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[LYON TASTING] Master Class Côte Rôtie : « Blonde On Brune »

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

15.10.2017

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Les grands vins du Rhône septentrional auront décidément été à l’honneur pour cette première édition de Lyon Tasting. Cet après-midi, c’est une Master Class dédiée à l’appellation Côte Rôtie qui a ravi les dégustateurs.

« Côte Brune, Côte Blonde, l’Exception Côte Rôtie ». Blonde on Brune, donc, tel était le thème de la master class de ce début d’après-midi à Lyon Tasting. Pas de Bob Dylan en vue, mais trois beaux ambassadeurs de l’appellation du Rhône Nord : Christophe Pichon, Pierre Gaillard et Étienne Guigal. Ils faisaient chacun déguster deux cuvées de leurs domaines respectifs, l’une issue du terroir de la Côte Brune (plus septentrionale, aux sols majoritaires de schistes et micaschistes), l’autre issue de la Côte Blonde (plus méridionale, aux sols de gneiss, plus sablonneux). Le tout sous l’œil expert de Gérard Basset, meilleur sommelier du monde 2010, et de Sylvie Tonnaire, rédactrice en chef de « Terre de Vins », qui nous livrait ses idées d’accords.

Christophe Pichon, par ailleurs président de l’appellation Condrieu, est « tombé dans le vin » quand il était petit. L’exploitation familiale, qui était en polyculture et comptait à peine quelques hectares de vigne dans son enfance, est devenue sous son pilotage un bel ensemble de 20 hectares disséminés sur plusieurs appellations du Rhône nord – dont 5 hectares en Côte Rôtie.
La Comtesse 2015 (Côte Blonde) est une 100% syrah élevée 18 mois en barriques neuves. Un profil vanillé, avec de la mûre, de la réglissse, un côté viandé, rôti, mais des tanins veloutés. A marier avec un tournedos Rossini.
Rozier 2015, issu d’un lieu dit de la Côte Brune (92% syrah et 8% viognier pour l’assemblage, vignes de plus de 50 ans, 14 mois d’élevage en barriques neuves, moins de 5000 bouteilles produites) étonne par son énergie, sa fraîcheur. Violette, prune, figues, camphre, une touche poivrée et mentholée, c’est encore très jeune mais très harmonieux et très frais. Avec un magret aux figues.

Trajectoire différente pour Pierre Gaillard, solide… gaillard né dans une famille de cheminots lyonnais. Après des études d’œnologie, sa passion du vin l’amène en Bourgogne, puis dans le nord du Rhône : nous sommes alors à la fin des années 1970 et les appellations sont au plus mal, pratiquement laissées à l’abandon (soulignons que la surface de l’AOC Côte Rôtie est passée en 40 ans d’une trentaine d’hectares à plus de 500). Flairant qu’il y a un passionnant challenge à relever, Pierre Gaillard s’installe, d’abord comme salarié de la maison Vidal Fleury, puis en son nom propre. Il commence à mettre ses propres vins en bouteille en 1987 et possède aujourd’hui une trentaine d’hectares dans le Rhône septentrional (6 hectares en Côte Rôtie) auxquels il convient d’ajouter des vignes à Collioure, Banyuls, Faugères et dans la Drôme.
Esprit de Blonde 2015, nommé ainsi car issu d’une colline de gneiss qui prolonge la Côte Blonde, affiche un profil floral, délicat. 10% de viognier dans l’assemblage lui confère droiture, tension, une touche d’herbes sauvages. A marier avec des grives sur canapé.
Rose Pourpre 2015, 100% syrah issue d’une parcelle d’un hectare en Côte Brune, associe un côté réglissé, épicé, à une trame tendue (orange sanguine). On le marie volontiers avec un os à moelle.

Que dire sur la maison Guigal que les amateurs de vin ne connaissent déjà, si ce n’est que, contrairement à ce que l’on peut penser, ce géant de la Vallée du Rhône n’existe que depuis trois générations. Ce navire amiral a été créé en 1946 par Étienne Guigal, self made man visionnaire du vin qui avait commencé à garder du bétail dès l’âge de huit ans avant de venir à Ampuis pour la cueillette des abricots. C’est finalement vers les raisins qu’il s’est tourné, avec le succès que l’on sait, perpétué par son fils Marcel puis aujourd’hui par son petit-fils Philippe. Récemment élue première marque française du vin (et sixième mondiale), Guigal affiche un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros. La production est issue aussi bien de vignobles en propriété que d’achat de raisins qu’ils vinifient et élèvent, historiquement en vallée du Rhône Nord mais aussi, de façon notable, dans le sud (la maison a racheté récemment 53 hectares à Châteauneuf-du-Pape).
La Turque 2013 (Côte Brune, 93% syrah 7% viognier, 40 mois d’élevage en bois neuf) est un vin iconique de la maison Guigal, produit à moins de 5000 bouteilles et commercialisé aux alentours de 400 €. C’est une bombe encore bien trop jeune, une « main d’acier dans un gant de velours », avec une attaque franche, encore très marquée par l’élevage, mais dont les arômes se déploient en corolle, entre épices, pin sauvage, notes de truffes… Philippe Guigal parle de « rusticité élégante » pour qualifier ce 2013, qui irait parfaitement avec un faisan truffé.
La Landonne 2013 prend à contrepied. On est en Côte Blonde mais ici c’est la puissance qui prévaut. 100% syrah (grappes entières), toujours 40 mois d’élevage, et une incroyable trame tannique, un jus corsé, intense, coloré, une matière dense, des notes de cigare et de baies noires. C’est à la fois ferme, droit, opulent et… à attendre impérativement. Quand on l’ouvrira, on le servira sur un lièvre aux épices.

(Photos Pierre Martinez)