Accueil Dégustation [VINISUD] Corsica, quand cépage rime avec héritage

[VINISUD] Corsica, quand cépage rime avec héritage

Auteur

La
rédaction

Date

26.02.2014

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Dans le cadre de Vinisud, l’interprofession des vins de Corse a organisé hier, une dégustation des cépages autochtones corses, remis au goût du jour par de grands vignerons tels que Manu Venturi, Yves Leccia ou encore Yves Canarelli. Neuf cuvées présentées et commentées par Olivier Poussier, meilleur sommelier du monde en 2000.

Depuis plus de 2000 ans, la vigne pousse sur l’île de beauté. Aujourd’hui, en Corse, 6000 hectares de vignes produisent sur 9 appellations des blancs, rosés, rouges et doux (notamment les muscats du Cap Corse au nord de Bastia), avec un encépagement à la fois spécifique et très varié (on dénombre aujourd’hui près de 30 cépages différents. Les corses les plus connus : le vermentino pour les blancs, le niellucciu et le sciaccarellu pour les rouges. Mais la liste des cépages corses est longue : bianco gentile, genovese, riminese, barbarossa, aleatico… « Il faut que chacun comprenne la diversité variétale de la Corse et son intérêt. La viticulture ne tourne pas uniquement autour des 10 cépages les plus répandus tels que le chardonnay ou le merlot, c’est justement tout le contraire », introduit le meilleur sommelier du monde.

Tous les visages du bianco gentile

Abandonnés par manque de productivité ou par difficulté de reproduction, les vieux cépages de Corse ont pourtant des qualités organoleptiques très différentes, pas toujours reconnus par les appellations. C’est le cas du bianco gentile, pourtant « source d’une grande fraîcheur », selon le sommelier et qui décline différents profils aromatiques selon son emplacement géographique et sa vinification. Au domaine Poli, sur la plaine d’Aleria, « le bianco gentile s’exprime sur son expression variétale la plus simple », tandis qu’il se goûte plus opulent et riche sur la cuvée 1769 (millésime 2013), de Manu Venturi, à Ponte-Lecce, planté dans un vignoble plus montagneux, autour de 400 mètres d’altitude. « Ici, la vinification en inox et ciment est idéale pour une expression du bianco gentile, afin de le garder tendu et vif », exprime Olivier Poussier. Des notes d’acacia, de fleur blanche, légèrement miellées viennent chatouiller les sens, tandis qu’en bouche une structure très droite et une grande longueur impressionnent.

Dernier cas d’école, un bianco gentile sur les terres de Patrimonio, cette appellation qui domine la mer, au nord-est de l’île, au-dessus du golfe de Saint-Florent. Ici, nous voyageons chez Yves Leccia, avec la cuvée BG blanc 2012, sur des sols calcaires au sous-sol schisteux. e Ce bianco gentile est le plus riche des trois, avec des notes beurrées, une bouche très ample, dense et légèrement plus miellée que le précédent. Pourtant, aucune lourdeur, une arête acide précise, un très grand blanc qui le montrera sans doute encore plus dans le temps.

« Le bianco gentile est très adapté au climat méditerranéen, bien plus que le chardonnay, qui lui a contrario est accepté dans les cahiers des charges des appellations. Est-ce bien normal ? », s’interroge le meilleur sommelier du monde.

Les vins blancs, le grand potentiel de l’île

Puis c’est au tour des assemblages. D’abord le Chiesa Nera blanc 2011, du Clos Venturi, un assemblage de vermentino, bianco gentile et genovese. « Ici, l’assemblage est intéressant puisqu’on garde toute la puissance du climat en ayant aussi une belle fraîcheur et une tension. C’est gagné ! »

La cuvée Collection Blanc 2010 du Clos Colombu offre quant à elle un assemblage de vermentino, de riminese, de genovese, de brustianu, de cordivarta, de bianco gentile et de cualtacciu… Une ribambelle de saveurs inédites, entre puissance et retenue. « Les blancs ne représentent que 10 % de la production de vins corses, pourtant, je suis persuadé que c’est le plus grand potentiel de l’île ».

Quelques cépages rouges indigènes ont également été choisis pour cette masterclass, avec le Minustellu majoritaire du Scala Santa Rouge 2012 d’Orenga de Gaffory à Patrimonio, juteuse et « scintillante » et la cuvée collection 2010 Clos Culombu, un assemblage de niellucciu, de sciaccarellu, minustellu, carcaghjolu, murescone et aleaticu. Autant de noms encore inconnus, pour un assemblage hors du commun, des finesses de tanins très jolies et une finale longue et précise.

La révolution Canarelli

C’est au tour d’Yves Canarelli, grand vigneron du sud de l’île, travaillant en biodynamie depuis 2006, de présenter sa replantation de carcaghjolu, « le grand cépage d’autrefois de Figari » selon le vigneron. « Lorsque j’ai récupéré le vignoble de mon père en 1993, tout avait été replanté en cinsault, grenache, carignan, etc. sans aucun cépage corse. Je levurais mes vins et n’utilisais pas de cépage corse. Mais lorsqu’on voit que le Carcaghjolu est un cépage parfaitement adapté à ce terroir, avec un potentiel de degré alcoolique moins élevé, et une tension naturelle tout en ayant un caractère méditerranéen, je pense que ce cépage pourra être un atout majeur dans un assemblage de grand vin, dans les années à venir ».

Nouvelle preuve de la possibilité de travailler avec des cépages certes moins connus des consommateurs, mais aussi plus adaptés aux terroirs corses. « Défendre une diversité de cépages, c’est surtout défendre une différence de goûts, et ça me tient à cœur », conclut le meilleur sommelier du monde.
Tous ces cépages sont à découvrir jusqu’à ce soir sur le stand des vins corses de Vinisud, Hall B3 A, B82.

Laure Goy

Pour découvrir près d’une centaine de variétés de cépages en voie de disparition du monde entier, rendez-vous sur le stand Wine Mosaic : « préserver et promouvoir les cépages originaux de la Méditerranée », Hall A4 A12 ou sur www.winemosaic.org