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[Covid-19] En Alsace, du vin dans les paniers de provisions

Auteur

Isabelle
Bachelard

Date

29.04.2020

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Pour faire face au plat commercial induit par le Covid-19, un vigneron d’Alsace a décidé de rejoindre le réseau Locavor. Le vendredi 24 avril, les premiers clients sont venus à sa cave chercher le panier de victuailles qu’ils avaient commandé en circuit court. Vin compris.

Au domaine L’Achillée, Pierre et Jean Dietrich se sont levés encore plus tôt que d’habitude le vendredi 24 avril. Exceptionnellement, ce n’était pas pour travailler dans les vignes, mais pour être en place à la cave, au premier jour de leur Locavor. Certes les clients ne venaient récupérer leurs commandes qu’à partir de 16 h, mais il y avait du pain sur la planche auparavant. Il fallait d’abord recevoir les marchandises venues de 23 artisans locaux. Puis les répartir dans les 55 commandes des premiers clients inscrit au nouveau Locavor de Scherwiller (Bas-Rhin).

Circuit court

Le mot locavore a commencé comme adjectif pour qualifier une personne « qui ne consomme que des produits locaux/produits à une courte distance de son domicile ». En 2014, locavore a perdu son e final pour devenir un réseau, locavor.fr, une plateforme qui permet aux consommateurs locavores de se fournir en circuit court. Benoit Gervais, son fondateur, a commencé près de chez lui à Mâcon (Saône & Loire) et dirige aujourd’hui un réseau de 135 adresses réparties dans toute la France. Depuis le confinement, les demandes se multiplient et pas moins de 25 nouveaux Locavors sont en construction.

Pour Pierre Dietrich, qui opère avec son frère Jean le jeune domaine biodynamique L’Achillée, l’absence de vente depuis le début du confinement commençait à poser sérieusement problème. Il fallait trouver des débouchés et ils se trouvaient sans doute dans des réseaux alternatifs. L’idée de monter un Locavor, c’est à dire un lieu où les consommateurs de son village et des alentours pourraient s’approvisionner en produits de qualité locaux, lui est venue très vite. En moins de deux semaines, le projet était abouti.

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23 artisans locaux, dont 4 vignerons

Il a pris contact avec une trentaine d’artisans voisins qui ont tout de suite été séduits à l’idée de vendre leurs poissons, farines, fromages, mais aussi des savons, des bières et du gibier, spécialité du Grand Est. Pour rejoindre le réseaux Locavor, il faut aussi avoir un minimum de 100 personnes qui s’inscrivent comme futurs acheteurs, bien sûr. Pas de problème non plus il a en recueilli 350. Et pour le premier jour d’ouverture, 55 commandes étaient passées. L’objectif de faire venir du monde à la cave est atteint, mais la vente de vin se fera plus doucement. « C’est beaucoup de travail et d’énergie, mais j’ai pris plaisir dans ce stress. On a fait 5 erreurs dans les paniers, mais les gens étaient sympas, ils ont dit qu’il reviendraient le lendemain chercher ce qui manquait » déclare Pierre, « Scherwiller n’est pas une grande ville et il y a au moins un tiers des gens qui sont venus que je ne connaissais pas ».

Les vins de 4 domaines disponibles en un même lieu

L’originalité du projet est d’avoir associé d’autres producteurs de vins du village de Scherwiller. Pas de concurrence dangereuse pour les Dietrich, puisque chaque vin de chaque terroir et de chaque vigneron est différent. De leur gamme ils ont choisi de mettre en avant une cuvée du terroir de leur commune Scherwiller, deux rouges, un pinot noir « Libre » et un plus léger nommé « Questches alors » du nouveau millésime 2019, à côté de leur confiture de cerise. Le domaine Jean-Paul Schmitt, biodynamiste certifié Demeter depuis 2015 est présent avec 5 cuvées bien différenciées, dont un riesling réserve 2014 et un auxerrois 2016 du lieu-dit local Rittersberg. La Grange de l’Oncle Charles est un domaine récent créé en 2014 à Ostheim, qui s’est fait connaître par ses vins d’obédience nature, habituellement exportés à plus de la moitié. Il propose aussi 5 cuvées, toutes faites à partir d’assemblages de cépages. Quant à Frey-Sohler, voisin de Scherwiller qui n’a pas encore l’ancienneté dans le bio, il propose ses deux premières cuvées certifiées, un pinot noir et un pinot gris.

« Les commandes affluent pour la 2è semaine, le 1er mai et le nombre de fournisseurs est passé à plus de trente » se réjouit Pierre Dietrich avant de conclure : « On fait un produit qui permet de s’émanciper de son quotidien, on offre à travers nos vins un voyage. Dans le genre de période qu’on traverse, ce rôle est encore plus important, même sans vendre une bouteille ».