Accueil Terroirs et Vignobles Provence : un millésime beau… mais petit

Provence : un millésime beau… mais petit

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

15.09.2017

Partager

Les vendanges ont commencé dès la mi-aout dans le vignoble provençal ; les Côtes de Provence Pierrefeu ont ouvert le bal dès le 11 août, Bandol et les Côtes-de-Provence La Londe ont rapidement emboité le pas la semaine suivante. Certains secteurs du littoral terminent déjà leurs vendanges. Le millésime s’annonce beau mais à moindres volumes.

Si le manque d’eau risque d’avoir un fort impact sur le volume espéré, il n’est pas le seul aléa climatique à impacter la vigne. Après un hiver doux et sec en Provence, le printemps également très sec, a été marqué par un épisode de gel le 29 avril touchant surtout le centre Var. Selon le CIVP, « la plupart des vignes concernées ne sont pas en AOP », certains domaines autour de Correns (83) ont pourtant été touchés à plus de 70%. Si le mistral, très présent depuis le début de l’année, a permis de conserver un bon état sanitaire dans le vignoble, il y a eu peu de pluie au printemps, quasiment pas sur le littoral. Il est tombé entre avril et juillet environ la moitié des précipitations moyennes observées depuis 1980. Juillet et août ont été particulièrement chauds et secs, plutôt ventés, avec de rares petits orages localisés.

Des rendements records

« L’état sanitaire du vignoble est très bon, se réjouit pourtant Alain Baccino, le président du Conseil Interprofessionnel des Vins de Provence (CIVP), même si le stress hydrique est assez marqué dans certaines zones. ». Les experts estiment les charges et poids des raisins inférieurs à la moyenne des deux dernières années. Guillaume Tari, président de Bandol, est plus inquiet : « C’est vraiment l’année du siècle, on a jamais vendangé aussi tôt, avec 15 jours d’avance sur les années les plus chaudes. 2003 faisait au moins suite à une année très pluvieuse alors que 2017 est la 3e année de sécheresse ; même le maquis commence à souffrir. ça a été un énorme problème pour trouver la main d’oeuvre deux semaines avant la date prévue. Sans parler des volumes qui vont être très faibles avec des rendements dans doute à moins de 25 hl/ha ». Et Romain Ott du château Léoube de surenchérir : « Quand j’étais enfant, on vendangeait normalement à la mi-septembre ! En 30 ans, les vendanges ont été avancées d’un mois. Un jour d’avance par an, et si ces conditions venaient à perdurer, ce serait inquiétant pour l’avenir ». Les fortes chaleurs ont également obligé les vignerons à vendanger très tôt la nuit afin de limiter le plus possible l’oxydation des baies et préserver les arômes dans les rosés. Certaines machines à vendanger tournaient même à plein toute la nuit pour récupérer les raisins « à la fraiche ». Dans tous les cas, la période de vendanges sera très concentrée, en général sur moins de 3 semaines contrairement aux vendanges très étirées de l’année dernière.

Les coupables

La qualité semble néanmoins au rendez-vous : « Les premiers jus extraits semblent très satisfaisants, avec un caractère fruité bien présent, une bonne souplesse et un bel équilibre des moûts, ce qui est de bon augure pour la conduite de la vinification », précise le président du CIVP.

Lors du prélèvement du 14 août, l’ICV a indiqué que les baies étaient petites (comparables à celles de 2016) en raison du déficit hydrique et que les niveaux d’acidité totale et d’azote assimilables étaient élevés (supérieurs à ceux de 2016). « Ces caractéristiques de la vendange permettent d’envisager des vins rosés à fort potentiel aromatique » se réjouit Philippe Brel directeur de l’union coopérative de Brignoles (83). Les vignobles du pourtour méditerranéen ont toutefois été affectés par le phénomène de coulure (chute des fleurs ou des jeunes baies), essentiellement sur le grenache et d’un niveau comparable aux deux mauvaises années 2010 et 2013. En cause, la vague de froid d’avril, quand la vigne avait déjà plusieurs feuilles, et la forte pousse au moment de la floraison. C’est ce que confirme Eric Dusfourd, directeur de la cave des Vignerons Londais. « La canicule n’est pas la seule responsable de la petite récolte ; la coulure importante sur le grenache va aussi générer un manque de grains mais le cinsault est très joli, la syrah concentrée, idéale pour les rouges, et le rolle tout simplement magnifique pour les blancs. Ce sera un beau millésime avec un équilibre intéressant sucre/acidité ». Et de rappeler que beaucoup de vignerons ont du demander des autorisations d’arrosage, équivalent à une bonne pluie. « Mais pour lutter contre cette sécheresse qui va devenir récurrente, il faudrait peut-être se remettre au greffage sur place et non sur table pour que la vigne s’implante mieux dans le sol et développe un système racinaire qui la rendrait plus forte. On peut constater que les plants greffés comme ça en hauts de colline ont mieux résisté à la chaleur et qu’ils étaient en plaine santé et bien vert en plein mois d’août »…