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Médoc : cet été, l’art s’invite dans les châteaux

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

30.07.2019

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Que faire lorsqu’on souhaite découvrir les châteaux du Médoc tout en ne se contentant pas d’une visite des chais et de la dégustation traditionnelle ? Voici trois châteaux, à deux pas de Bordeaux, qui vous proposent d’admirer des collections remarquables, et qui sont le reflet authentique de la passion de leur propriétaire.

Tout d’abord le château d’Arsac, à Arsac, en appellation Margaux et Haut-Médoc. Acheté par Philippe Raoux en 1986, celui-ci décida dès 1994 de consacrer une part des revenus de la propriété à l’achat annuel d’œuvres d’art : « 1 franc par pied de vigne » plus exactement. L’essentiel des sculptures, souvent monumentales, ont été installées dans le parc ou aux abords des parcelles de vignes. Les tableaux sont distribués dans les chais.

Philippe Raoux a voulu rompre avec le classicisme qui régnait dans les châteaux. Une œuvre en particulier marque cette rupture et suscite souvent des commentaires de la part des visiteurs : la « diagonale d’Arsac » de Bernar Venet, une colonne de métal de 29 mètres, inclinée et adossée au château et qui « biffe » sa façade. D’abord hésitant, Philippe Raoux l’a intégrée sur les étiquettes du château seulement depuis 2015, parce que « cette œuvre est comprise maintenant ». L’épouse de Philippe, Céline, a d’ailleurs écrit un très joli texte sur cette diagonale. La manifestation en quelque sorte d’une rébellion contre un modèle de fonctionnement du château bordelais traditionnel. Un château qui avait impérativement besoin d’évoluer, s’il voulait coller à un marché qui, lui, était déjà en mouvement. Radical ? Sans doute, mais le symbole d’une réponse audacieuse et réfléchie du nouveau propriétaire, pétri d’un esprit d’entreprise. L’expression d’un défi et « la mise à jour annuelle du logiciel château » comme se plaît à dire Philippe.

Dans ce jardin des sculptures visité par divers musées tels le MoMA de new York ou le MAMA de Marseille, on trouvera également des œuvres telles que le Pouce œuvre de César (un des huit pouces originaux qui existent de par le monde), Skywatcher de Rotraut Klein Moquay, (la femme de Yves Klein) qui représente un profil de femme qui regarde le temps qu’il va faire, Pot Rouge de Jean-Pierre Raynaud : ces trois œuvres représentent ce qui est indispensable au travail de la terre : la présence de l’homme dans le vignoble, la météo et le jardinier de la vigne.

On citera la Niki de Saint Phalle, Mark di Suvero, Susumu Shingu, Bernard Pagès, et bien d’autres artistes encore mais ne manquez pas, de Folon, la Fontaine aux oiseaux près de l’étang et la fresque monumentale au fond du chai à barriques.

La dernière œuvre « qui ne part jamais, ne revient jamais », acquise cette année, de l’artiste suisse Simon Beer, vous surprendra : une balise flottante installée pendant 40 ans dans les passes de l’estuaire de la Gironde, réformée il y a quelques temps, transformée en œuvre d’art et désormais ancrée au milieu du flot des vignes : 13 m de haut et 8 tonnes. Celle-ci impressionne et rend finalement hommage à cet estuaire sans lequel les vins du Médoc n’existeraient pas. Car c’est bien cet estuaire qui, au cours des millénaires, a constitué les croupes de graves sur lesquelles les vignes produisent les meilleurs vins. Et puis, n’est-elle pas un symbole du voyage, bien sûr (son titre le confirme), mais aussi du commerce des vins de Bordeaux ? N’est-elle pas là aussi pour veiller à caler le château d’Arsac sur le bon chenal ?

Tout ce travail d’une trentaine d’année à conduit le château à obtenir un Best of Wine Tourism en 2017, catégorie art et culture. Voir en vidéo.

Le château d’Arsac, où « 60% des visites sont pour l’art », c’est « le mariage réussi du beau et du bon » selon une formule chère à Philippe Raoux.

Visite du lundi au vendredi, 1 départ de visite à 14h30 uniquement.
• Visite classique à 8€ avec dégustation du Château d’Arsac blanc et du cru bourgeois appellation Haut Médoc.
• Visite Amateur à 10€ avec dégustation du Château d’Arsac blanc, cru bourgeois appellation Haut Médoc et du Château d’Arsac, cru bourgeois appellation Margaux
Chateau d’Arsac : 1 Allée du Comte, 33460 Arsac.05 56 58 83 90
www.chateau-arsac.com/visite.php

Dans la même veine, on trouvera aussi son bonheur au Château Chasse Spleen, à Moulis-en-Médoc. Céline Villars-Foubet y a créé en 2017, un Centre d’Art, 3 chambres d’hôtes et un wine bar (voir ici). « Nous étions collectionneur depuis une quinzaine d’années ». On trouvera donc dans le parc une dizaine de pièces permanentes mais l’acquisition du château Gressier Grand Poujeaux et de ses bâtiments a permis de créer un centre d’art et de valoriser certains artistes ou certaines pièces de la collection. Rolph Julius avait eu l’honneur d’inaugurer ce nouvel espace en 2017. Benoit Maire y fut accueilli en 2018. Pour 2019, et jusqu’au 31 octobre, l’exposition offre à voir une sélection de 28 pièces parmi la centaine de pièces acquises par le château, sur le thème de « l’étrange, variation en vrac », même si, au-delà d’un apparent fouillis, il y a bien une cohérence dans les choix. Mais, on l’aura compris, le terme « vrac » est aussi un clin d’œil au monde de la viticulture. Étrange en effet, car ces pièces ne manquent pas d’intriguer. Si Céline Villars-Foubet commente ses œuvres de manière éclairée et donne d’emblée quelques clés, le visiteur, parfois désarçonné, dissipera aisément son trouble pour peu qu’il s’attarde devant l’œuvre et lui accorde le temps qu’elle mérite. Il découvrira alors là tel symbole, ici telle référence à un autre artiste, plus loin ce sera simplement un prétexte à laisser fonctionner son propre imaginaire (comme devant Guerrier Traversière 9 de Julien Salaud), ou bien une technique de composition qui déconcerte ou impressionne (In My Bathtub I`m the Captain de Kris Lemsalu ou Translated Vase de Yeesookyung par exemple), quand ce n’est pas d’essayer d’identifier les raisons de son trouble comme devant Prospection de Vincent Gicquel ou Cockroach Kid de Jacques et Dino Chapman. Mais qui sont les artistes exposés ? « Beaucoup d’artistes en herbe qui ne sont pas visibles parce qu’ils ne sont pas dans les réseaux mais des artistes qui sont méritants ». Céline Villars-Foubet évolue régulièrement dans le milieu, se tient informée « de ce qu’il faut aller voir » et fonctionne beaucoup « au feeling et au coup de cœur ». Mais derrière cette intuition gagnante, il y a bien une culture aboutie qui la guide avec justesse dans ces choix.

Le visiteur pourra choisir de loger dans une des chambres d’hôte. Il aura dans ce cas la possibilité d’évoluer seul. Alors, hors horaires d’ouverture au public, un petit salon bibliothèque et le centre d’art contemporain « seront l’exclusivité des hôtes en soirée ». Un petit-déjeuner continental est servi à l’extérieur sur la terrasse ou dans le jardin d’hiver selon la météo.

Du 02 mai au 31 octobre, les visites sont sans rendez-vous du lundi au dimanche (jours fériés inclus). 5 types de visites sont proposées, toutes incluant l’accès au parc, au centre d’art et une dégustation. Les prix s’échelonnent de 10 € à 95 €, selon le niveau de l’offre.
Château Chasse Spleen : 32 Chemin de la Razé, 33480 Moulis-en-Médoc 05 56 58 02 37.
www.chasse-spleen.com

Plus classique sans doute mais non moins remarquable est la collection que propose le Château Siran, à Labarde, appellation Margaux, éautour de l’art de vivre et de la culture du viné. Edouard Miailhe, son propriétaire est revenu en 2015 des Philippines pour s’occuper de la propriété familiale. Dès son retour il a entrepris de mettre en scène la collection d’objets constituée par ses grands-parents et ses parents. « Il y avait des collections un peu partout. Nous avons confié la mise en scène des objets à Isabelle Fourcade qui est architecte scénographe pour les musées de Bordeaux ». 300 objets sont ainsi valorisés dans le chai des collections.

Près de l’entrée, l’œil est immédiatement attiré par une tapisserie de Bruxelles, du 18ème, d’après un peintre flamand, représentant une scène de vendanges bourguignonnes. Edouard Miailhe y voit ébeaucoup de détails sur la manière dont les gens travaillaient à cette époque ». D’autres s’émerveilleront de l’état de fraîcheur de cette tapisserie et de la qualité du travail accompli.

On y admirera aussi de nombreux exemplaires de vaisselle en porcelaine fine de la manufacture bordelaise Vieillard. Les assiettes aux décors régionalistes (les châteaux du Médoc notamment) ou les assiettes « à histoires » réjouiront les connaisseurs. Collection d’étain du 18ème et 19ème, Bacchus en faïence, une histoire des bouteilles dont certaines d’origine romaine (parfum) et d’autres d’origine anglaise ou hollandaise du 17ème et 18ème, tonnelets en faïence d’Allemagne et de France du 18ème et 19ème, pots Jacquots du 19ème aux formes humaines qui servaient au service dans le nord de la France… Toute une collection variée et remarquablement présentée qui a contribué à l’obtention d’un Best of wine tourism d’or dans la catégorie « Art & Culture » en 2017 (Voir en vidéo). Et puis, lors de la visite, en allant sur la terrasse, ne manquez pas les remarquables gravures de Décaris.

Mais Château Siran est aussi connu pour ses étiquettes qui offraient chaque année une reproduction d’une peinture créée spécialement pour le château : on se souvient, entre autres, du thème de la comète de Halley en 1986 illustré par Pierre-Yves Trémois ou du thème du gel illustré par Zao Wou-Ki pour le millésime 1991, une manière de dire que la famille Miailhe a de belles intuitions lorsqu’il s’agit de détecter les artistes qui montent. 17 de ces œuvres originales parmi les 26 seront très prochainement exposées.

Deux types de visite sur rendez-vous qui prévoient toutes les deux la visite des chais, le chai des collections, et l’accès à la terrasse qui offre un remarquable point de vue.
• Visite découverte : 1 heure, et dégustation de 3 vins, 10 €.
• Visite de l’épicurien : 1h30, et dégustation de 4 vins. Cette dernière visite réserve une surprise : l’accès au bunker. La construction de celui-ci avait été entreprise en 1979 afin de se préserver d’un accident nucléaire. Edouard Miailhe a fini son aménagement en en faisant un caveau surprenant et une salle de dégustation.

On ajoutera que le château Siran peut vous accueillir dans un chalet pour 6 personnes, la bastide de Siran, et que vous pourrez déjeuner sur le toit terrasse grâce à des plateaux déjeuner composés majoritairement de produits locaux.

Chateau Siran : 13 Avenue du Comte JB de, Avenue du Comté Lynch, 33460 Labarde. 05 57 88 34 04
www.chateausiran.com/oenotourisme/visite-degustation/
www.chateausiran.com/oenotourisme/hebergement/