Accueil Loire : Sébastien David contre-attaque

Auteur

Julie
Reux

Date

18.07.2019

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A Tours mardi 16 juillet, le vigneron Sébastien David a reçu les instructions de la DGCCRF pour détruire sa cuvée Coef 2016, épilogue d’un combat juridique de six mois. Dans la foulée, il a également présenté le nouveau « syndicat du vin nature’L » et sa charte d’engagement. On fait le point avec lui.

Dans les épisodes précédents… L’affaire concerne Sébastien David, vigneron bio à Saint-Nicolas-de-Bourgueil (Loire) et président de Loire Vin Bio. Suite à un contrôle de la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) et des analyses montrant, pour sa cuvée Coef 2016, un taux d’acidité volatile supérieure aux normes autorisées, un arrêté préfectoral impose la destruction du lot de 2078 bouteilles. Le vigneron a contesté cet arrêté au tribunal administratif d’Orléans, et a perdu, à la fois sur la forme (en mai) et sur le fond (le 4 juillet). En savoir plus.

Que vont devenir vos 2078 bouteilles de Coef 2016 ?

Le vin va être distillé d’ici début août. Les agents de la DGCCRF vont vérifier si je peux racheter mon distillat pour faire de la fine, et la revendre. Sinon, ça deviendra de l’alcool à 90° ou je ne sais quoi. Je devrais avoir rapidement la réponse.

Après plus de six mois de bataille avec les services de la DGCCRF, y compris au tribunal, quel est votre état d’esprit et comment se porte votre entreprise ?
Alors aujourd’hui, je suis soulagé que ça se termine, oui. C’est quand même une épreuve, avec beaucoup d’introspection depuis cinq mois… Tu te dis que t’as fait une connerie quelque part. Mais quand tu te bats contre un mur, des portes fermées, tu n’as pas d’autre choix… Après, pour mon entreprise, pour le bilan du 31 juillet, j’ai demandé une conciliation à la Direction Départementale des Territoires pour trouver des solutions, peut-être une liquidation. J’ai perdu plus de 60% de mon chiffre d’affaires, à cause du gel, mais aussi à cause des cinq mois de blocage administratif sur la seule cuvée que je pouvais vendre. Aujourd’hui, je n’ai pas d’argent pour vendanger… Je peux vendre (mon raisin, ndla) sur pied, mais si je veux continuer mon activité, il faut que je puisse aussi garder mes salariés. Et si je continue, si c’est pour me dire que je ne peux plus faire le vin que j’ai envie de faire… »

« Le monde du vin change, et l’administration ne suit pas »

Vous avez été largement soutenu, une pétition avec plus de 174 000 signataires, une cagnotte de soutien, une « cuvée interdite » pleine de vide, vendue pour vous… Comment expliquez-vous ce soutien ?
Peut-être l’argent collecté pourra-t-il m’aider à continuer. Mais moi ça m’a fait chaud au cœur. Et cette mobilisation montre que ce dossier fait écho à une attente sociétale. Les signataires viennent de 29 pays, USA, Russie, Taïwan, donc ce n’est pas qu’un débat français contre l’administration. C’est une envie générale d’autre chose. Le monde du vin change, et l’administration ne suit pas. Tout ce que j’espère, c’est que ça ne servira pas à rien.

Vous avez présenté mardi 16 juillet un « engagement pour le vin nature’L », texte qui a également été envoyé aux 174 000 personnes qui vous ont soutenu. De quoi s’agit-il ?
Avec d’autres vignerons et des amis consommateurs de vin naturel, on a créé le syndicat de défense du vin nature’L, avec une charte d’engagement en 12 points. Le « ‘L », c’est parce qu’on n’a pas trop le droit d’utiliser ce mot, et qu’on veut y aller prudemment… Ça fonctionnera comme un syndicat d’appellation, avec une vocation à être répliqué dans tous les vignobles européens. Le syndicat ne rassemblera pas que des vignerons, il y aura aussi des metteurs en marché, des cavistes, des restaurateurs, des consommateurs… Il y a une demande des vignerons de pouvoir faire des vins naturels, mais surtout une demande des consommateurs de pouvoir les acheter. Une centaine de personnes ont déjà manifesté leur intérêt.

Quels sont les grands principes de cet engagement ?
Pour le vigneron, l’adhésion doit se faire avant les vendanges, et le label ne sera attribué que sur un vin, une cuvée. Il y a une obligation de réussite : si à la vinification, il y a par exemple un ajout de levures, ou autre chose, la cuvée perd le logo. C’est un engagement sur l’honneur, pour l’instant. Pour les règles, nous sommes partis sur le texte de l’AVN (association des vins naturels, ndla) : raisins bio (certifiés ou en conversion), vendanges manuelles, levures indigènes, pas de filtration, pas d’intrant, pas de techniques brutales, type osmose inversée ou flash pasteurisation. Le soufre est toléré, s’il est ajouté à la mise en bouteille, et à moins de 30mg/L total.

Ça démarre quand ?
En France, les vendanges 2019 pourraient servir de test, et on propose à l’INAO une période d’essai de trois ans. On compte vraiment sur l’INAO pour nous aider à choisir un organisme de contrôle, un cahier des charges, etc. Il y a encore du boulot !

Pour avoir plus d’infos sur le syndicat du vin nature’L : syndicatvinnature@gmail.com