Accueil Vin et cinéma avec Thierry Frémaux : « le désir, c’est ce qui est inaccessible »

Vin et cinéma avec Thierry Frémaux : « le désir, c’est ce qui est inaccessible »

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

20.10.2019

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Quand un festival des grands vins et un grand festival de cinéma se télescopent dans l’agenda lyonnais : hier soir, le restaurant Léon de Lyon accueillait en même temps la soirée des exposants de Lyon Tasting et un groupe de personnalités du Festival Lumière, qui s’achève aujourd’hui. L’occasion de parler vin et cinéma avec son délégué général Thierry Frémaux.

Lyon, ville de gastronomie, ville de vin, et ville de cinéma bien sûr ! Si la capitale des Gaules est célèbre pour sa bonne chère, elle l’est aussi pour être le berceau du Septième Art grâce aux frères Lumière. Elle accueille également, depuis 2009, le Festival Lumière, un rendez-vous de cinéma qui ne cesse de gagner en réputation, dont l’édition 2019 a débuté le 12 octobre et se termine aujourd’hui. Le hasard du calendrier lyonnais fait donc se télescoper un festival des grands vins (qui s’achève lui aussi aujourd’hui) et un grand festival de cinéma. Et comme le hasard fait parfois bien les choses, le restaurant Léon de Lyon accueillait hier au même moment la soirée des exposants de Lyon Tasting et un groupe de personnalités présentes au Festival Lumière, de Vincent Lindon à Aure Atika en passant bien sûr par son délégué général Thierry Frémaux (qui est aussi, faut-il le rappeler, délégué général du Festival de Cannes). Ce dernier, originaire de la région lyonnaise, aussi fou de cinéma que de bonnes bouteilles et de bons plats, nous a accordé un entretien « sur le coin du comptoir ». Littéralement.

Comment se déroule ce Festival Lumière ?
Ça se passe magnifiquement du côté des films et du côté du cinéma, avec notamment la présence ce week-end de Francis Ford Coppola auquel nous avons remis le Prix Lumière, avant une projection exceptionnelle d’Apocalypse Now. Et ça se passe très bien du côté des amis, puisque la devise du festival est « Good Films, Good Food, Good Friends », ce qui est un programme pas difficile à tenir mais tout de même exigeant.

Justement, Francis Ford Coppola, grand cinéaste honoré cette année à Lyon, est aussi producteur de vin en Californie…
Il faut savoir qu’en ce moment, il ne boit pas, ou très peu. Mais il a dit une chose très belle à propos du vin : « j’ai décidé de ne pas être un spécialiste, je veux rester un amateur ». Il ne veut pas en parler comme un technicien, à l’image du cinéma à propos duquel il dit « ne jamais cesser d’apprendre ». On lui a fait goûter quelques vins de la région, qu’il a dégusté vraiment en amateur et pas avec une posture d’expert.

Vous-même, quel rapport entretenez-vous avec le vin ?
J’ai commencé à apprécier le vin assez tard dans ma vie. Je l’ai vraiment découvert lors d’un voyage en Argentine, et c’est devenu une passion. Je ne fume pas, mais je bois – bon, dans le cinéma, le rapport au vin est assez important, c’est un milieu dans lequel on mange et on boit pas mal. Ici au Festival Lumière, on a mis en place un café dans lequel on sert des vins de personnalités comme Francis Ford Coppola, Laurent Gerra, Carole Bouquet, Pierre Richard… Cela crée une passerelle intéressante entre vin et cinéma.

Vos goûts personnels vous orientent plutôt vers quels vins ?
Dans ma cave, on trouve d’abord beaucoup de vins que m’offrent mes amis. François-Henri Pinault, ou encore la famille Rothschild avec laquelle nous travaillons à Cannes… Ce sont des bouteilles magnifiques, que parfois on n’ose même pas ouvrir. C’est comme en cinéma, ou comme quand je ne suis pas allé voir Bruce Springsteen en concert à Broadway alors que j’avais le billet : le désir, c’est ce qui est inaccessible. Il faut rester adolescent, dans l’impossibilité de faire ce dont on rêve pour pouvoir continuer à en rêver. Il en va de même avec les très grands vins. Cela étant, j’ai quelques vrais coups de cœur, comme le château Siran à Margaux, les vins de Côte-Rôtie, du Beaujolais bien sûr, que j’ai beaucoup aimé dans ma vie. Je garde un souvenir exceptionnel de ma découverte du domaine Tempier, à Bandol, avec l’écrivain américain Jim Harrison. Il m’a aussi fait découvrir un vin portugais appelé Incognito… Bref, j’aime plein de choses !

Du Festin de Babette à Sideways en passant par les films de Sautet, le vin et la gastronomie ont donné lieu à de belles scènes de cinéma. Lesquelles vous ont particulier marqué ?

Tout de suite je pense à Belmondo et Gabin dans « Un singe en hiver » d’Henri Verneuil. Mais bizarrement, je trouve qu’il est très difficile d’incarner le plaisir du vin au cinéma aussi bien que les écrivains ou les poètes l’ont fait. Il y a le roman de Malcolm Lowry « Au-dessous du volcan », adapté par John Huston au cinéma… Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a un vrai fil conducteur entre la culture du vin et la culture du cinéma. Ce sont des sujets liés à des ancrages régionaux, nationaux, à des histoires, et bien sûr au partage des émotions.

Pour revenir à Francis Ford Coppola, il va finalement le tourner, son grand projet Megalopolis ?
Oui, il nous a confirmé qu’il va le faire !