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[Millésime Bio] Clusel-Roch : le long chemin du Bio en Côte-Rôtie

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

26.01.2016

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Ils ne sont pas nombreux, les vignerons bio en Côte-Rôtie et Condrieu. La nature même des terroirs escarpés rend difficile le travail des sols et les traitements ciblés. Pourtant, le domaine Clusel-Roch s’emploie, depuis plus de 15 ans, à montrer l’exemple.

Par leur climat ou par leur géologie, certaines régions se prêtent plus ou moins facilement au passage à l’agriculture biologique. En Côte-Rôtie, appellation ô combien prestigieuse du nord de la Vallée du Rhône, la nature vertigineuse du vignoble (vignes en pente, sols pierreux, murs de soutien hérités de l’époque romaine…) fait du « bio » un véritable défi qu’à ce jour très peu de vignerons ont osé relever – l’appellation compte un peu plus de cent producteurs et près de 70 domaines embouteilleurs.

Une école de patience

Le domaine Clusel-Roch fait partie des rares qui ont choisi la voie du bio. Présente sur le salon Millésime Bio qui se déroule jusqu’à demain soir à Montpellier, Brigitte Roch raconte : « Lorsque mon mari a repris les vignes de son père dans les années 1970, l’appellation Côte-Rôtie était en pleine renaissance, après avoir flirté avec l’oubli. Une nouvelle génération de vignerons s’est employée à sauver et relever le vignoble, avec le succès que nous connaissons aujourd’hui. Et cela s’est fait « grâce à » l’usage d’une viticulture conventionnelle, avec des produits phytosanitaires, des désherbants. Il ne s’agit pas de réécrire l’histoire, c’était une autre époque. Mais au début des années 1990, mon mari et moi avons constaté dans nos vignes, un appauvrissement des sols, qui se ressentait sur les vignes, sur les raisins… Nous avons donc décidé d’arrêter de désherber, de travailler les sols d’abord sur les parcelles les plus mécanisables. Et progressivement, nous avons entamé une conversion en bio ».

Amorcée à la fin des années 1990, la conversion en bio s’est officialisée avec une certification en 2005 en Côte-Rôtie. Sur l’aire de Condrieu, cela a été plus tardif : « il fallait trouver la meilleure solution pour travailler les sols, nous avons finalement trouvé la pioche électrique ». La conversion est officielle depuis 2014. C’est donc un travail de longue haleine, qui demande une excellente connaissance de son vignoble mais aussi un certain goût pour l’innovation et, il ne faut pas le nier, un investissement humain considérable. « Il y a sur nos appellations un paramètre de pénibilité à ne pas négliger », souligne Brigitte Roch. « Le travail du sol, le fait de porter un pulvérisateur à dos, c’est très dur compte tenu de la configuration des vignes. Cela nécessite du personnel (nous avons embauché trois permanents pour travailler avec nous, sans compter les saisonniers), et surtout il faut être attentif à la charge de travail : notre fils Guillaume a même servi de « cobaye » auprès de la MSA (sécurité sociale agricole, NDLR) pour mesurer la pénibilité du traitement par pulvérisateur à dos : il apparaît qu’une journée de travail équivaut à un marathon ».

La relève

Guillaume, 26 ans (et jeune papa depuis peu), incarne la relève du domaine Clusel-Roch. Il aide ses parents à conduire le vignoble familial (5, 5 hectares en Côte-Rôtie, un demi-hectare à Condrieu) et pilote aussi son propre domaine, 3 hectares en Coteaux du Lyonnais. Dans tous les cas, c’est la même ligne qui est suivie : une vinification la plus naturelle possible, des levures indigènes, 30 à 40% de vendanges entières selon les millésimes, pas de surextraction, des élevages en douceur, en moyenne pendant deux ans en fût avec 20% de bois neuf renouvelé chaque année. « Le passage en bio nous a permis de voir renaître notre vignoble, mais aussi d’avoir plus de profondeur et de complexité dans nos vins », précise Brigitte Roch.

Cela se vérifie particulièrement dans les grands terroirs comme La Viallière – le millésime 2014 exprime un jus plein et sanguin, aux tanins nobles, encore marqué par une pointe d’élevage à ce stade mais déployant des notes de baies sauvages, d’eucalyptus ; le 2013, plus fondu, est ciselé et très mûr – et Les Grandes Places, tête de coteau où la roche affleure, donnant un 2014 tout en structure, musculeux, aiguisé, presque austère à ce stade mais d’une très belle élégance. Pour une approche plus « immédiate » de Côte-Rôtie, les cuvées « Les Petites Feuilles » 2014 (jolie syrah poivrée issue de vignes de moins de 10 ans) et « Classique » 2014 (assemblage « idéal » de différents coteaux) sont deux belles entrées en matière.