Domaine de Cantemerle : les voyants sont au vert

Christophe et Laurent Mabille ont fait de la protection de l’environnement une marque de fabrique du Domaine de Cantemerle. Sans oublier d’élaborer du bon vin.

Ici, point de château en pierres rutilantes, de fontaine Renaissance, d’antiquités coûteuses. Le Domaine de Cantemerle (à ne pas confondre avec le château Cantemerle dans le Médoc) réconcilie viticulture et agriculture. Il ne dissimule pas ce qu’elle est vraiment : le travail de la terre. Cette grande bâtisse est une maison ordinaire à laquelle on a ajouté un vaste hangar. Les tracteurs y laissent de longues traces de boue. L’ensemble est dans son jus, encore en travaux par endroits. Car là n’est pas l’essentiel.

Au Domaine de Cantemerle, l’œnotourisme n’est pas celui des Chinois en quête d’un décor chic à la française. Dans cette plaisante vallée proche de la Garonne, sur la petite commune tranquille de Saint-Gervais, à deux pas de Saint-André de-Cubzac, on vient d’abord admirer l’avant-garde écologique du vignoble, la Rolls de l’environnement, le nec plus ultra des techniques écologiques. Laurent et Christophe Mabille, les deux frères, ont saisi dès l’acquisition du domaine, en 1998, l’intérêt de ces méthodes.

« Pourquoi passer du désherbant partout et laisser un paysage lunaire sous les vignes ? » interroge l’un d’eux. Bonne question. Pourquoi appauvrir la terre, polluer les sols, si l’on peut faire autrement. Laisser pousser de l’herbe, tout simplement, limiter le désherbant à l’essentiel. Pourquoi ne pas laisser voler le papillon cigarier qui roule les feuilles de vigne aussi bien qu’une belle Cubaine ? « Qu’il y en ait cinq ou six n’est pas un problème. Et s’ils se multiplient trop, alors on peut essayer d’élaborer une stratégie… »

Une stratégie respectueuse de l’environnement.

Depuis plus de dix ans, les frères Mabille accumulent les prouesses écologiques, la chasse aux consommations inutiles, limitation des polluants, application de cahiers des charges pour obtenir des certifications prestigieuses. Leur palmarès est éloquent. L’exploitation a décroché la qualification agriculture raisonnée en 2005, la certification Terra Vitis en 2008, puis Haute valeur environnementale à son niveau le plus haut l’année dernière. Quant au sommet de la certification, Iso 14001, elle devrait être effective cet été. Sans oublier le Best of Wine Tourism dans la catégorie « environnement » puisque ces installations se visitent.

Le clou du spectacle sur ces terres situées sur le 45e parallèle tient d’ailleurs en trois petits bassins : une station de traitement des effluents. Une propriété de 40 hectares comme Cantemerle rejette l’équivalent des effluents de 600 habitants. Les boues vineuses sont réceptionnées dans ces bassins, traitées et filtrées grâce à des roseaux. Il en ressort une eau presque potable, tout à fait acceptable en tous les cas pour être rejetée dans le fossé. Les frères pensent déjà à la réutiliser.

On en oublierait presque que ce sont des professionnels du vin qui ont travaillé dans de prestigieux châteaux. Tous ces efforts n’ont en fait qu’un but : faire du bon vin. Dans l’appellation Bordeaux supérieur, leurs différentes productions ont souvent été saluées par la critique. Des bouteilles de qualité dont les prix varient de 4 à 8 euros. Il y a enfin leur petite cuvée de niche, leur vin de garage, le remarquable Esprit de Canté, que l’on déguste dans une salle de réception au milieu des barriques.

Bruno Béziat (source)

Domaine de Cantemerle, Saint-Gervais (33), 05 57 43 11 39.