Accueil Gadagne, un « villages » à ne pas manquer

Gadagne, un « villages » à ne pas manquer

Auteur

La
rédaction

Date

02.05.2013

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À un jet de pierre d’Avignon, Gadagne, dernier né des Côtes-du-Rhône villages communaux, lève le voile sur un terroir d’exception. De ses gros galets roulés, amoncelés sur des argiles couleur ocre, naissent des rouges opulents et soyeux, épices et fruits rouges. C’est le « villages » à ne manquer sous aucun prétexte.

Quand il cultive ses vignes, Xavier Anglès aperçoit l’illustre silhouette du Palais des Papes, le sommet pelé ou enneigé du Mont Ventoux, mais aussi les spectaculaires ponts où s’élancent les TGV reliant Avignon à Paris. « Pour un vigneron, c’est une vue synonyme d’évasion ! », sourit le propriétaire du domaine du Bois de Saint-Jean. Où sommes-nous ? À Châteauneuf-de-Gadagne, où vitis vinifera pousse au moins depuis 1216, date des premières traces écrites de son existence dans les actes de succession du seigneur du village.

Signe particulier, c’est le vignoble de la vallée du Rhône méridionale le plus proche de la cité papale. « Dix minutes à vol d’oiseau », renchérit Xavier Anglès. Il fleurit sur la première colline à l’est de la ville. Depuis le 1er novembre 2012, l’Institut national des appellations d’origine (Inao) l’a consacré « village communal ». Élaboré en rouge exclusivement, il a pris le nom de Gadagne. Il aurait pu s’appeler Châteauneuf-de-Gadagne, mais les vignerons de Châteauneuf-du-Pape, le prestigieux cru voisin, n’ont pas voulu en entendre parler, craignant qu’il n’usurpe sa réputation auprès des consommateurs.

Des allures papales

Las. Aujourd’hui, plus de querelle. Le jeune « villages », aux deux-cent cinquante hectares classés, n’a désormais qu’une hâte : sortir de l’incognito ! Comme au temps des papes qui, amateurs de bons crus, en avaient pris possession. Les bornes papales en délimitant le territoire ont survécu. Vestiges de pierre aux armoiries de la papauté, elles surgissent, çà et là, en bordure des parcelles. « Bien après les papes, les Avignonnais ont continué à faire leurs emplettes de vin au village, dit Xavier Anglès. Ils venaient aussi y chercher l’huile d’olive. » Le gel de 1956 a décimé le verger d’oliviers. La vigne a résisté. Un temps cultivée en raisin de table, la vigne de chasselas de Gadagne s’expédiait partout en Europe, elle a finalement préféré donner du vin.

Et c’est heureux ! Car elle se nourrit d’un terroir exceptionnel qui, au-delà des guerres de clochers, a quand même un air de famille avec celui de Châteauneuf-du-Pape. Au milieu de la colline, où s’érige le vignoble de Gadagne, coule l’Ouvèze. Au nord de cette rivière, c’est le terroir du cru officiellement papal. Au sud, celui de Gadagne. Et signe de leur parenté, ils hébergent tous deux lavandula stoechas, la lavande des Maures, une espèce de bruyère que l’on ne retrouve nulle par ailleurs en Vaucluse. Elle doit sa présence à un pH des sols comparable de part et d’autre de la rivière. Xavier Anglès a fait cette découverte auprès d’un herboriste du coin, lorsqu’il s’est penché sur l’étude de son terroir. Mis à part cette plante, aucune autre végétation en vue. Gadagne est un désert de pierres. Partout sur la colline, de gros galets roulés, charriés par le Rhône, réchauffent le pied des ceps. Sous cet épais tapis, de l’argile ocre rouge au pouvoir ultra filtrant. « Elle séquestre l’eau et la restitue à la vigne lorsqu’elle en a besoin, explique Xavier Anglès. De sorte que nos sols ne s’assèchent jamais, même en période de canicule l’été. S’ils sèchent un jour, il n’y aura plus rien ! »

Une alchimie solaire

Des cailloux, de l’argile, du soleil : le triptyque parfait pour élever de beaux grenaches, le cépage fort de l’appellation. Les sols argileux contiennent sa vigueur naturelle, si bien qu’il mûrit lentement et exprime, ici, toute sa typicité : de la cerise griotte jusqu’aux effluves pivoine, épices douces et noyau. Les vignerons l’assemblent à la syrah et au mourvèdre : la première apporte son intensité colorante, le second la colonne vertébrale, la structure tannique. Et lorsque l’on se penche sur les verres, les épices déboulent à plein nez ! Poivre, piment d’Espelette, puis un côté floral et légèrement picotant, s’entourent de notes fruits rouges. De leur terroir, les vins héritent aussi la puissance solaire, mais sans excès, tempérée par la fraîcheur « mistralesque » et la respiration du Ventoux. Un juste équilibre. Aussi, nul besoin de les confier à une barrique ou tout autre contenant en bois, de l’avis de Xavier Anglès. Sa cuvée du Comte Dust et du Saint-Empire, en côtes-du-rhône villages 2011, futur Gadagne, est, donc, sans fard. Griotte, violette et zan parsemés d’épices, elle se prévaut d’un beau volume, mûr et charnu. La côte de bœuf est, déjà, dans notre assiette. À 7, 50 € (pour l’instant !), on ne s’en laisse pas conter, papes ou pas, c’est sûr, Gadagne gagne à être connu.

Par Chantal Sarrazin
Photographie Aurélio Rodriguez
Cet article est extrait de « Terre de Vins » n°22, toujours en kiosques.

Domaine du Bois de Saint-Jean
84 450 Jonquerettes
04 90 22 53 22

www.domaine-dubois-desaintjean-84.com