Accueil [ENTRETIEN] Hubert de Boüard : 2016, un millésime « plein de peps »

[ENTRETIEN] Hubert de Boüard : 2016, un millésime « plein de peps »

Auteur

Laura
Bernaulte

Date

24.03.2017

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Mercredi, les vins d’une trentaine de propriétés conseillées par « Hubert de Boüard Consulting », se laissaient découvrir au restaurant Le Gabriel à Bordeaux. L’occasion de prendre la température de ce millésime 2016 qui commence à se dévoiler en Primeurs.

Fondé en 2001, « Hubert de Boüard Consulting » regroupe aujourd’hui quatre œnologues et conseille 82 propriétés, très majoritairement dans le vignoble bordelais, que ce soit rive droite ou rive gauche. A quelques jours de la semaine des primeurs, trente-trois d’entre elles faisaient découvrir en pré-primeur leur millésime 2016 aux professionnels. Rencontre avec Hubert de Boüard, consultant et copropriétaire du château Angélus (1er grand cru classé A de Saint-Emilion).

Quels sont les traits caractéristiques de ce millésime 2016 ?
C’est un millésime homogène. Il y a des réussites partout. Du nord au sud, et de l’est à l’ouest, il y a de très beaux vins, que ce soit en rouge, ou en blanc sec comme liquoreux. Ce millésime a une vraie signature bordelaise. S’il y a des vins un peu plus construits ou élégants çà ou là, il y a vraiment partout ce côté savoureux, énergisant, cette buvabilité, et une forme de gourmandise. C’est un millésime plein de peps qu’on aura envie de boire.

2016 est-il selon vous plus réussi sur la rive droite ou la rive gauche ?
Cette année, il y a des très grands vins sur les deux rives, mais avec des styles marqués, typiques de chaque rive. Rive droite, on a des merlots à tomber tellement c’est bon. Et rive gauche, on trouve des cabernets sauvignons à se damner et des cabernets francs très bons.

Certaines appellations bordelaises sortent-elles plus du lot ?
Le nord-Médoc est absolument exceptionnel. En 2016, c’est indéniable, les argiles ont mieux retenu et redistribué l’eau, donc tous les vignobles de Saint-Emilion sur argiles se distinguent de façon incroyable. Mais pour autant, il y a aussi de superbes vins à Pomerol, à Margaux, ou en Pessac-Léognan.

On entend déjà parler de « millésime du siècle ». Comment positionneriez-vous ce 2016 parmi d’autre grands millésimes de ces dernières années, comme 2009, 2010, ou 2015 ?

Qualitativement il fait partie des très grands de ces dernières années, tout comme 2009, 2010 ou 2015. Si je fais une exposition d’art contemporain, est-ce que je préfère Matisse à Picasso ? Je n’en sais rien, je ne peux pas dire. 2016 a un style très différent de 2015. Il a une fraîcheur des fruits que l’on n’avait pas en 2010, qui était un millésime fantastique, mais très riche, mûr voire parfois surmûr. 2016 est plus digeste, buvable avec des trames tanniques plus sur la fraîcheur, tout en étant pas du tout agressives. Il a un vrai classicisme moderne, qui se donne facilement, ce n’est pas un classicisme austère. A quoi ça ressemble? C’est très compliqué. Je fais du vin depuis 35 ans, mais je n’aime pas dire que c’est le plus grand millésime qu’on ait fait. Sur la rive droite ce serait un mélange entre l’élégance de 1998 et la maturité de 2010. En Médoc ce serait un mélange entre 1986, très grand millésime de cabernets, et 2010. Ce millésime va faire le bonheur des consommateurs : ne passez pas à côté, il va y avoir des vins fabuleux et souvent pas chers, avec dans l’entrée de gamme, des vins uniques.

Comment se présente ce 2016 à Angélus ?
Je me suis régalé. On a un terroir avec des argiles, mais aussi assez chaud. On a eu de belles maturités. C’est un millésime 60% merlot-40% cabernet franc. C’est peut-être dans son style l’un des deux ou trois plus grands millésimes d’Angélus que je considère avoir faits sur la propriété, avec 1989 et 2005. Il a cette trame à la fois sur l’élégance, la pureté, une précision diamantaire, il est cristallin et a une grande buvabilité. Des vins tellement construits du début à la fin, c’est juste un vrai bonheur!

Et en prix, le consommateur doit-il s’attendre à une augmentation sur Angélus 2016 ?
On a un grand millésime à Bordeaux. Il faut être ambitieux, mais ne pas faire n’importe quoi, être réaliste. Il y aura une augmentation, mais il ne faut pas prendre le consommateur pour un pigeon, c’est lui qui nous fait vivre. Il est capable de comprendre que ce millésime vaut tant, et qu’il y a une augmentation. Il doit y avoir un respect mutuel : le consommateur doit respecter le producteur qui a travaillé, investi et demande une augmentation, tout comme le producteur respecte le consommateur. C’est comme l’amitié, quand un seul donne, ça ne fonctionne pas ! C’est sûr qu’on va avoir une demande dans le monde. Ce millésime doit être un millésime de reconquête de certains marchés.