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Pomerol, la carte et le territoire

Auteur

La
rédaction

Date

26.07.2013

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Entre jugements de la cour d’appel de Bordeaux et arrêts du Conseil d’Etat, l’AOC Pomerol est en pleine bataille de procédures. L’enjeu : le droit de certains propriétaires dont les chais sont situés hors de l’aire d’appellation à continuer à appeler leur vin « Pomerol ».

L’église de Pomerol est suffisamment célèbre pour que l’on soit tenté d’appeler cela une querelle de clocher. Mais les implications sont bien plus sérieuses… Mercredi dernier, un article du journal Sud-Ouest repris sur notre site rapportait que la cour d’appel de Bordeaux avait débouté une poignée de vignerons de Pomerol dont les installations techniques (de vinification ou d’élevage) sont situées à l’extérieur de l’aire de production de cette AOC. Ces propriétaires concernés seraient ainsi condamnés, à moyenne échéance, à ne plus faire figurer l’appellation « Pomerol » sur leurs bouteilles…

Une quinzaine de viticulteurs sont concernés par le décret n°2011-1613 du 24 novembre 2011, homologuant le cahier des charges de l’appellation Pomerol. Lequel stipule notamment que tous les propriétaires vinifiant et/ou élevant leurs vins hors de l’aire géographique à la date du 31 juillet 2009 « peuvent continuer ces opérations sur le territoire de ces communes, jusqu’à la récolte 2021, sous réserve du respect des autres dispositions du cahier des charges ». Autrement dit, en 2021 au plus tard et faute d’avoir construit des chais sur l’aire géographique, ils sont exclus de l’appellation.

Décret contre décret

En réalité, ce décret est venu remplacer un précédent, le n°2009-1237 du 14 octobre 2009. Il s’en distingue en faisant passer de 2018 à 2021 la date butoir pour les « sans chais », mais surtout en élargissant l’aire géographique de l’AOC Pomerol à une partie de la commune de Libourne, qui inclut le quai du Priourat où se situent quelques poids lourds de l’appellation. Or, entre temps, le premier décret a été annulé par le Conseil d’Etat, qui a reconnu qu’il y avait un excès de pouvoir dans ce décret en retirant aux vignerons installés sur les aires de proximité immédiate (et, à l’époque, à Libourne), le droit de vinifier leurs vins ailleurs que sur l’aire géographique de Pomerol. Les procédures du Conseil d’Etat étant assez longues, le premier décret a été annulé en mars 2012, alors que le deuxième avait déjà été promulgué. Mais si le Conseil d’Etat a annulé le premier décret pour excès de pouvoir, les viticulteurs plaignants sont confiants pour qu’il annule le second décret pour les mêmes raisons.

Parmi ces vignerons figurent notamment Aline Guichard et Paul Goldschmidt, propriétaires-gérants de la SCEA Baronne Guichard, qui nous ont permis d’avoir un autre éclairage sur l’affaire. Installés au château Siaurac (voir photo), propriété familiale située à Néac, sur l’appellation Lalande-de-Pomerol, leur famille y vinifie et élève notamment du pomerol depuis 1892, actuellement le château Vray Croix de Gay en AOC Pomerol. En réponse à l’article précédent, ils tiennent « à préciser que l’arrêt de la cour de Bordeaux ne statue que sur la régularité de la prise de décision du syndicat et la légalité des statuts du syndicat et des votes des assemblées générales. Elle ne tranche pas sur le fond, c’est-à-dire le bien-fondé de la vinification sur l’aire d’appellation. » Une disposition qui est pratiquement une exception en son genre pour une AOC française.

Voilà donc Pomerol engagé dans une bataille procédurière qui n’a rien à voir avec celle qui se joue à quelques kilomètres autour du classement de Saint-Emilion. Une situation d’autant plus regrettable que, selon le Conseil d’Etat, le transport des raisins sur une courte distance en dehors de l’aire d’appellation n’a aucun impact sur la qualité du vin. « Tout cela est vraiment dommage, regrette Paul Goldschmidt. Si l’AOC Pomerol voulait être différente, elle obligerait à passer en agriculture raisonnée au lieu de chercher la petite bête sur le lieu de vinification ». L’affaire est à suivre.

M.D.