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Grand Cercle des vins de Bordeaux : “Discordance entre qualité et difficultés commerciales”

Alain Raynaud, Président du Grand Cercle des vins de Bordeaux.

Auteur

Thomas
Galichon

Date

21.06.2023

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Acteur majeur de la place de Bordeaux, Alain Raynaud a créé le Grand Cercle des Vins de Bordeaux il y a maintenant vingt ans. Rassemblant désormais 135 châteaux des deux rives du vignoble girondin, il revient à l'occasion de cet anniversaire sur l’histoire de l'association et sur l’actualité des vins de Bordeaux.

Pourriez-vous revenir sur les circonstances qui vous ont poussé à créer le Grand Cercle des vins de Bordeaux ?
A la suite de ma présidence de l'Union des Grands Crus (1994-2000) j'avais trouvé dommage qu’on ne puisse pas intégrer des propriétés autres que Pomerol et Saint-Émilion pour la rive droite. Partant de cette idée, j’ai eu la volonté de créer une association - fonctionnant sur les mêmes modalités que l'Union - autour de l’ensemble des propriétés de ce bord-ci de la Dordogne. Le Cercle Rive Droite était né.

Suite aux résultats plus qu'encourageants de cette première initiative, des amis propriétaires sur la rive gauche m'ont sollicité pour implanter une association jumelle de leur côté du fleuve. Très rapidement il est apparu évident qu'il fallait rassembler ces deux entités pour n'en faire qu'une : le Grand Cercle des vins de Bordeaux.

Quel est le rôle joué par le Grand Cercle au sein de la filière viticole bordelaise ?
Il s'agit essentiellement d'un rôle de promotion pour les 135 propriétés adhérentes. Il existe également une commission juridique et fiscale mais également technique. Ces organes disposent d'un rôle de conseil à l'égard des propriétés si ces dernières le sollicitent. Ces lieux d'échange permettent également la mise en commun de problématiques partagées par les différents membres, permettant un effet mobilisateur et rassurant.

Comment différenciez-vous votre action de celle des différents syndicats, groupements et associations - notamment l’UGCB - qui jalonnent la viticulture bordelaise?
Il est très clair que mon expérience à la tête de l’UGCB m'a servi dans la construction du Grand Cercle des vins de Bordeaux, notamment sur la dimension promotionnelle. La seule différence est que, hormis l'obligation d’une dégustation d’admission, je n'ai pas d'interdit en ce qui concerne les appellations susceptibles d'intégrer notre entité.

Quels ont été les critères d’admission au GC pour les propriétés concernées ?
Nous avons deux sessions par an au cours desquelles nous étudions les différentes candidatures que nous avons reçues. Il s'agit d'une analyse détaillée du profil de la propriété, suivie d'une dégustation à l'aveugle de trois millésimes consécutifs. Au cours de cet exercice, l'ensemble des vins émanant des candidats sont représentés aux côtés de cuvées issues de propriétés ayant déjà intégré l’association. Ce détail n’en est pas un puisqu’il nous permet d'étalonner le niveau global des vins et de donner de la cohérence à la démarche. Lorsque cette étape est franchie, le cru est proposé à l'approbation du conseil d'administration.

En ce qui concerne les frais de cotisation, il y a un montant fixe et un variable en fonction de la surface afin que les petites propriétés ne soient pas pénalisées. On peut estimer qu’à partir de trois mille euros, on peut adhérer à l’association.

Vous êtes un acteur majeur de la Place, comment jugez-vous l’état actuel des vins de Bordeaux ?
Je suis très malheureux parce qu’il y a une discordance totale entre la certitude que la qualité des vins que nous produisons s’est améliorée et les difficultés que nous avons engendrées d'un point de vue commercial.  Je ne reviendrai pas sur le Bordeaux bashing mais son effet est malheureusement bien réel. Nous faisons face à une diminution de plus de 30 % en vingt ans de la consommation des vins de Bordeaux en France. Cela entraîne des problématiques économiques et des choix stratégiques qui ne sont pas forcément les plus judicieux, visant la diminution des volumes produits. Pourtant, je me répète, mais si l'on prend l'exemple du millésime 2022, je dois dire que la qualité atteint des sommets que j’ai rarement connu…

Il existe une dichotomie à Bordeaux entre les Grands Crus et l’ensemble des autres propriétés concernées principalement par ces problématiques. Quelles sont les solutions qui se présentent à cette partie du vignoble en difficulté ?
S'il y avait une solution qui me soit évidente, je crois que tout le monde la suivrait… Malheureusement les raisons qui ont mené à cette situation sont multifactorielles. La Place de Bordeaux est extrêmement active, brillante, elle véhicule la diffusion internationale des grandes étiquettes de Bordeaux et jouit d’une excellente santé économique, ce dont je suis ravi. Pour autant, l'intérêt répété de ces mêmes acteurs pour les vins étrangers pose question. Cette nouvelle concurrence impacte directement les propriétés citées précédemment. Pour pallier ce manque, il faut prendre son bâton de maréchal et proposer, voyager, rencontrer, séduire, mettre en place une stratégie qui nécessite force de moyens, ce qui n'est pas forcément à la portée de chacun.

Pourriez-vous revenir sur quelques moments marquants de ces vingt années d’existence et vous projeter sur l’avenir du Grand Cercle ?
Chaque présentation du nouveau millésime est un moment marquant. Les premières années, bénéficiant d’un engouement fort pour les Primeurs, cela était organisé au Grand Barrail, sous un chapiteau. Nous terminions immanquablement par une fête, chapeautée par l'un de nos amis qui avait une boîte de nuit à Bordeaux, c'était très festif. Cela peut paraître léger, inattendu, mais ce sont des moments importants…

Pour la suite, si je ne suis pas désespérément à la recherche d'un successeur, je regarde attentivement toute personne qui pourrait prendre la suite et me relayer (rires). Nous allons essayer d'organiser davantage de rencontres avec les cavistes et restaurateurs de notre pays, à l’image de ce que nous avions fait à Toulouse l’an dernier. C'est bien beau de faire énormément d'efforts à l'étranger, et nous allons continuer à les faire, mais je pense que nous ne sommes pas assez présents en France.