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La Clairette, trésor caché de la Cave d’Adissan

Auteur

Idelette
Fritsch

Date

27.07.2018

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Dans l’Hérault, la cave coopérative d’Adissan s’érige en défenseur de la Clairette en offrant le meilleur de ce cépage séculaire en Languedoc, décliné en blanc sec, moelleux, rancio et vin de liqueur. Un particularisme local protégé depuis 70 ans par une appellation.

Avec 100 hectares revendiqués pour une production de 5000 hectolitres, elle est la plus petite et la plus ancienne des appellations du Languedoc. La Clairette ? Pas de Die dans la Drôme, ou de Bellegarde en vallée du Rhône méridionale, mais celle dite Clairette du Languedoc dont la capitale est Adissan dans l’Hérault et le territoire, un chapelet de villages répartis sur onze communes entre Clermont-l’Hérault et Pézenas.

Introduite dans la région par les Phéniciens, entre le VIIe et le VIe siècle avant Jésus-Christ comme en atteste la découverte de pépins de Clairette dans un puits sur le site archéologique de Lattara (Lattes), son histoire était presque oubliée : son heure de gloire à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale ayant laissé la place à une production tournée exclusivement vers l’élaboration des vermouth de Noilly Prat. Car la vieille dame du Languedoc avait les défauts de ses qualités : une faible acidité ce qui la rendait intéressante pour un vermouth, une oxydation facile et un degré élevé (14°). « Ça a été trop facile, la facilité ne provoque pas d’efforts, nous avons vendu aux vermouthiers ce cépage comme base de leurs apéritifs, noyant ce faisant notre particularisme, explique Jean Renaud, directeur de la cave coopérative d’Adissan et de l’ODG Clairette du Languedoc. Mais l’appellation s’est réveillée en 1948 pour conserver cette tradition locale. »

La tradition du moelleux exhumée

En 1948, le décret d’appellation, en fixant les contours de cette AOC exclusivement produite à base de Clairette blanche, sanctuarisait en même temps quelques traditions villageoises presque effacées : car traditionnellement dans les villages d’Adissan, Aspiran, Cabrières, Paulhan, etc., on produisait aux côtés du blanc sec… du moelleux, du rancio et même une liqueur de vin. Ce legs patrimonial, la cave coopérative d’Adissan (107 apporteurs de raisins sur 620 hectares dont 110 de Clairette) s’en est emparé et a su le faire fructifier à travers Jean Renaud, petit-fils tout de même de l’inventeur du Listel ! « J’ai été embauché en 1991 avec pour mission de faire survivre la Clairette dont il ne se produisait plus que 20 hectolitres à la cave », retrace-t-il. En se penchant sur le décret d’appellation, ce dernier découvre bientôt que l’on peut aussi produire du moelleux, du rancio et du vin de liqueur. La voie est toute tracée mais le chemin sera long pour relancer ces productions. « Personne au village ne connaissait plus la façon d’élaborer le moelleux. Retraités, les anciens qui avaient en 1939 fait les dernières vendanges en plateau (en cuivre et en forme de lune pour épouser le cep de vigne, il servait autrefois à récupérer les raisins en surmaturité tombés de la grappe lors des vendanges, NDLR), nous ont réappris à produire cette Clairette. » La première année, la cave en produira à titre d’essais 4 cuves de 10 hectolitres et un peu plus chaque année, pour officialiser en 1998 la relance de cette production avec 300 hl commercialisés. Aujourd’hui avec 1400 hl produits à Adissan, le moelleux à base de Clairette rencontre un vrai succès auprès des jeunes. Cet engouement d’ailleurs fait caisse de résonnance, les trois autres caves coopératives de Carbières, Fontès et Puilacher et les trois caves particulières de l’appellation en produisant. Pour le rancio, même combat : Jean Renaud entreprend d’en sauver la tradition en initiant une première élaboration dans les années 2000, tandis que la cave coopérative de Cabrières s’attèle à défendre la liqueur de vin à base de Clairette.

La Clairette veut percer au niveau national

« Je m’étais fixé comme défi de sauver la Clairette, retrace Jean Renaud. Je l’ai sauvée, maintenant mon but c’est de la faire connaître en France. » Car les vins produits à base de ce cépage, encore trop confidentiels, n’arrivent pas à franchir les frontières régionales. Ainsi, snobée par le réseau CHR (cavistes, hôtels, restaurants), le grand retour de la Clairette du Languedoc dans les années 2000 s’est fait via la grande distribution régionale qui commercialise 80% de la production. « Ce sont des vins typiquement méridionaux avec peu d’acidité, peu explosifs au nez. Une Clairette se juge davantage par sa rondeur, sa finesse, sa complexité. Elle est dotée d’une petite amertume en bouche due à la pellicule de cette variété proche d’un cépage noir par la grande quantité des tanins, mais sans anthocyane donc sans couleur. », analyse le directeur.
Pour pallier à ce manque de notoriété, la cave d’Adissan commercialise depuis début juillet une nouvelle gamme d’AOP Clairette du Languedoc ciblant davantage les goûts internationaux : un blanc moelleux « Argile » et un sec « Calcaire », produits à 4000 bouteilles. La différence avec la gamme traditionnelle ? Un pressurage beaucoup plus rigoureux pour gagner en acidité (seuls les jus clairs les plus acides sont conservés) et une petite partie élevée en fûts pour apporter rondeur, gras et complexité en bouche. A 7 euros le moelleux, et 6 euros le sec, on aurait tort de se priver.

BONUS
Un été dans les vignes à la découverte de la Clairette du Languedoc

Pour les 70 ans de l’appellation Clairette du Languedoc, la cave coopérative d’Adissan organise tout l’été des animations œnotouristiques pour découvrir la Clairette : au programme, 1h30 de balade dans les vignes en compagnie de Noëlle Bardou, accompagnatrice oenotouristique. Lecture du paysage, découverte des terroirs et des quatre saisons de la vigne, explications sur la taille, exploration de la botanique. Puis retour au caveau, pour déguster les vins secs, moelleux et rancios de la cave d’Adissan (30 minutes).
En juillet, tous les jeudis de 9h à 11h
En août, tous les mercredis même heure.
Informations au caveau et sur le site www.lespepitesdenoelle.com
Ou sur la page facebook.com/pepites.noelle/