Accueil Philippe Peulson (Patriarche) : Bourguignon un jour, Bourguignon toujours!

Philippe Peulson (Patriarche) : Bourguignon un jour, Bourguignon toujours!

Auteur

La
rédaction

Date

25.11.2009

Partager

Philippe Peulson est le directeur général du Groupe Patriarche. Ce Beaunois pure souche a fait toute sa carrière au sein de l’entreprise, en gravissant successivement les échelons. Aux côtés de Jacques Boisseaux, qui a succédé à son père André en 1996, il anime un groupe qui affirme haut et fort son ancrage bourguignon, tout en se développant au-delà de son fief, au travers des effervescents (Kriter, Veuve du Vernay…). Et qui, dès les années 1960 a pris le virage du marketing et de la Grande Distribution. C’est dire qu’on s’attend à parler de marges, de puissance d’achat. Mais on se retrouve à évoquer les valeurs familiales, le terroir… et les bonnes bouteilles.

Terre de Vins :
Quand on dirige une entreprise vieille de 230 ans, qui plus est dans une région au patrimoine aussi riche que la Bourgogne, comment fait-on la part de la tradition et de l’initiative, de la prise de risque?
Philippe Peulson :Quand on est une entreprise de famille, on n’investit pas à tout va, parce que c’est son propre patrimoine qu’on gère. Mais qui dit sagesse ne veut pas dire sclérose. Le meilleur exemple, c’est notre rachat de Sorevi, en 2004, qui nous a propulsé au deuxième rang des producteurs français d’effervescents. C’était un risque, mais calculé. Nous pouvons à présent proposer une offre complète d’effervescents de France, du premier prix au produit de marque comme Kriter, Veuve du Vernay, sans oublier nos Crémant de Bourgogne, Léonce Bocquet et Patriarche. Nous couvrons ainsi, hors Champagne, toutes les strates de consommation.Terre de Vins : Votre ancrage et votre cœur sont donc toujours bourguignons ?
Philippe Peulson : Nous sommes un groupe un peu atypique, avec un savoir-faire aux multiples facettes; nous possédons deux domaines bourguignons qui totalisent plus de 100 ha, à savoir le Château de Meursault et le Château de Marsannay, ce qui nous classe parmi les plus grands propriétaires de vignoble en Bourgogne; parallèlement, nous avons une grosse activité de négoce, qui repose sur la marque Patriarche mais aussi sur d’autres. Le trait de génie d’André Boisseaux, dans les années 50, a été de donner à Patriarche les couleurs de grandes marques, Patriarche, mais aussi Cramoisay et Champelure; c’était un marketteur avant la lettre, avant qu’on ne parle de marketing en France. Il avait perçu la pertinence et la puissance des marques.
Mais pour répondre à votre question, oui, notre ancrage est bel et bien bourguignon. Par nos domaines, par nos gammes de négoce, mais aussi par nos activités d’oenotourisme. Savez-vous que les Caves Patriarche, au centre de Beaune, sont le deuxième site le plus visité de la ville (65.000 visiteurs/an) ? Le Château de Meursault est également ouvert au public. Et puis, nous exploitons l’Athenaeum, situé face aux Hospices de Beaune, qui est un espace pluriculturel de 1 200 m2 dédié au vin et à la gastronomie.
Site unique, c’est une des plus grandes librairies de Bourgogne et la référence absolue pour tous les amateurs de vins.

Terre de Vins : Vous étiez aussi au premier rang des acheteurs aux dernières ventes des Hospices de Beaune, la semaine dernière…
Philippe Peulson : Oui, nous avons acheté plusieurs lots dont un lot complet d’un de nos vins fétiches, la Cuvée Guigone de Salins, un Beaune que nous suivons régulièrement. Patriarche élève et met en marché plusieurs vins des Hospices. C’est un autre témoignage de notre ancrage bourguignon.
Ndlr: Guigone de Salins était la femme de Nicolas Rolin, le chancelier du Duc de Bourgogne qui a créé les Hospices de Beaune en 1457. AU fil du temps et des donations, cette fondation s’est retrouvé propriétaire d’une soixantaine d’hectares en Bourgogne, dont la production est mise en vente chaque année lors d’enchères au profit de l’hôpital de Beaune ou d’oeuvres de charité.

Terre de Vins : Si vous n’étiez pas Bourguignon, dans quelle région du monde vineux auriez-vous aimé travailler ?
Philippe Peulson : A titre personnel, je dirais l’Alsace, une région chère à mon coeur à la fois par ses crus et sa gastronomie; mais aussi les Côtes du Rhône. J’aime ses vins plein d’expression, de puissance, de sève.

Terre de Vins : Vous intéressez-vous à l’achat de vignes ou de sociétés ailleurs qu’en Bourgogne et ailleurs qu’en France ?
Philippe Peulson : Non. Les pays du nouveau monde ont fait un très beau travail, mais l’Europe a pour elle son histoire, ses spécificités. Pour nous, c’est en Bourgogne que se situe notre histoire de société familiale. Notre vocation, de par notre implantation historique nous conduisent à valoriser notre propre patrimoine régional. Pour bon nombre de ces nouveaux pays du vin, la Bourgogne reste une référence, un point de mire. Le suivi ne doit pas devenir le suiveur.

Terre de Vins :
Que pensez vous de l’évolution intervenue au plan œnologique et au plan des goûts des consommateurs, ces 20 dernières années? Ces évolutions vous semblent-elles globalement positives ?
Philippe Peulson : Oui, globalement, parce que la production est plus axée sur le goût du consommateur. Ce n’est pas seulement une question de technique, cela correspond à l’arrivé e aux commandes d’une nouvelle génération de vignerons, mieux formés; beaucoup ont fait les écoles de viticulture et d’oenologie, ce que leurs parents n’avaient pas fait. Ils ont de meilleures bases, mais ils sont aussi plus ouverts. D’ailleurs, c’est toute la Bourgogne qui s’est ouverte sur le monde.
Aujourd’hui l’entrée dans l’univers du vin se fait pour les jeunes générations se fait par la bulle. Ces vins leur paraissent plus accessibles car ils sont habitués à ce type de produits, les sodas. Dès lors qu’ils quittent l’univers des sodas pour consommer du vin, ce sont des effervescents

Terre de Vins : Comment voyez-vous l’avenir de la Bourgogne?
Philippe Peulson : C’est la plus belle région viticole du monde; travailler avec une palette de deux cépages, et parvenir à exprimer la nature, les crus, la géologie, c’est tellement exaltant. Obtenir des expressions totalement différentes sur quelques km, entre la Côte de Nuits et la Côte de Beaune, et même à l’intérieur de chaque Côte, il y a là quelque chose de magique, quelque chose qui me surprend toujours et me ravit en même temps.

Terre de Vins : Mais c’est il y a aussi un côté hermétique, la Bourgogne ne peut-elle être comprise que par des initiés?
Philippe Peulson : Compte tenu des volumes de production, qui sont limités, et globalement, et pour chaque appellation plus encore les Bourgognes ne seront certainement jamais des vins de consommation de très grande masse; je pense que c’est d’abord une région pour connaisseurs; il faut donc communiquer, éduquer les consommateurs, transmettre notre héritage, donner envie aux gens de s’intéresser à notre vignoble et à ses particularismes. La communication fera la différence. On dit toujours que la vérité est dans le verre. Oui, mais sans point de repère, comment comprendre les différences?
L’accessibilité la plus simple consiste à présenter et valoriser les 2 cépages Pinot Noir et Chardonnay tels que nous le faisons avec le Clos du Château (Château de Meursault) ou la marque de bourgogne Couvent des Visitandines. C’est l’entrée vers les autres vins de Bourgogne, plus prestigieux.

Terre de Vins : Quel est le vin qui vous semble le plus représentatif de l’esprit Patriarche, d’année en année ?
Philippe Peulson : Notre Chambolle-Musigny Patriarche. D’année en année, il séduit pare son expression fine, tout en dentelles; son côté très Côte de Nuits. C’est un produit de négoce, mais en définitive, c’est d’abord un produit de propriétaire, car nous entretenons des relations étroites avec nos viticulteurs. Le mot négoce a souvent une connotation industrielle, mais dans notre cas, il garde une dimension humaine. Nous sommes négociants éleveurs, et en Bourgogne, cela signifie un vrai rapport avec le terroir.

Terre de Vins : Et le millésime qui vous a le plus marqué?
Philippe Peulson : Sans aucun doute, 1959. Parce qu’il est vraiment grand, intrinsèquement. Mais aussi, pour des raisons plus liées à l’histoire de Patriarche parce que c’est celui qu’André Boisseaux à choisi de transmettre aux générations futures, en mettant en place le fameux Caveau de l’An 2000. Aujourd’hui, ces vins sont la plus belle des machines à remonter le temps, et ils nous montent à quel point les grands Bourgognes ont un grand potentiel de vieillissement.