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Cognac : 2023, l’année de tous les extrêmes

Au pays du cognac, loger les eaux-de-vie nouvelles tient aussi du casse-tête. Où stocker les fûts ? La place manque dans les chais… ©BNIC

Auteur

Olivier
Sarazin

Date

01.02.2024

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Avec une récolte record de 12,8 millions d’hectolitres (du jamais vu depuis trente ans) et des expéditions en chute de 22,2 % l’an passé, la filière cognac fait face à une situation inédite

Il dit avancer avec « prudence et détermination ». La semaine dernière, Florent Morillon présentait ses vœux à ses collègues viticulteurs et négociants charentais. Le nouveau président du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) n’a rien caché d’une actualité difficile. Si 2024 sera « une année dense et exigeante », 2023 fut celle de tous les extrêmes, avec des vendanges pléthoriques et des expéditions en berne.

On savait la récolte abondante. Elle est exceptionnelle, avec une production de 12,8 millions d’hectolitres, dont 12,2 de vins blancs à distiller dédiés au cognac. Les spécialistes ont pointé les déclarations, compté et recompté : les volumes sont les plus importants constatés depuis trente ans ! Ils ont été produits sur 4 419 exploitations et une surface de 86 182 hectares. Le rendement exprimé en alcool pur par hectare (une mesure prisée dans la région) s’élève à 13,59, bien au-dessus de la moyenne. Il était de 12,86 en 2022.

Une sacrée logistique
Ce niveau élevé de production satisfera sans problème les besoins du négoce, à la baisse au regard de la conjoncture délicate. Il permettra aussi de « reconstituer de manière accélérée la réserve climatique », se félicite le BNIC. (La réserve climatique est un volume d’eau-de-vie placé sous inox, non soumis au vieillissement sous bois. C’est une « poire pour la soif » à croquer en cas de coup dur, gel ou grêle).

Enfin, les volumes excédentaires sont dirigés vers des débouchés industriels comme les jus et sucre de raisin, « sans perturber les autres régions viticoles françaises, ce dont nous pouvons être fiers », a insisté Florent Morillon.

Évidemment, gérer une telle récolte impliquait une sacrée logistique ! Les distillateurs craignaient de ne pouvoir terminer leur travail dans le délai imparti, avant le 31 mars. Puis la crue de la Charente en décembre et les inondations en Saintonge ont compliqué la donne. Aussi, l’administration a accordé une rallonge de dix jours à la campagne légale de distillation. Les alambics charentais pourront chauffer jusqu’au 10 avril !

Loger les eaux-de-vie nouvelles tient aussi du casse-tête. Où stocker les fûts ? La place manque dans les chais, d’autant que l’habituelle rotation a été ralentie par le recul des sorties. Voilà l’autre fait majeur d’une année 2023 inédite : les expéditions de cognac à la surface du globe ont chuté de 22,2 % en volume et de 14 % en valeur. Elles s’établissent à 165,3 millions de bouteilles (contre 212,5 en 2022) et ont généré un chiffre d’affaires global de 3,346 milliards d’euros (contre 3,9 en 2022).

Moins 45% en Amérique 
La chute la plus marquée (moins 45,4 %) concerne le marché nord-américain. Elle s’explique par l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et la fin des aides fédérales à la consommation des ménages. Elle est aussi liée à un phénomène de surstockage chez les grossistes et distributeurs aux États-Unis, qui avait trop commandé à la fin de la crise sanitaire, à une époque où la relance était trop vigoureuse.

Selon le BNIC, la situation « se stabilise depuis cet automne ». Les opérateurs perçoivent un « frémissement » aux USA, où la courbe s’infléchit à défaut de se redresser. En décembre, les expéditions vers l’Amérique du Nord ont repris un peu de vigueur. Le rebond est-il imminent ? L’hypothétique reprise en 2024 se fera à un « rythme irrégulier », prévient le BNIC, qui se déclare « extrêmement prudent face à un contexte géopolitique compliqué ».