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Renaissance du vignoble de Chanaz en Savoie

Y. Husson et F. Danjoy Chanaz ©F. Hermine

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

23.02.2024

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Les vins à base de mondeuses et roussettes replantées il y a quatre ans à Chanaz, petit village de Savoie, et vinifiées par la cave du Vigneron Savoyard, seront commercialisés cet été. 

À Chanaz (ne prononcez pas le z), un village sur les hauteurs du lac du Bourget surnommé « la petite Venise savoyarde », Yves Husson, maire depuis 1977, s’est attaché à faire renaître le vignoble. Après quelques années à batailler avec l’Inao pour obtenir le classement de terres agricoles en AOC Savoie puis Roussette de Savoie, ce n’est qu’au début du siècle qu’il lance les travaux de viabilisation titanesques de terres en friche, subventionnés à 80 % par le Conseil Général. Restait alors à trouver des droits de plantation et un viticulteur pour s’en occuper. Patrick Masson, adhérent de la coopérative voisine de Chautagne, replante d’abord 1,2 hectare, avec l’aide de la mairie qui avance les fonds, « ne serait-ce que pour avoir Chanaz sur l’étiquette » avoue le maire avec humour. Le vigneron va d’abord y élaborer une cuvée spéciale La Mondeuse de l’Orgeval, du nom du lieu-dit, mais faute de volumes, le projet végète. « Nous avions essayé de trouver d’autres viticulteurs à la Cave de Chautagne mais ça n’est pas tout près. Nous sommes en moyenne à 25 minutes en tracteur et pour au final 2 hectares, ça n’est pas rentable », regrette Yves Husson. 

Le financement participatif à la rescousse
Le viticulteur en difficulté délaisse peu à peu ses vignes et la cave coopérative Le Vigneron Savoyard (regroupant depuis 2016 les caves de Chautagne et Apremont) prend son courage à deux mains pour replanter la surface restante à partir de 2020 grâce à un programme de financement participatif. Les trois hectares sont replantés en roussettes et mondeuses, vinifiées réellement en 2023 ; elles entrent dans la gamme du domaine des Cordulies. Ce vignoble a été créé à partir du programme de crowdfunding (500 000 € récoltés auprès de 400 souscripteurs) initié par Fabien Danjoy, le directeur œnologue de la cave et de la Scic, porteuse du projet. Les raisins de Chanaz sont vinifiés à part à la cave ; les deux cuvées, l’une en roussette, l’autre en mondeuse, seront vendues au caveau et chez les commerçants chanaziens. « L’idéal serait d’installer un jeune vigneron sur ce très beau terroir avec vue sur le Grand Colombier mais les coûts de production sont élevés et le terrain nécessite de lourds travaux de terrassement, une replantation dans le sens de la pente, le broyage des cailloux calcaires (on a planté près de 2 000 pieds en un jour et demi) et l’aménagement de grandes tournières au bout des rangs car le terrain est très pentu à 40 %, détaille Fabien Danjoy. La parcelle n’est pas mécanisable, le travail du sol doit être fait à la main. Et on a voulu tout convertir en bio, un sacré pari quand on est au milieu des bois avec une forte concurrence des oiseaux, des blaireaux et des sangliers. On étudie encore l’installation de filets anti-grêle subventionnés à 70 % qui protégeraient toute la parcelle, mais l’humidité générée par le rapprochement des raisins n’est pas souhaitable en bio alors on hésite. »

©F. Hermine

Mondeuse et roussette bientôt en bouteilles
Les mondeuses en haut et les roussettes en bas ont été replantées il y a quatre ans, mais le vignoble a été ravagé par le gel en 2021, par les sangliers en 2022 et 2023, de quoi produire à peine quelques milliers de litres. Fabien Danjoy reconnaît volontiers « qu’avec un tel rendement, ça ne serait pas viable économiquement sur le long terme même si une partie de la parcelle appartient à la commune, l’autre partie encore à des propriétaires privés qui ne demandent pas de prix de location et sont rémunérés en réductions de prix des bouteilles ». La coopérative devrait reprendre la main sur tout le vignoble chanazien après un audit des vignes de Pierre Masson ; reste à trouver par ailleurs un accord avec les chasseurs pour des clôtures électriques et concernant les indemnisations des dégâts. À terme, le vignoble bénéficierait d’un potentiel de 4 à 5 000 bouteilles par référence.

Les premières dégustations des mondeuses en cuves et des roussettes en fûts, la récolte 2023 ayant été un peu plus généreuse, auront lieu l’été prochain lors d’un événement local.