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Gérard Basset, un maître à « Bordeaux Tasting »

Auteur

La
rédaction

Date

10.12.2012

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Master of Wine et meilleur sommelier du monde, Gérard Basset témoigne une nouvelle fois de sa fidélité à « Terre de Vins » en participant à la première édition de « Bordeaux Tasting » : les 15 et 16 décembre, il co-animera plusieurs « master class » de prestige. Interview.

S’il parcourt inlassablement la planète pour goûter les vins sous toutes ses latitudes, le samedi 15 et le dimanche 16 décembre, Gérard Basset sera à Bordeaux. Meilleur sommelier du monde 2010, ce natif de Saint-Étienne installé en Angleterre, où il a ouvert l’hôtel-restaurant Terravina à Southampton, animera quatre des six master class d’exception qui rythmeront la première édition de Bordeaux Tasting, ce grand week-end de dégustation organisé au palais de la Bourse par le magazine « Terre de vins ». Durant ces deux jours, le public pourra goûter près d’une centaine de grands crus de Bordeaux. Les princes de la rive droite de la Garonne : les pomerols et les classés de Saint-Émilion. Les barons de 1855 de la rive gauche : les pessac-léognan, les grands liquoreux de Sauternes. Sans oublier les crus bourgeois. Et, cerise sur le gâteau : 15 producteurs de champagne. Face à une telle offre, Gérard Basset nous livre ses conseils et lève un coin de voile sur la sommellerie.

Avec près d’une centaine de crus à déguster lors de « Bordeaux Tasting », doit-on s’organiser ou se laisser guider par ses envies ?

Bien entendu, chacun est libre de faire comme il l’entend mais, si je peux donner un conseil, ce serait de commencer par les champagnes, poursuivre avec les blancs et finir avec les rouges. Et, pour ces derniers, le mieux est de débuter avec ceux de la rive droite, plus légers, et de terminer avec ceux de la rive gauche, plus tanniques. Quand on a l’embarras du choix, on peut aussi partir sur une thématique en choisissant les vins d’une appellation en particulier ou un cépage précis. Ainsi, votre dégustation a toute votre attention.

Que vous évoque Bordeaux ?

C’est toujours un nom magique dans le monde entier. Il y a une histoire. De très grands vins. Et, si tout n’est pas parfait, c’est la région la plus importante. Ce qui ne signifie pas pour autant que c’est la meilleure.

Vous qui défendez le plaisir dans le vin, il n’y a pas de complexes à avoir lorsqu’on déguste…

Il ne faut pas se prendre la tête. Pour moi, l’art de la sommellerie, c’est de servir les vins avec le sourire et dans de bonnes conditions. Dans mon restaurant, si un client veut boire un yquem avec son filet de bœuf, nous allons tenter de l’aiguiller avec beaucoup de diplomatie vers un autre choix mais, s’il est sûr de lui et que c’est ce qu’il veut, il n’y a pas de problème. L’essentiel est qu’il soit heureux.

Vous êtes installé en Angleterre depuis trente ans et désormais citoyen britannique. Pourquoi ce choix ?

J’avais 17 ans quand j’ai quitté Saint-Étienne, en 1975. Ma mère avait des problèmes de santé, il lui fallait des endroits plus chauds. Elle a donc choisi Aix-en-Provence. C’était la grande époque du club de football de Saint-Étienne, dont j’étais supporteur. J’allais voir les matchs. Je les ai suivis à Glasgow, en Coupe d’Europe. Puis à Liverpool pour un quart de finale et là j’ai vraiment découvert la ville. On est allés dans des coins perdus. J’ai rencontré les gens. Et j’ai adoré. J’ai donc décidé d’y retourner. Il m’a fallu deux ans pour préparer ce départ. Je suis parti en 1979. À l’époque, je n’avais pas de métier, j’étais livreur d’électroménager. J’ai découvert l’hôtellerie là-bas, comme plongeur d’abord, puis comme serveur. C’est en Angleterre que je suis tombé amoureux de la restauration.

On se moque souvent de la cuisine des Anglais. Quels buveurs de vin sont-ils ?

Ils connaissent très bien le vin, beaucoup mieux que les Français. Dire le contraire, ce serait oublier qu’ils ont été propriétaires de Bordeaux pendant trois siècles. En Angleterre, vous trouvez tous les vins du monde. Pour le vin, c’est un endroit où on s’amuse. Je ne pourrais pas vivre ailleurs.

Comment la sommellerie est-elle arrivée dans votre vie ?

Après mon premier séjour en Angleterre, je suis rentré en France pour passer un CAP de serveur, puis celui de cuisinier, que j’ai dû présenter deux fois. Ensuite, je me suis dit que ce serait bien de connaître les vins. Pour être un bon maître d’hôtel, j’ai donc passé mon CAP de sommelier. Honnêtement, je l’ai eu de justesse. Peu de temps après, à mon retour en Angleterre, un concours de sommellerie était organisé. Mon patron m’a encouragé à me présenter. Je me suis préparé et j’ai atteint la finale. Mais j’étais le borgne au milieu des aveugles… Néanmoins, ça a été le déclic.

Jusqu’à être élu meilleur sommelier du monde, en 2010 au Chili. Sur quoi êtes-vous jugés ?

C’est une compétition en plusieurs parties. Il faut une grande connaissance des régions, des cépages, de la vinification. Ce qui suppose un travail de recherche, de mémoire et de compréhension. Ensuite, pour la dégustation, on vous teste sur la reconnaissance des cépages et des régions classiques, les accords mets et vins. Il faut savoir aussi se vendre. Ça demande beaucoup de discipline mentale et physique.

Quelle a été la question la plus difficile ?

On nous a donné des numéros de clones de pinot noir et, pour chacun, nous devions, par exemple, indiquer lequel produisait le plus de sucre. Quand vous avez appris 300 ou 400 cépages différents, des synonymes, des croisements et que vous arrivez à une question de ce type, ça fait tout drôle… Heureusement, j’avais fait un tour de la Californie six mois avant et on avait eu une dégustation de pinots noirs, de chardonnays et on nous avait expliqué les clones. J’ai réussi à m’en sortir.

L’image veut qu’un sommelier soit capable, à l’aveugle, de reconnaître un cépage, un terroir, le millésime…

Ça, c’est la légende. La dégustation à l’aveugle est une discipline extrêmement difficile. J’en ai fait des centaines et des centaines, j’ai dégusté plus de 4 000 vins à l’aveugle, malgré tout c’est comme le golf : il y a des jours où tout va bien et, la semaine d’après, tout va de travers. Bien sûr, il y a des vins très typés que l’on reconnaît, mais trouver, à l’aveugle, le cépage, la région et à peu près le millésime, c’est du folklore.

Vous qui avez une vision globale de la viticulture, quelles sont les régions qui vont nous surprendre dans les années à venir ?

Je dirais qu’il y a beaucoup d’énergie dans le Languedoc, en Nouvelle-Zélande, en Argentine. Des vins vont nous réserver de très belles surprises en Slovénie, en Croatie, ces pays qu’on commence tout juste à découvrir.

Propos recueillis par Jefferson Desport