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[BORDEAUX TASTING] Les vins de Bordeaux misent sur le bio

Auteur

Idelette
Fritsch

Date

16.12.2018

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Avec un taux de conversion en croissance de 30%, la région bordelaise amorce sa révolution bio. Huit châteaux en conversion ou déjà auréolés du fameux label Agriculture biologique (AB) se laissaient déguster à la maison Darnauzan à l’occasion de Bordeaux Tasting, les 15 et 16 décembre. L’occasion de prendre le pouls du bio en Gironde.

De nouvelles pratiques pour une viticulture sans pesticides et sans intrants à la cave grâce à un cahier des charges à la fois viticole et œnologique. C’est l’argument coup de poing de l’Agriculture biologique (AB) qui séduit depuis tout juste une décennie, le plus célèbre vignoble de l’hexagone.

Avec 650 propriétés certifiées sur 7 500 exploitations viticoles en Gironde et plus de 100 nouvelles propriétés ayant opté en 2018 pour une conversion bio, le mouvement n’est plus anecdotique. « On est face à un véritable phénomène qui se traduit par une accélération des conversions, en hausse de 30% chaque année même si ce millésime 2018, difficile du fait de la pression parasitaire du mildiou, pourrait expliquer un recul des conversions en 2019 », illustre Louis Fleury, directeur marketing et développement à la Chambre d’agriculture de Gironde. Prise de conscience chez les vignerons de la nocivité des produits utilisés (notamment les molécules CMR cancérigènes), pression sociétale, évolution réglementaire européenne et pierre d’achoppement de l’interdiction, dans la prochaine décennie, d’un certain nombre de produits issus de l’agrochimie comme le glyphosate, etc., les raisons sont multiples.

La première motivation invoquée reste la protection de la santé des vignerons directement impactés par l’utilisation de produits phytosanitaires, à l’instar de château La Brande (Fronsac, photo d’ouverture) certifié AB depuis 2015. « L’ancien propriétaire atteint d’un cancer en 2010, a converti à partir de 2012 les 15 hectares de cette propriété », confient Maud et Benoît Soulies, repreneurs en 2016 de ce domaine familial fondé en 1870. En juillet 2018, ces néo-vignerons ont mis les bouchées doubles en adoptant le label de certification environnementale HVE (Haute Valeur Environnementale), un dispositif issu de la loi Grenelle 2 de l’environnement. « Sans être des ayatollahs du bio, nous sommes convaincus que le recours aux intrants phytosanitaires ne peut être une solution durable », insistent-ils.

Un révélateur des vins de terroir

Mais derrière ce prérequis fréquemment invoqué, l’autre attrait pour le bio tient à la qualité des vins produits. Et à la notion de vins de terroir qu’elle semble appeler, aux dires des vignerons. « Le bio implique un retour du vigneron dans les vignes pour travailler les sols. Favoriser la vie microbienne et aérer les sols permet aux racines d’aller puiser plus profondément leurs nutriments. La vigne, moins soumise au stress hydrique, révèle de façon plus évidente le terroir », analyse Olivier Chéty, propriétaire de château Haut Colombier (Blaye-Côtes de Bordeaux, photo ci-dessus) dont les 35 hectares ont été certifiés AB à partir de 2014.

Même conviction pour château Doyac (Haut Médoc, ci-dessous) classé cru Bourgeois, qui mise à la fois sur le bio et la biodynamie. Le domaine de 29 hectares dont 25 sont en production, est en conversion bio depuis 2016 et en biodynamie, depuis 2017. « A partir de 2018, nous avons constaté un changement énorme dans nos vignes, avec beaucoup plus de concentration des baies même si l’effet millésime reste indéniable, et une très belle expression du fruit », constate Clémence de Pourtales, à la tête du domaine avec ses parents Max et Astride de Pourtales. Pour cette jeune vigneronne de 26 ans titulaire d’un Diplôme national d’œnologie (DNO), ce mode de conduite est à encourager, à condition que la taille de l’exploitation et une main d’œuvre adaptée permettent « la plus grande réactivité en cas de pression parasitaire les années à risques ».

Si donc l’agriculture certifiée demeure modeste dans les régions où les conditions pédoclimatiques rendent contraignante la gestion des maladies, le mouvement vertueux ne devrait pas s’arrêter à Bordeaux, aidé par une batterie de labels de certification durable venant au secours des domaines en conventionnel qui ne prendraient pas le virage du bio. « La volonté de la Chambre d’agriculture est d’accompagner tous les agriculteurs vers une démarche environnementale, le label AB étant une certification au milieu d’autres labels publics comme la Haute qualité environnementale (HVE), Terra Vitis, le Système de management environnemental (SME) développé en Gironde à l’initiative du CIVB, ou encore la Responsabilité sociétale des exploitations (RSE) », conclut Louis Fleury.