Accueil Antoine Leccia : « les vins et spiritueux doivent maintenir le cap à l’export »

Antoine Leccia : « les vins et spiritueux doivent maintenir le cap à l’export »

Auteur

Idelette
Fritsch

Date

31.05.2017

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Nommé en avril 2017 président de la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux de France (FEVS), son mandat s’inscrit dans un contexte de baisse des parts de marché des vins français à l’international. Antoine Leccia, le président du directoire d’AdVini*, plaide pour une maison France unie, impliquant tous les opérateurs dans la défense de la filière.

Votre mandat s’inscrit dans un contexte de baisse de part de marchés des vins tranquilles à l’international, de – 0,8% en valeur et – 1,8% en volume. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Cette érosion est indiscutable, la France perd son leadership ces dix dernières années, y compris dans les pays où elle était, traditionnellement, premier metteur en marché. C’est le cas du Canada où après avoir était leader de nombreuses années, nous sommes n°3. Il n’y a pas une raison unique à ce phénomène mais plusieurs facteurs, le principal étant l’excellente performance commerciale de nos confrères du Nouveau Monde à l’étranger. Les entreprises chiliennes, australiennes, etc., ont démontré leur capacité à se déployer en occupant une position terrain. En Angleterre par exemple, une société chilienne leader emploie 45 commerciaux terrains. Aucune entreprise française équivalente n’est capable de faire cela ! S’ajoutent des raisons conjoncturelles dues aux petites récoltes que nous avons connues ces dernières années (avec une production française de l’ordre de 45 millions d’hectolitres contre 55 M hl il y a dix ans, NDLR), qui ne nous a pas permis de faire face sur certains marchés.

Néanmoins, porté par la croissance des cognacs (+135 M €), le bilan 2016 est positif pour les vins et spiritueux français, tant en valeur (+1,2%) qu’en excédent commercial (+1%). Pourquoi ce succès ?
Il s’explique par la qualité de l’offre et des entreprises qui soutiennent le marché. Nous avons en France de belles entreprises de spiritueux tels Pernod Ricard, les champagnes Moët et cognacs Hennessy (activité vins et spiritueux du groupe LVMH, NDLR) qui effectuent un travail remarquable tant par la qualité de leurs produits que par leur connaissance de l’aval, avec cette capacité à piloter l’amont en fonction des besoins des marchés, ce qui n’est pas le cas des vins secs.

Les vins tranquilles seraient donc à la traîne. Qu’est-ce que la filière ne fait pas comme les autres ?
Les ponts entre l’amont et l’aval y sont aujourd’hui relativement limités. A mon sens, la filière doit être pilotée en fonction des besoins des marchés et pas en fonction des besoins de production, ce qui est trop souvent le cas. Les Champenois et les Cognacais ont réussi dans l’ensemble cette transition qui fait défaut ailleurs. L’exemple dramatique du Languedoc actuellement, montre la difficulté qu’il y a à réunir autour d’une même table négociants et producteurs pour une compréhension commune. La vision des marchés n’est aujourd’hui pas partagée entre l’amont et l’aval. Les producteurs n’ont aucune visibilité. Le Languedoc connaît pourtant d’incontestables réussites, comme l’AOP Picpoul de Pinet dont on n’arrivait pas à vendre les vins il y a vingt ans et qui connaît aujourd’hui un développement export dans le monde entier. C’est une preuve s’il en fallait, que les vins produits en France avec une belle qualité et une belle mise en marché, ont de l’avenir !

Quelles sont les atouts de la filière française pour les prochaines années ?
L’atout de la filière française, c’est la diversité de sa production et de ses savoir-faire : entre les vins de consommation courante, les vins de niche, etc., le niveau qualitatif des vins français n’a jamais été aussi bon. Pourtant paradoxalement, nous manquons d’unité, nous défendons plus nos régions viticoles que la maison France, chacun prêche pour sa paroisse alors que la filière française est remarquable : nous avons l’histoire, la notoriété, l’art de vivre, nous sommes innovants, nous disposons de belles entreprises, de toutes les tailles, nous avons tous les atouts pour réussir. Il faut mettre cela en musique, améliorer la partition pour maintenir le cap à l’export et surtout, ne pas oublier que nous faisons partie de la France.

Quelle sera votre stratégie sur trois ans, pour infléchir le recul français des vins tranquilles à l’export ?

La première volonté est de renforcer le lien avec la totalité des opérateurs, en lien avec la FEVS qui regroupe plus de 500 entreprises adhérentes. Parmi elles, de grosses entreprises jouant un rôle fondamental à l’international, pourraient jouer un rôle de portage auprès des plus petites. L’ambition est de développer des chantiers partagés avec tous les opérateurs de la filière, pour mettre en place des méthodes, des process communs à tous et qui servent à tous. Il faudra bien sûr focaliser notre action sur des pays-clés, en définissant des priorités pour le maintien de notre leadership sur quelques pays tiers : l’Asie, les USA par exemple. Nous y parviendrons avec une maison France plus unie aux objectifs clairs, qui maintienne aussi la diversité de nos régions viticoles sous cette bannière tricolore.

* Implanté dans sept des principales régions viticoles françaises ainsi qu’en Afrique du sud, Advini (250 M € de CA, 2300 ha de vignes) commercialise ses vins dans 107 pays à l’export.