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Des racines et Hugel

De gauche à droite : Jean-Philippe, le regretté Étienne, Marc-André, André, Jean-Frédéric et Marc Hugel.

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

27.03.2018

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Les racines, celles des extraordinaires terroirs d’Alsace, et celles d’une lignée installée à Riquewihr depuis 1639, s’unissent pour le meilleur chez la famille Hugel, qui produit de très grands vins blancs et exporte dans plus de cent pays à travers le monde.

« En Alsace, en creusant un petit peu, on trouve tous les terroirs qui existent au monde ». Le décor est planté. S’aventurer dans les ruelles pittoresques du village de Riquewihr et pousser la porte des caves plusieurs fois centenaires de la maison Hugel, c’est partir à la rencontre d’une famille installée ici depuis 1639, et surtout à la découverte des extraordinaires terroirs alsaciens. Sur le sujet, Marc Hugel est tout simplement intarissable. Avant même de vous emmener faire un tour dans les vignes ou de vous faire déguster ses vins, Marc vous offre d’abord un cours de rattrapage – indispensable – en géographie et géologie. Comprendre les grands vins d’Alsace, c’est d’abord comprendre comment, entre Trias et Jurassique, entre ligne vosgienne et ligne rhénane, s’est patiemment façonnée la magnifique mosaïque de terroirs sur lesquels s’épanouissent riesling, gewurztraminer et autres grands cépages qui ont fait la renommée de ce vignoble.

Il faut savoir prendre le temps, donc. Prendre le temps d’écouter, d’observer, avant de goûter. Prendre le temps comme sait le faire cette famille, qui depuis treize générations produit du vin à Riquewihr. Les Hugel, c’est 30 hectares de vignes en propre, notamment sur deux grands crus renommés que sont le Sporen et le Schoenenbourg ; c’est aussi une part importante d’approvisionnements extérieurs qui lui permettent de mettre en marché près de 100 000 caisses par an, dont 90% sont exportées à travers une centaine de pays. Une belle success story, dirait-on en anglais ; sauf que chez les Hugel, on met un point d’honneur à parler français, et on le faisait déjà lorsque la région balançait au gré des guerres entre la langue de Molière et celle de Goethe. A chaque bout du spectre : l’incroyable réussite du Gentil, vin blanc d’assemblage remportant un incroyable succès international (à moins de 10 € prix consommateur, c’est un modèle du genre), et l’immaculée précision d’un Riesling « Schoelhammer » issu de la plus belle parcelle du Schoenenbourg, un véritable transmetteur de terroir et convecteur d’émotion. Nous y reviendrons plus loin.

Marc Hugel n’est pas seul aux manettes. Ici, vous l’avez compris, le vin est une affaire de famille. Son père André n’est jamais très loin des chais (où trône, il faut le voir, le plus ancien fût encore en activité au monde, un foudre de 1800 litres construit en 1715) ; ses neveux Marc-André et Jean-Frédéric – ce dernier étant le fils de son regretté frère Étienne, disparu en 2016 – parcourent le monde pour porter la bonne parole ; son cousin Jean-Philippe préside également aux destinées de la maison. Pour autant, c’est bien Marc qui nous parle avec passion et gourmandise de ces terroirs qu’il explore inlassablement, après avoir travaillé il y a vingt ans sur des fosses pédologiques avec Claude Bourguignon afin de connaître au caillou près ses quelque 250 parcelles disséminées sur 30 hectares. « C’est ainsi que l’on apprend la vraie nature du sol – calcaire, argile, granit, épaisseur de couche organique, hydromorphie, structure, compacité… »

Entre Sporen et Schoenenbourg

Illustration in situ dans les vignes du Grand Cru Sporen, où la famille Hugel exploite 8 hectares. Sur ce sol riche, argileux, conduit sans produits phytosanitaires depuis plus de vingt ans (la moitié du domaine est conduite en bio, en particulier les grands crus), s’épanouissent notamment de grands gewurztraminers et pinots gris. Face au Sporen, partagés entre Riquewihr et Zellenberg, s’étirent les 54 hectares du Grand Cru Schoenenbourg, où la famille Hugel exploite un peu moins de 6 hectares – sur les meilleures parcelles, notamment cet extraordinaire Schoelhammer (« probablement le terroir le plus célèbre d’Alsace », dixit Marc Hugel) qui produit des rieslings de grande garde. C’est cela, l’immense force des Hugel : être capables de produire en grand volume un blanc aussi populaire – au bon sens du terme – et fédérateur que le Gentil, et aller chercher la « pixellisation » d’un Grand Cru en signant des rieslings majuscules à l’épreuve du temps. Gageons qu’avec ce savoir-faire, ils continueront à attirer les amateurs dans leurs caves de Riquewihr pendant encore plusieurs générations.

« Terre de Vins » aime :

Gentil 2016 (env. 9 €)
Le vin d’entrée de gamme de chez Hugel, mais quelle réussite dans son genre ! Assemblage de riesling, pinot gris, pinot blanc, sylvaner, muscat et gewurztraminer, il déploie au nez un côté très aromatique, flatteur – muscat et gewurztraminer à la fête – et en bouche se révèle sec, aimable, gourmand. Un blanc tout-terrain à ouvrir en bien des circonstances.

Riesling Estate 2014 (env. 25 €)
Une cuvée issue de plusieurs parcelles mais essentiellement du Schoenenbourg. Robe cristalline, nez précis, bouche tendue, avec une touche de poivre blanc qui soutient un fruit bien mûr. Un riesling d’école.

Riesling « Grossi Laüe » 2010 (env. 40 €)
« Grossi Laüe » (Grosse Lage en Allemand) signifie « les meilleurs vignobles » en dialecte alsacien : cette cuvée réunit en effet une sélection des meilleures parcelles du Schoenenbourg – Schoelhammer mis à part. Ce 2010 est un modèle d’équilibre, fruit charnu et délicat, texture riche mais pleine de tonicité, de fines touches de coing et de mirabelle, des amers de belle noblesse. C’est déjà très beau, long et riche de promesses : un blanc fait pour durer. Dans un registre moins complexe mais très délicat, le 2012 sera aussi à suivre. A noter que la cuvée « Grossi Laüe » existe aussi en 100% pinot gris (un 2011 ample et enjôleur) et en 100% gewurztraminer (un 2010 réunissant le textbook aromatique de ce cépage, litchi et rose, avec un profil joliment tendu).

Riesling Schoelhammer 2007 (env. 90 €)
Un grand cru à l’intérieur du grand cru. Ce millésime solaire se signale par son nez exubérant, très poire mûre avec notes de coing, sa bouche pulpeuse, le tout porté par une incroyable fraîcheur, beaucoup de salinité, un côté presque pin maritime et une finale délicatement miellée.

Pinot Gris VT 2008 (prix nc)
Couleur subtilement dorée, arômes de tarte tatin, ce vendanges tardives (100 g de résiduel) s’annonce sur la gourmandise, et c’est une fois de plus la fraîcheur qui emballe tout. Des vagues de longueur et de complexité, c’est salivant, net, on en redemande !

Riesling SGN 2010 (prix nc)
La perfection du « grain à grain » botrytisé, ce Sélection Grains Nobles réussit une très belle balance entre sucrosité (130 g de résiduel) et acidité. Nez élégant, enrobant, cire, fleur blanche, fruit légèrement confit. Une bouche percutante et tonique, beaucoup d’allonge… ce sera grandiose dans 40 ans. Le 2009 (200 g de résiduel) a un profil beaucoup plus liquoreux, sur l’ananas, le gingembre confit, la pâte d’amande, la pomme cuite.