Accueil A l’école du cognac

Auteur

La
rédaction

Date

12.12.2012

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Redonner au grand public le goût et la curiosité du Cognac, rénover son image auprès des consommateurs français : tel est l’objectif de « l’atelier-école » testé la semaine dernière par la boutique bordelaise Cognac Only avec le BNIC. En bonus : 5 cognacs vintage à découvrir.

Le Cognac et son image auprès des Français : un digestif, cher ou luxueux, réservé aux dégustateurs chevronnés qui aiment le siroter au coin du feu, parfois en fumant un cigare… Certains clichés ont la vie dure, et celui-ci en particulier colle durablement aux basques du plus célèbre spiritueux national. Du moins auprès de nos compatriotes ; à l’étranger, l’image du Cognac, véritable emblème du patrimoine gastronomique français, est au contraire beaucoup plus dynamique. Ce n’est pas pour rien que les exportations représentent 97% des expéditions de cognac, la France ne se situant (avec ses 3% de parts de marché) qu’en sixième position des pays consommateurs, loin derrière les Etats-Unis, Singapour et la Chine, le Royaume-Uni, l’Allemagne. Les Etats-Unis, avec le récent engouement de la communauté afro-américaine (qui en a fait son alternative privilégiée au whisky et au bourbon), mais aussi la Chine où les amateurs le boivent à table, sont les deux pays qui contribuent le plus aujourd’hui à transformer l’image et les codes de consommation du Cognac.

Donner les clés du Cognac au grand public

Refusant d’accepter la règle selon laquelle « nul n’est prophète en son pays », le BNIC (Bureau National Interprofessionnel du Cognac) consacre de nombreux efforts à la réintroduction d’une pédagogie et d’une démocratisation du Cognac, notamment auprès d’un public rajeuni. Dans sa quête, l’interprofession a trouvé quelques alliés de poids, comme Christian et Pablo Ferrand. Le père et le fils, issus d’une lignée de viticulteurs en Cognaçais (Pierre de Segonzac), sont à la tête de Cognac Only : un duo de boutiques (La Rochelle depuis 2006, Bordeaux depuis 2010) où l’alcool ambré – et ses dérivés comme le pineau des charentes – est célébré et magnifié à sa juste valeur.

C’est donc à la boutique de Cognac Only Bordeaux, avec la complicité et l’hospitalité de Pablo et Christian Ferrand, que David Boileau, « ambassadeur du Cognac », est venu prêcher la bonne parole la semaine dernière. L’idée était de tester auprès d’un petit groupe de cobayes consentants le concept « d’atelier-école » destiné à mieux faire connaître les subtilités du Cognac auprès du grand public. Un concept qui devrait s’installer de façon régulière à la boutique Cognac Only à partir de 2013. Au programme : une présentation rapide de l’histoire du Cognac, de ses acteurs clés (273 maisons, dont les 4 plus célèbres, Martell, Rémy Martin, Hennessy et Courvoisier concentrent 80% de l’activité), de son économie, de ses terroirs (Grande Champagne, Petite Champagne, Borderies, Fins Bois, Bons Bois, Bois Ordinaires) et de ses cépages (dont le principal, l’ugni blanc).

Dégustation à l’appui

Le tout complété par une explication en règle de la double distillation charentaise, des règles de vieillissement et d’assemblage, et bien sûr des désignations d’âge : VS ou *** pour les cognacs dont l’eau-de-vie la plus jeune a au moins 2 ans, VSOP pour les cognacs dont l’eau-de-vie la plus jeune a au moins 4 ans, Napoléon ou XO pour les cognacs dont l’eau-de-vie la plus jeune a au moins 6 ans.

Ces explications se sont bien sûr déroulées dégustation à l’appui : deux verres d’eau-de-vie blanche pour différencier deux terroirs distincts (Grande Champagne et Fins Bois), deux verres de VSOP et XO pour appréhender la notion de vieillissement, un exercice ludique pour saisir la notion de « rancio » (mettez un peu de cognac dans la paume de votre main et frottez pour en apprécier les notes complexes), une dégustation comparée dans différentes formes de verres (préférez toujours la forme « tulipe » pour révéler les arômes du Cognac) et enfin, un petit jeu en binômes pour différencier à l’aveugle un cognac XO, un cognac VSOP, un whisky single malt et un vieux rhum. Un atelier rapide et convivial permettant d’ouvrir quelques portes, suivi d’une dégustation de « Summit » (cognac, limonade, citron vert et gingembre) pour prouver que cet alcool se prête aussi merveilleusement aux cocktails ! En résumé, une initiative qui gagne à être reconduite pour tous ceux qui sont intimidés par le Cognac ou ont des idées préconçues à son sujet…

Mathieu Doumenge

Et puisque Noël approche, pour des idées cadeaux ou pour partager des moments délicieux, voici cinq cognacs « vintage » à découvrir – une sélection de Jean-Charles Chapuzet pour notre cahier spécial « La Folie du Vintage » publié dans « Terre de Vins » n°20.

Cognac Bache-Gabrielsen Petite Champagne 1973 (mise en bouteille en 2011)

Présenté par Hervé Bache-Gabrielsen, Président de Bache-Gabrielsen : « Cette eau-de-vie est l’exact opposé d’un cognac d’assemblage, elle provient d’une seule propriété (famille Laidets à Saint-Seurin de Palenne), titre à 45% (réduit naturellement à 50% puis descendu progressivement à 45%), c’est un mono-crû, un mono cépage, et l’expression d’un millésime, celui de l’année 1973. Bref, c’est l’antéchrist du cognac. Si l’assemblage est le gendre idéal le plus couramment valorisé par les maisons, et cela se justifie très souvent, il n’en demeure pas moins que le cognac millésimé est le fils rebelle, et parfois le rebelle est plus intéressant que le gendre idéal. On peut préférer Hubert Félix Thiéfaine à Francis Cabrel.
Son nez est très prononcé en fruits exotiques (mangue, passion) puis floral, une vraie Petite Champagne. En bouche le cognac est droit, net, riche en notes d’agrumes et chocolatées. La longueur est exceptionnelle, un gras délicieux. Le petit plus : c’est également l’année de naissance de ma femme. »
Prix : 49 € les 35 cl (450 exemplaires)
www.bache-gabrielsen.com

Cognac de Collection Jean Grosperrin Grande Champagne 1971 (mise en bouteille en 2012)

Présenté par Guilhem Grosperrin, DG de Grosperrin : « C’est un cognac de 40 ans descendu naturellement en chai sec à 62, 9%. C’était un fond de fût avec une oxydation naturelle qui a gardé une belle acidité. Ce lot date des années 1970 où des gens investissaient dans le cognac pour des raisons fiscales, en clair pour blanchir de l’argent. C’étaient surtout des notaires, des avocats, ceux qui voyaient passer du liquide. Ou encore des vendeurs de médailles à Lourdes… J’ai acheté ce cognac à une veuve de magistrat en 2004, entreposé à l’ORECO (Organisation économique du Cognac stockant des eaux-de-vie). C’est un cognac complet, sans concession, un cognac d’ayatollah, tous les arômes sont présents, une plénitude. En soirée, je le sers dans le verre et le laisse s’ouvrir deux heures, c’est exceptionnel. Nous venons de créer un magasin sur les quais à Saintes, où l’on peut découvrir tous nos millésimés mais aussi d’autres maisons, d’autres spiritueux et des vins naturels. »
Prix : 175 € les 70 cl (35 exemplaires)
www.lagabare.com

Cognac Delamain Grande Champagne 1977 (mise en bouteille en 2012)

Présenté par Patrick Peyrelongue, PDG de Delamain : « Depuis 1989, nous stockons des quantités plus importantes, sachant qu’il est possible de vendre des cognacs millésimés mais nous avons des stocks antérieurs. Actuellement, nous commercialisons ce 1977, en quantité extrêmement limitée car ces eaux-de-vie avaient été achetées pendant la période où les millésimes ne pouvaient être commercialisés. Il s’agissait d’une sorte de pari sur l’avenir… C’est une eau-de-vie que nous avons sélectionnée pour sa légèreté, sa finesse et sa délicatesse. Son bouquet est marqué par des notes de sous-bois et de chocolat, avec des petites pointes d’abricots et d’oranges. Et, pour la petite histoire, c’est en 1977 qu’est venu au monde mon fils aîné, Antoine…
Nous sommes également une des très rares maisons à commercialiser des « early landed Cognacs »… Ce sont des eaux-de-vie envoyées en Grande Bretagne lorsqu’elles ont deux ou trois ans, et qui sont vieillies dans des chais très humides ce qui permet un vieillissement plus rapide qu’en France, et donne des cognacs plus souples et plus moelleux. »
Prix : 380 € les 70 cl (511 bouteilles)
www.delamain-cognac.fr

Cognac Rémy Martin Grande Champagne 1988 Vintage Premier Cru (mise en bouteille en 2008)

Présenté par Caroline Sarrot-Lecarpentier, Responsable communication de la maison Rémy Martin : « C’est d’abord l’histoire de ce cognac qui m’a marquée lorsque notre maître de chai, Pierrette Trichet, me l’a racontée. La violence du climat de cette année, cette quête de la maison pour sélectionner les raisins qui ont survécu aux maladies, une sélection parcellaire… et puis la distillation et l’élevage dans l’attente ou non d’une belle surprise. C’est ce qui me plaît, ce cognac est avant tout un pari fait par le maître de chai de l’époque, Georges Clot. Il fallait de l’audace et le résultat est admirable, un cognac d’une grande richesse et d’une concentration unique. On ne sent pas ses 45% tellement il est souple et soyeux. Harmonieux, structuré. Il est long en bouche avec des arômes de brioches, de tarte cuite au four. Du bonheur ! Et la bouteille ne gâche rien avec son cachet de cire. C’est un bel objet en plus, il y a un côté cérémonial lors de l’ouverture. »
Prix : 250 € (nombre non communiqué)
www.remy.com

Cognac Ragnaud-Sabourin 1990 (mise en bouteille en 2008)

Présenté par Annie Ragnaud-Sabourin, DG des cognacs Ragnaud-Sabourin : « C’est le troisième après 1988 et 1989. On les a fait en suivant pour que l’amateur de cognac puisse vraiment prendre conscience de l’effet millésime. C’est l’intérêt du vintage. Ce 1990 est avant tout très fruité, c’est la signature de ce millésime, un cognac très rond avec l’élégance et la finesse qui caractérisent les cognacs de notre domaine de la voûte en Grande-Champagne. Cette année-là, j’enseignais le droit européen à la faculté de Paris-Nord tout en étant impliquée à la propriété aux côtés de mes parents. C’est une raison supplémentaire de mon attachement à ce flacon car c’est une des dernières dégustations de mon père, Marcel Ragnaud. C’est un legs en quelque sorte. Ou un hommage… Tout dépend dans quel sens on regarde cette eau-de-vie, à son élaboration ou à la décision de le mettre en bouteille. Ce cognac est une émotion gustative et mémorielle. »
Prix : 61, 50 € (500 bouteilles environ)
www.ragnaud-sabourin.com