Jeudi 7 Novembre 2024
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07.09.2012
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Depuis 40 ans, la grande distribution réussit le pari de faire du vin l’argument commercial d’un grand rendez-vous médiatique et populaire. Toutes les enseignes rivalisent d’arguments pour attirer à eux les amateurs de tout bois.
Par Cyril Charon. Illustration Michel Tolmer.
Cet article est extrait de notre dossier spécial Foires aux Vins, à lire en intégralité dans le n°19 de « Terre de Vins », actuellement en kiosques.
Opus One, une verticale de Petrus, des Haut-Brion hors d’âge, quelques bouteilles de Château Ausone… le tout bien protégé dans une vitrine fermée à double tour (mais ouverte à la visite) qui, à elle seule, occupe la superficie d’un petit caviste parisien. La mise en scène est travaillée : galets au sol, rayonnage léché, température et hygrométrie réglées au dixième… On se croirait dans le caveau de l’une de ces prestigieuses propriétés ! Comme dans ce magasin Leclerc de Léognan (33), au cœur des vignes du même nom de la proche banlieue bordelaise, découvrir un véritable caveau dans une grande surface n’est plus rare. Nées dans les années 70, les foires aux vins se sont progressivement imposées comme l’un des principaux temps forts – le deuxième en chiffre d’affaire après Noël – dans l’animation commerciale des grandes surfaces.
La démonstration de force de la GD
C’est le groupe E. Leclerc qui fait entrer le vin dans le circuit de la grande distribution. « L’idée : mettre à la disposition de tous les consommateurs des produits de qualité, au meilleur prix », résume Didier Coustou, responsable du Galec, la structure d’achats en vin du Mouvement E. Leclerc dans les parties Sud et Grand Ouest de la France. La recette est assez simple : les grosses trésoreries de ces géants de la distribution alimentaire leur permettent d’acheter des volumes très importants et de nouer avec négociants et producteurs des relations privilégiées – on peut parler en centaines de milliers de bouteilles pour une seule référence ! – gages de prix très concurrentiels.
La recette fonctionne : la foire aux vins des magasins Leclerc représente 25 % du chiffre d’affaire vin réalisé en 2011, soit 85 millions d’euros en quelques semaines seulement, à 8 euros le col en moyenne… Mêmes chiffres stratosphériques dans le centre Auchan de Ronq, tout près de la frontière belge. Dans cette cave qui compte parmi les plus gros rayons vin de France, Xavier Leclerc, le responsable des achats, et son équipe (ils sont 14 au moment de la foire aux vins) vendent « entre 850 000 et un million de bouteilles » durant les trois semaines de foire aux vins. Pour 1000 références au total présentées dans le catalogue… Ici aussi, « la progression est constante : le chiffre d’affaire du rayon a été multiplié par quatre depuis 2000 », se vante Xavier Leclerc.
Objectif : recruter de nouveaux clients
A l’ombre de ces montagnes de caisses de vins auxquelles la grande distribution nous a habitués, le conseil et la qualité sont-ils au rendez-vous ? Force est de constater que les efforts consentis en la matière depuis plusieurs années ont contribué à combler le fossé séparant les hypermarchés et le caviste de quartier. On retrouve même dans les rayons de certaines enseignes des… cavistes « manqués ». A l’instar de Frédéric, 29 ans, responsable vin du magasin Leclerc de Léognan. Il avait dessiné les plans du bar à vin de ses rêves mais, faute de financements, c’est aujourd’hui dans les allées de « sa » cave de Léognan qu’il exprime sa passion pour le vin. Et parce qu’il met un point d’honneur à attirer les meilleurs vins de Pessac-Léognan sur ses étals, « tous les pessac-léognan » s’il le pouvait, Frédéric n’hésite pas à arpenter le vignoble.
Durant la foire aux vins de cette année, il pourra même compter sur le soutien de quelques vignerons, présents toute la journée pour parler de leur vin. On est loin du responsable de rayon « liquides » qui se contente de gérer les stocks de références commandées par quelques acheteurs nationaux de l’enseigne. « On est très libres, on a une marge de manœuvre très importante ». A tel point que Xavier Leclerc, de l’hypermarché Auchan de Ronq, n’a pas peur de se présenter comme… « caviste ». « Entre guillemets, car les cavistes traditionnels n’aiment pas… Oui, certains vignerons hésitent à présenter leur vin en grande distribution car, parfois encore, il n’y a pas de respect, pas de conseil, analyse-t-il. Mais ce qui était atypique tend à se généraliser. »
« Théâtralisation, conseil, stockage… on demande aux magasins d’investir dans le vin », déclare Didier Coustou. Les foires aux vins sont devenues « un véritable investissement pour l’image de marque, le moyen de recruter des clients pour le restant de l’année, dans le rayon vin et dans nos magasins ». Didier Coustou peut se vanter d’être, avec son groupe, « le premier acheteur mondial de primeurs, en grande partie destinés aux foires aux vins. Ce qui représente entre 20 et 30 millions de bouteilles », un autre argument choc pour le groupe.
LE PLUS DE TERRE DE VINS : QUATRE BONS RAPPORTS QUALITE / PRIX A TROUVER EN GRANDE DISTRIBUTION
Auchan : Château Clément-Pichon – Médoc, rouge 2010
14, 90 €
16/20
Superbe jus, racé, de grand style tout en étant classique de Bordeaux.
Leclerc : Jean-Marc Brocard, Chablier 1er Cru, Montée de Tonnerre – blanc 2010
12, 80 €
15, 5/20
Minéralité serrée en bouche, il demande un à deux ans pour gagner en étoffe, finale compacte.
Monoprix : Domaine Charles Joguet, Chinon, Les Petites Roches – rouge 2009
9, 50 €
15, 5/20
Jolie cuvée très nette au nez, délicatement épicée, ramassée à bonne maturité. La matière ne s’impose pas, elle tend vers la buvabilité attendue. La fin de bouche est harmonieuse.
Carrefour : Château Rollan de By – Médoc, rouge 2010
12, 40 €
16/20
C’est un charmeur au tanin onctueux, long, très plein, dans le grand style du domaine et dans un millésime qui lui va bien.
Retrouvez l’intégralité de notre dossier dégustation « bonnes affaires » pour les Foires aux Vins dans le numéro 19 de « Terre de Vins », actuellement en kiosques.
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