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Jeppe Hein et Ruinart : de l’Art à l’art de vivre…

Auteur

Yves
Tesson

Date

31.03.2022

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La beauté naît de la surprise. L’exposition « Récit de champagne » issue de la rencontre entre l’artiste Jeppe Hein et la Maison Ruinart qui se tiendra de vendredi à dimanche au Palais de Tokyo n’en manque pas. Terre de vins qui l’a découverte en avant-première vous raconte.

On imagine les artistes comme des êtres torturés dont la souffrance est la condition même de l’inspiration, une force où ils puisent leur créativité. Jeppe Hein est tout le contraire, lui qui pour se présenter commence par vous dire qu’il est un être composé à 80 % d’eau et à 20 % de chocolat. Peut-être aussi, on l’espère désormais, de quelques centilitres de Ruinart… En effet, comme chaque année, la Maison a donné carte blanche à un artiste pour s’inspirer de son univers. Le choix est tombé sur ce Danois installé à Berlin, connu notamment pour ses œuvres interactives. Parmi les plus amusantes, les « Rainbow modified social benches », des bancs publics déformés, qui prennent l’allure de toboggans ou le profil d’un transat, d’une lettre…

Au Palais de Tokyo, dans l’exposition née de cette rencontre et ouverte gratuitement au public du vendredi 1er avril au dimanche 3 avril (réservation sur www.ruinart.com ), vous découvrirez d’étranges trous noirs (symbolisant les caves) à l’intérieur desquels vous vous risquerez à tendre la main pour recevoir - oh surprise ! - un morceau de craie tiré des crayères de la Maison. Ainsi équipé, vous tenterez d’exprimer votre émotion du moment en l’inscrivant à l’intérieur de l’une de ces centaines de bulles qui ornent les murs de la galerie. Vous recevrez aussi un grain de raisin que vous apprendrez à déguster, lentement, pour en éprouver la texture et toutes les saveurs successives. Enfin, quelques gouttes de parfum, évoquant les agrumes du chardonnay, vous transporteront au milieu des coteaux champenois… Le lieu se veut ainsi un moment de reconnexion avec soi-même, ses sensations, ses émotions. Dans une société toujours en mouvement qui nous projette sans cesse vers le futur, tous ces dispositifs sont autant d’incitations à épouser pour une fois le présent : « Right here, right now ». Le chef de caves Frédéric Panaïotis, souligne d’ailleurs que c’est là la meilleure préparation pour aborder le champagne. Davantage que de compétences, l’analyse des saveurs nécessite un certain état d’esprit, une forme de disponibilité : « Si vous dégustez par exemple un vin debout, vous n’aurez pas du tout la même perception que si vous êtes assis, posé, où vous serez beaucoup plus ouvert et attentif à toutes les sensations ».

L’objectif de l’artiste n’est donc pas tant de créer une œuvre, que de mettre en lumière, de nous ouvrir les yeux sur tout ce qui nous environne. D’où l’utilisation fréquente chez lui des miroirs « Cela m’amuse toujours quand je place un miroir dans la nature et que les gens s’extasient sur ce qu’il reflète, pourtant ce qu’il reflète était déjà là. Simplement les passants ne le voyaient pas ».

Food for art (proposé au restaurant Ursus en décembre prochain)

Cette année, pour la première fois, la Maison Ruinart a réussi à pousser la collaboration de l’artiste jusque dans le champ de la gastronomie à travers l’expérience « Food for art ». Cinq chefs des quatre coins du monde ont créé avec Jeppe Hein un dîner au cours duquel les convives participent à la composition en jouant avec la nourriture (pour une fois, c’est autorisé !). Parmi les couverts figurent en effet à côté des fourchettes, des pinceaux ! Les hôtes les utiliseront pour étaler des tubes contenant des pâtes différentes et colorées qui agrémenteront les asperges, l’assiette blanche faisant office de palette. A l’aide d’un marteau, ils briseront également des meringues géantes pour y trouver des messages cachés, à méditer, enroulés dans des morceaux de papier. Une référence à l’invitation de Nietzche à philosopher à coups de marteau ? On notera enfin la création commune de l’artiste et de la Maison autour du Jéroboam Ruinart rosé. Jeppe Hein a imaginé un coffret en bois poncé à la craie renfermant une bouteille portant en guise d’étiquette des bulles vides, comme pour nous signifier que ce n’est pas à la Maison de nous dire ce que renferme le flacon, ce que nous devons ressentir, mais à nous, là-encore, d’y inscrire nos propres émotions (édité en 25 exemplaires signés, 3500€).