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Quels vins avec… un Chevrotin des Aravis ?

Auteur

Marc
Vanhellemont

Date

03.11.2017

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Le Chevrotin s’apparente au Reblochon. Il en épouse la forme, le mode de fabrication et vient de la même région. Mais il est fait au lait cru entier de chèvre et est exclusivement fermier.

Cela fait un peu plus de trois siècles que le Chevrotin des Aravis coexiste avec le Reblochon. Dès le 17e siècle, voire avant, quelques chèvres pâturaient parmi les vaches. Elles fournissaient aux familles montagnardes lait et viande. L’excédent servait à l’élaboration d’un fromage de consommation familiale. Ce fromage de chèvre était aussi une monnaie d’échange. Les annales nous racontent que le Marquis de Thônes en réclamait chaque année à un fermier 60 livres en contrepartie de la location de la montagne des Annes, au cœur des Aravis. Mais ce n’est qu’à partir des années 1970 que de jeunes éleveurs se spécialisent dans l’élevage caprin et sortent le Chevrotin de la sphère familiale. Il obtient l’AOC en 2002 et l’AOP en 2005. Sa zone de production se limite aux massifs alpins des Aravis, du Haut-Chablais, des Bauges et du mont Blanc. Fromage à pâte pressée non cuite, à croûte lavée, il s’obtient par le caillage du lait d’un seul troupeau. Le caillé se verse ensuite dans des faisselles, puis il est égoutté, retourné et pressé. Démoulés, les fromages sont salés au sel sec ou mis en saumure. Déposés enfin 5 à 9 jours sur des planches d’épicéa pour le séchage. Ils y sont lavés et retournés quotidiennement. L’affinage de 3 à 5 semaines se poursuit à la ferme ou chez l’affineur. À l’expédition, les fromages s’emballent individuellement et entiers avec un faux fond d’épicéa sur chaque côté. Directement lié aux cycles naturels des troupeaux, le Chevrotin est surtout produit en hiver lors de la naissance des chevreaux et en été dans les alpages. C’est à ce dernier moment qu’il est le plus qualitatif. Il se présente sous la forme d’un cylindre plat de 250 à 350 g, large de 9 à 12 cm et haut de 3,5 à 4,5 cm.

Il se couvre d’une fine croûte ocre pâle parsemée d’un léger duvet blanc. Sa pâte ivoire, souple et onctueuse, se constelle de nombreuses, mais très petites ouvertures. Son odeur parle poil de chèvre, pierre calcaire humide, crème de lait, pâte d’amande et fleurs blanches. Son goût avoue une amertume minérale nette si on le mange avec la croûte qui peut gêner. Déshabillé, la crème au citron domine, nuancée de rhubarbe et de chicorée, quelques notes de vanille, de poivre blanc et de thym apparaissent à la suite.

MAISON PHILIPPE GRISARD
Prémice 2015 Cru Cruet AOP Savoie (6,60 €)

Ils se ressemblent. Tous deux blanc doré à texture onctueuse, ils sont nés pour s’accorder. Mariage local où le vin apporte ses fragrances anisées qui renforcent la fraîcheur citronnée du fromage. Il lui offre aussi un bouquet de gentianes mêlées de roses blanches dont les parfums transforment la pâte en élégante crème fleurette. Un éclat de silex scelle leur union. Ensemble, ils se régalent de pommes acidulées, de miel et de biscuits sablés. Un accord à la fois frais et sucré.



CHÂTEAU de TRACY
HD 2014 Pouilly-Fumé (44 €)

La robe vert pâle du sauvignon scintille. Son nez d’abord discret se révèle petit à petit. Des effluves d’agrumes apparaissent, puis la camomille et la fleur d’acacia. La bouche avoue la belle maturité des raisins. Le bouquet frais et parfumé ravit le Savoyard. Ce dernier s’amuse à décrypter les notes florales et fruitées du vin qu’il mélange à la crème vanillée de sa pâte. Des épices, poivre et curcuma, viennent en souligner la gourmandise.



DOMAINE des HUARDS
JM Tendresse 2014 Cour-Cheverny (19 €)

Nuancé de vert aux reflets bronze, il respire l’aubépine, le tilleul, la fougère, la fleur d’oranger et complète son bouquet de quelques fleurs blanches empruntées au fromage. Tout est sage et harmonieux. Les fruits confits de l’un se nuancent des fruits secs de l’autre. La douceur miellée du vin se rafraîchit de l’amertume délicate au goût de chicorée du Chevrotin. Accord minéral et friand qui emplit de plaisir nos palais ébahis.

Cet article a été publié dans la rubrique « Vins & Fromages » – Terre de Vins n°49, septembre-octobre 2017.