Accueil Champagne et tourisme | Philippe Verger : « Nous sommes assis sur une pépite »

Champagne et tourisme | Philippe Verger : « Nous sommes assis sur une pépite »

Philippe Verger : « Fédérer les acteurs du territoire et apporter une offre plus cohérente, voici l’un de nos défis. Car c’est l’offre qui crée le business ». Crédit photo : Charles-François Thierry - Office de Tourisme du Grand Reims

Auteur

Thierry
Perardelle

Date

07.04.2017

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Venu de Toulouse et depuis 2 ans directeur de l’Office de Tourisme du Grand Reims, Philippe Verger insuffle les valeurs d’un rugbyman : énergie et travail d’équipe. Un état d’esprit qui animera les Assises du tourisme, ce vendredi 7 avril dans la ville aux 33 sacres. Le rendez-vous mobilise 350 acteurs du tourisme et du champagne, intimement liés mais qui doivent avancer ensemble.

Pourquoi ces secondes Assises du tourisme ?
Pour conserver la dynamique engagée l’an dernier et mobiliser toujours l’ensemble des acteurs du territoire. Pour faire face aux nouveaux enjeux dont l’inscription des Coteaux, Maisons et Caves de Champagne au patrimoine de l’Unesco. Et surtout pour faire passer le message qu’il faut œuvrer ensemble, maisons, négociants, vignerons, structures touristiques, opérateurs, élus, regroupements de communes… Evitions les tiraillements !

Reims, son histoire, le et la Champagne, quels constats faites-vous deux ans après votre arrivée de Toulouse ?
Nous sommes assis sur une pépite. Je ne ferai pas la nuance entre Reims et Epernay ou Reims et Châlons. Je ne cesserai jamais de répéter qu’ici, il y a un civisme extraordinaire. Les gens se parlent, se sourient, et croyez-moi ce n’est pas forcément le cas à Toulouse… Ce civisme que je constate chaque jour contraste, il est vrai, avec l’idée qu’en Champagne les gens sont froids. Quand je suis arrivé à Reims, les offres à la carte étaient très limitées. D’autres atouts sont pourtant là : patrimoine moderne, art déco, tourisme affinitaire. Il faut soumettre le maximum de choses à vivre… et privilégier l’humain. J’ai donc fait des propositions et multiplié les offres.

Comment se porte le tourisme en Champagne ?
Il n’a pas encore suffisamment démarré sur le plan du réceptif, et les offres ne sont pas assez développées. Nous souffrons d’une vision à plat traditionnelle. La connexion entre LE et LA Champagne n’est pas parfaitement établie. Notre territoire n’est pas suffisamment expressif, il a également besoin de se décomplexer, de croire en ses potentialités et d’avancer pour entrer pleinement dans une dimension expérientielle.

Pourtant les atouts sont là ?
Oui, les bulles mais aussi l’histoire ou le nombre remarquable de restaurants étoilés. Avec aussi un maillage exceptionnel sur le plan des transports (depuis Reims, Paris à 40 minutes, aéroport à 30 minutes en TGV, réseau autoroutier…) Mais paradoxalement, la Champagne n’est pas assez connue, dans sa connexion entre le produit et le territoire. Je le redis, il faut se décomplexer. Je ne connais pas, en France, un territoire qui offre de telles potentialités, dont bien sûr le produit le plus connu au monde, savouré à toutes les occasions et lors de chaque grand événement.

Comment faudrait-il restructurer l’offre ?
A Reims, concernant la valeur de l’Unesco et le patrimoine monumental, tout tourne autour de la cathédrale (1,15 million de visiteurs l’an dernier). Tout le monde pense que la cathédrale et le champagne suffisent à générer notre attractivité, c’est faux. C’est du pain béni, comme de dire que la France est la première destination touristique du monde. Mais si on ne se bouge pas, les gens iront voir ailleurs, car il y a des problématiques liées à la capacité d’accueil, au numérique, à la construction de l’offre. On a aussi besoin de faire évoluer les équipements, de travailler collectivement. L’ouverture au tourisme, c’est l’obligation d’ouvrir ses portes, d’afficher des sourires et de se remettre en cause.

Pour attirer quelle clientèle ?
Très internationale et nationale. Je donne un exemple. Traditionnellement, le bassin de clientèle parisien se dirige le plus souvent vers la Normandie, eh bien il faut comprendre et faire comprendre que la Champagne est toute proche et sait recevoir. Pour partager des bulles dans un spa, dans une maison d’hôtes, dans un arbre. Pour apprécier l’histoire des 33 sacres royaux à Reims. Et comme il faut rompre l’opposition territoriale, dire également aux touristes qu’ils peuvent apprécier Epernay. On vend d’abord une destination. Comme Bordeaux, la Champagne est un nom qui résonne, c’est une marque en soi. Et c’est la complémentarité de l’offre qui fait vivre le territoire.

Présentez-nous « La Champagne, refined art de vivre »
C’est une marque territoriale que nous portons collectivement, qui il est vrai n’a pas encore la visibilité nécessaire. Nous travaillons notamment avec le Comité Champagne et d’autres acteurs dont la région Grand Est pour accélérer la démarche. L’important c’est que nous sommes d’accord sur le socle, les valeurs portées par cette marque, nous sommes aujourd’hui dans une logique de déploiement, de conventionnement avec l’ensemble des organismes partenaires. Nous devons avancer en gardant une ligne cohérente et en se respectant les uns les autres, avec confiance. Nous devons aussi nous donner les moyens de communiquer, pour mener des actions internationales et agir sur le bassin de clientèle de proximité.

Et que répondre à ceux qui doutent de l’intérêt d’une telle marque ?
Le pire, c’est de ne rien faire, l’inertie. On ne peut plus laisser le temps passer. Il y a d’autres territoires qui ne nous attendent pas, qui foisonnent d’initiatives, comme Bordeaux ou Lyon. Nous, avec notre pépite territoriale, on ne va pas se poser encore et toujours des questions sur le conventionnement de la marque. Laquelle affiche des valeurs d’excellence et de crédibilité.

Je reviens sur l’un de vos messages forts, pour réussir il faut donc avancer ensemble ?
Oui, et transformer le territoire c’est aussi une volonté. Sur notre secteur, nous avons aujourd’hui un exécutif qui agit en tant que locomotive. Je pense notamment au tandem Catherine Vautrin (présidente du Grand Reims) et Arnaud Robinet (maire de la ville) qui avec leurs équipes ont la volonté de faire bouger le territoire. Le classement à l’Unesco nous a déroulé une couverture médiatique exceptionnelle, à l’international également. C’est du pain béni. Mais ça ne suffit pas car il faut désormais proposer du package, allonger la durée des séjours. La structuration de l’offre et des agences réceptives permettra notre développement.

L’Office de Tourisme du Grand Reims participera au salon Champagne Tasting organisé par Terre de Vins, le samedi 13 mai à Paris. Pourquoi ?
Car si cette opération touche une clientèle ciblée grand public, c’est aussi l’occasion pour nous de rencontrer la presse. Cet événement devrait monter en puissance, année après année. Et pourquoi ne pourrions-nous pas coordonner un jour ce rendez-vous avec les tour-opérateurs du monde entier et via les réseaux Atout France ? Et là, nous sommes dans la cohérence et dans le respect de La Champagne, refined art de vivre.

NB : Les Assises du tourisme verront l’intervention de nombreux professionnels et spécialistes. Le directeur de la publication de Terre de vins, Rodolphe Wartel, est l’un des invités d’une table ronde sur ce thème : « Œnotourisme : quels défis pour la Champagne ? » Les 350 opérateurs présents à Reims prendront aussi connaissance du nouveau hors-série spécial Œnotourisme de Terre de Vins (45 circuits exclusifs) disponible dans les kiosques.

www.reims-tourisme.com

Ci-dessous : A l’Office de Tourisme du Grand Reims, des vignerons viennent régulièrement présenter leurs bulles aux touristes. Qui savourent aussi la vue sur la cathédrale.
Crédit photo : Clément Richez- Office de Tourisme du Grand Reims.