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Dans le secret de La Conseillante

Auteur

La
rédaction

Date

09.10.2012

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Le 22 novembre, le Château La Conseillante, propriété de 12 hectares à Pomerol, inaugurera officiellement son nouveau chai. En avant-première, son directeur Jean-Michel Laporte nous fait découvrir ces installations flambant neuves, dans lesquelles prend naissance le millésime 2012.

C’est un peu le destin de toutes les belles endormies : attendre qu’un prince charmant se penche sur leur sommeil pour leur rendre leur vitalité. Jean-Michel Laporte est certainement trop modeste pour s’imaginer dans le costume d’un prince charmant. Mais à 36 ans seulement, ce Toulousain émigré en terre libournaise joue incontestablement un rôle majeur dans le renouveau du Château La Conseillante, dont il a pris les rênes en 2004. Il raconte : « La Conseillante est dans le giron des héritiers Nicolas depuis 1871. Jusqu’à la fin des années 1990, tout était géré en famille. Puis au début des années 2000, les propriétaires ont souhaité confier la conduite technique du vignoble à une personnalité de l’extérieur, qui vienne « incarner » la propriété, et surtout apporter davantage de constance : jusque-là, dans les grands millésimes, les vins de La Conseillante était grands, mais ils étaient plus en retrait dans les années difficiles. Il fallait apporter plus de régularité, plus de précision ».

Mesure pour mesure

Cette évolution, c’est par petites touches que Jean-Michel Laporte, l’a mise en œuvre depuis huit ans : « un grand nom comme La Conseillante, on ne le révolutionne pas, on le fait progresser sur les détails, précise-t-il. Nous avons la chance d’avoir ici un terroir exceptionnel, qu’il faut s’appliquer à sublimer. C’est l’objectif de ce nouveau chai : l’ancien, qui datait de 1971, avait neuf cuves inox. Le nouveau a vingt-deux cuves béton fabriquées en Italie, que nous avons privilégiées pour leurs remarquables qualités d’inertie mais aussi leur esthétique. Dix-huit de ces cuves ont été spécifiquement dimensionnées (de 35 à 70 hl) par rapport à la taille de nos quinze parcelles. Ce qui nous permet même de faire du travail intra-parcellaire sur trois d’entre elles et donc des vinifications sur-mesure (macérations à froid, remontage, pigeage…) et des assemblages toujours plus précis. »
A contre-courant des surenchères architecturales que l’on peut admirer dans le vignoble bordelais depuis quelques années, ce chai flambant neuf – qui sera officiellement inauguré le 22 novembre – se veut avant tout sobre et fonctionnel, à la mesure des besoins du domaine. Il a été bâti en lieu et place de l’ancien, rasé il y a un an, et occupe la même surface au sol – mais autrement mieux exploitée, d’ailleurs la configuration ovale des installations se prête aussi à l’amélioration du réceptif à la propriété. L’acquisition récente d’un égrappoir et d’une table de tri vibrante, associés à une colonne de refroidissement, constituent les autres innovations techniques de l’outil de vinification.

Cette « transformation dans la continuité » serait-elle la marque de fabrique de Jean-Michel Laporte à la tête de La Conseillante ? Arrivé à l’âge de 28 ans (« une fabuleuse opportunité et un défi passionnant ») après s’être notamment illustré en Pessac-Léognan et dans l’Entre-deux-mers pour le groupe CVBG, le technicien s’est d’abord employé à changer les dates et l’ordre des récoltes, à modifier les équipes de vendangeurs pour être plus souple et réactif, à privilégier des barriques de chauffe moyenne-longue pour moins de tanins en conservant l’influence aromatique, à réduire la part de bois neuf dans l’élevage, à replanter 9% du vignoble… Avec toujours dans l’idée d’exprimer au mieux le potentiel du terroir. « Pomerol est une petite appellation qui abrite beaucoup de très grands vins, s’enthousiasme-t-il, et cela tient d’abord à de fantastiques terroirs. Celui de La Conseillante, proche de Cheval Blanc, est particulièrement remarquable, à 60% sur des argiles noires et crasse de fer, à 40% sur des graves et crasse de fer – du côté Saint-Emilion. Cette combinaison donne aux vins à la fois beaucoup de rondeur, du soyeux, de la puissance, mais aussi de l’équilibre et de la minéralité. La finesse, l’élégance et le fruit passent en priorité sur la concentration, ce qui correspond à mon goût mais aussi au style de La Conseillante ».

2012, cet inconnu…

Planté à 80% en merlot et à 20% en cabernet franc (moyenne d’âge des vignes : 32 ans), le Château La Conseillante produit en moyenne 45 000 bouteilles par an… auxquelles il faut ajouter environ 5000 bouteilles de second vin. Ce « Duo de Conseillante » est une autre innovation apportée par Jean-Michel Laporte depuis 2007, qui permet de se montrer encore plus sélectif sur le premier vin. Adepte de l’école Jean-Claude Berrouet (il a fait ses classes chez Moueix), Jean-Michel fait tout partir du terroir, et de la qualité des raisins. A cet égard, il concède comme beaucoup que ce millésime 2012 est pour le moins délicat : « j’ai connu plus dur, en 2007 et 2008 par exemple, mais cette année la pression mildiou a été très forte. Heureusement nous avons eu quelques fenêtres de tir, des successions de deux ou trois jours secs, pour pouvoir traiter de façon très ciblée. Le printemps humide, le froid de mai et juin, la sécheresse estivale, ont entraîné beaucoup d’hétérogénéité à la floraison, à la véraison, dans les maturités. Il a fallu vendanger par à-coups : le 18 septembre, le 24, puis du 27 au 29, nous avons fini les merlots le 1er octobre, commencé les cabernets francs le 5. Nous devrions finir ce soir (mardi), comme l’Evangile et Petrus. Malgré ces aléas, les rendements sont bons (environ 42 hl/ha), et la qualité des moûts est très bonne, ça goûte très bien, avec de beaux équilibres. Cela peut faire un très bon millésime ».

Peut-être pas du niveau de 2006 et surtout 2010, deux millésimes que Jean-Michel Laporte affectionne particulièrement, mais suffisamment bon pour continuer de séduire la clientèle internationale – en premier lieu anglaise – qui reste fidèle au Château La Conseillante depuis de longues années. Sur ce domaine où les révolutions se font en douceur, la tradition a toujours du bon…

Mathieu Doumenge