Beaumes-de-Venise). « Nous récoltons les données en amont par la DRM, en aval par les panels de vente en GD et par les Douanes mais il manque des informations entre ces deux niveaux, explique le directeur du service éco Sébastien Lacroix. Nous demandons donc aux appellations volontaires de nous transmettre une fois par mois leurs opérations de commercialisation, vers quel pays et dans quels circuits quand ils le savent, et leurs prix départ cave. En échange, nous pouvons pré-gérer des déclarations de récolte et leur fournir des tableaux ». Collecte et analyses sont encore en phase de test.

Autre outil précieux en cours d’installation, le SIG (Système d’Information Géographique) pour cartographier la vallée du Rhône et obtenir un inventaire du potentiel de production (délimitation parcellaire, parcelles plantées et plantables, géologie, urbanisme, etc.). Les deux tiers des données ont déjà été récoltées; elles devraient être mises à disposition d’ici un an et pourront être accompagnées des conseils du Syndicat général des Côtes-du-Rhône, par exemple pour identifier « des terroirs à blancs ». En parallèle, le service technique d’Inter-Rhône a été renforcé, notamment pour finaliser un plan de réduction des produits phytosanitaires et pour muscler le SAQ (Suivi Aval Qualité) avec le prélèvement de 1500 échantillons par an dans les linéaires, « pas seulement pour contrôler la qualité des bouteilles en magasins mais également pour obtenir une photographie du marché avec un benchmark des rayons afin de mieux suivre les tendances, y compris chez nos concurrents », précise Michel Chapoutier. Autant d’outils précieux pour mieux piloter la stratégie du vignoble et anticiper les attentes du marché, histoire de jouer un coup d’avance.