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À la découverte des vins chypriotes

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

17.12.2016

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La culture de la vigne fait partie prenante de l’histoire plurimillénaire de cette île. En plein essor, le vignoble chypriote présente des cépages originaux et un niveau qualitatif intéressant. Découverte.

Lorsque l’on pense vin, Chypre n’est certainement pas le premier pays qui vient en tête. Et c’est tout à fait normal car ce petit état insulaire de Méditerranée est loin d’être un poids lourd, ne serait-ce qu’en comparaison de son voisin grec. Pourtant, la culture de la vigne est très ancienne dans cette région du monde et daterait de plus de 6000 ans. Cette île présente en effet des caractéristiques intéressantes pour une viticulture de qualité. Un climat méditerranéen relativement sec, de l’altitude avec toute la chaîne montagneuse qui recouvre la partie sud-ouest de l’île et des cépages autochtones s’y exprimant particulièrement bien. Pour les non-hellénistes, l’exercice de mémorisation ne sera pas évident. Il s’agit du xynisteri en blanc et du maratheftiko en rouge. Le premier est largement cultivé, occupant plus de 2000 hectares ce qui en fait le principal cépage blanc de l’île. Il est notamment utilisé pour la production de vins blancs secs ou de l’excellent vin liquoreux de l’AOP « Commandaria ». Le second est plus rare, occupant aujourd’hui 164 hectares. Ces deux cépages se développent aux côtés de cépages dits internationaux (cabernet-sauvignon, grenache noir, chardonnay, sauvignon blanc, etc.) qui ont aussi le vent en poupe. Au total, le vignoble chypriote occupe 7900 hectares et produit 79 000 hectolitres dont seulement 14% ont été exportés en 2015.

Une véritable renaissance

L’histoire de Chypre n’est pas simple et le conflit larvé qui a déchiré l’île dans les années 1960 et conduit à sa partition en deux en 1974 (la partie sud dite grecque et la partie nord dite turque) a eu des conséquences négatives sur l’industrie viticole du pays. Toutefois, de nombreux efforts ont été engagés notamment au niveau des infrastructures ce qui a permis aujourd’hui d’atteindre un bon niveau qualitatif. Il suffit pour s’en convaincre de déguster quelques vins à base de xynisteri. La fraîcheur toute florale au nez se retrouve en bouche portée par une acidité généralement bien intégrée et de légers amers plaisants. Le maratheftiko joue pour sa part l’effet de surprise. Faiblement coloré, il offre des arômes de fruits noirs mûrs et d’épices. Le velouté en attaque de bouche laisse place à une masse tannique surprenante en final couplée à une acidité franche. Un profil qui rappelle d’une certaine manière le nebbiolo dans le Piémont italien. Mais la pépite absolue de l’île reste de toute évidence le vin de Commandaria. Issu de la province éponyme au sud de l’île aux environs de la ville de Lemesos, ce vin liquoreux trouve l’origine de son nom au XIIIème siècle lorsque les croisés se sont installés à Chypre et ont fondé des commanderies sur l’île et renommé l’ancien vin de Nama. Ce vin liquoreux est issu de raisins passerillés, c’est-à-dire récoltés en surmaturité sur pied puis séchés sur des filets à même le sol ou sur le toit des maisons ! Traditionnellement composés de 80% de xynisteri et 20% de mavro (cépage rouge), ces vins à la robe orangée sont une invitation au voyage : écorces d’orange, pain d’épices, sirop d’érable, girofle, café, fumé, noix fraîche, abricots secs… Difficile de ne pas céder au charme de ce vin qui possède, dans ses meilleures expressions, une belle tension qui le rend aérien, à l’instar du Tsiakka 2008 ou du Keo Saint John. Des merveilles à découvrir, pourquoi pas, lors d’un voyage sur l’île d’Aphrodite.