Accueil Gaillac : VertuVin fait ses vendanges sociales et solidaires

Gaillac : VertuVin fait ses vendanges sociales et solidaires

Steven, Gilles, Jean-Luc, Jean-André et Julien, faisant partie des 14 travailleurs en situation de handicap accueillis au domaine René Rieux à Gaillac (photo Laure Goy)

Auteur

Laure
Goy

Date

19.09.2018

Partager

Vendanger des raisins sains, promouvoir une économie sociale et solidaire, se regrouper pour mieux se faire connaître auprès des restaurateurs et des consommateurs, passer des messages et accompagner au quotidien le handicap au travail, tels sont les objectifs que se sont fixés les domaines adhérents au Club européen VertuVin, qui, à l’occasion d’une journée de vendanges et de dégustations, se sont réunis le 17 septembre dernier au domaine René Rieux à Gaillac.

L’équipe des vendangeurs du domaine René Rieux, à moins de 6 kilomètres de Gaillac, ne faiblit pas et garde le sourire, malgré la chaleur qui s’abat sur cette parcelle de duras, dont les raisins noirs, mûrs et sucrés n’attendent plus qu’à entrer en cave. « La vendange ne s’annonce pas trop mal, malgré les conditions pluvieuses du printemps et la sécheresse estivale. On a commencé à ramasser les blancs pour les méthodes ancestrales début septembre », sourit Raymond Papaix, en charge d’accompagner les travailleurs du domaine et de la bonne gestion du site, dans ce domaine viticole de la rive droite du Tarn comptant désormais 23 hectares de vignes certifiées bio.

Faire passer des messages de solidarité à travers le vin

Reconnu comme établissement et service d’aide par le travail (ESAT) depuis 1988, sous la gestion de l’association AGAPEI, le domaine René Rieux n’est pas tout à fait un domaine comme les autres, quand on aborde la question du recrutement et de la gestion de la main d’œuvre dans les vignes, la cave et au chai. « Notre mission, en tant qu’ESAT, est de proposer du travail à des gens en situation de handicap, dont le parcours a pu être compliqué par le passé, qui ont pu se retrouver en situation d’échec. Mais c’est aussi important d’œuvrer pour une inclusion sociale, par le maintien de ce travail dans les meilleures conditions », clarifie Raymond Papaix, responsable d’unité d’intervention sociale, et chapeautant le domaine.

Et lorsqu’il s’agit d’éplucher les différentes tâches saisonnières pour travailler le sol et la vigne, de parler agriculture biologique, ou encore de commercialisation sur les salons, chaque travailleur du domaine René Rieux sait exactement de quoi il parle. Car ici, pas de tâche cloisonnée, chacun touche à tout, apprend le circuit du vin depuis le départ. « Je suis arrivé il y a cinq ans, en venant du bâtiment. Le vin je n’y connaissais rien. Mais grâce à Jean-Luc notamment qui est là depuis vingt ans, j’ai appris très vite à tailler, à comprendre tous les travaux de printemps de la vigne, c’est très valorisant de s’aider avec les collègues et on comprend bien ce qu’on fait, on est toute l’année au domaine et on fait tout de A à Z », explique Gilles devant le pressoir, faisant partie des quatorze travailleurs handicapés accueillis par le domaine gaillacois René Rieux. Ce que confirme Steven, un autre travailleur en exprimant très justement : « Ici, c’est comme dans le vin, c’est l’esprit solidaire. Il n’y a pas de concurrence entre nous, ni avec nos voisins. Quand on aide d’autres vignerons avec la CUMA, personne ne nous prend de haut, on ne nous regarde pas sur notre handicap, on est comme on est et on avance ensemble ».

Ils ne tarissent pas d’éloges, ni de fierté sur la place qu’ils ont ici. Une passion pour la vigne et le vin qui touche en plein cœur. « Ici, c’est le côté humain qui est le plus intéressant. Parfois c’est peut être plus compliqué qu’ailleurs, mais ça fait beaucoup de bien. Ce n’est pas la productivité débordante qui nous mène, on est sur un autre rythme, cela apprend énormément à tout le monde », ponctue Anne Koening, la responsable du site arrivée il y a 5 ans, avec un bagage d’œnologue en poche. Également responsable d’activités d’entretien des espaces verts, de nettoyages de locaux, d’encadrement d’art ou encore de sous-traitance industrielle, l’ESAT ne fait pas que du vin. Des moniteurs encadrants qui doivent donc faire jongler les casquettes et les compétences tout au long de la journée…

L’économie solidaire et la richesse des différences

Parce que l’union fait la force, les ESAT et EA (Établissements Adaptés) viticoles – le domaine René Rieux en tête de file – décident en 2012 de s’unir grâce à un club qu’ils appellent VertuVin. L’outil commun doit permettre de promouvoir les vins issus de l’économie solidaire auprès des consommateurs et des professionnels, et de faciliter l’intégration des personnes en situation de handicap dans ce secteur.
Sont réunis au sein de ce club : le Domaine de Stierkopf en Alsace, Le Bercail en Côtes de Provence, La Chartreuse de Valbonne en Côtes-du-Rhône, le Château Villambis cru bourgeois en Haut-Médoc, le domaine René Rieux à Gaillac, ainsi que la coopérative sociale de l’Olivera en Catalogne espagnole. Un choix de promotion « audacieux » et nécessaire selon les membres, pour une « politique des petits pas sur la reconnaissance du handicap en milieu professionnel ».

« La performance collective prime sur la compétence individuelle. Cette dynamique de groupe fondée sur un climat de confiance créé une ambiance au travail favorable à l’épanouissement des travailleurs en situation de handicap », lit-on dans la charte qui unit tous ces établissements. Adaptation des tâches pour chacun, simplification de certains process pour valoriser la confiance en soi, chaque jour ne se ressemble pas puisque chaque personne et chaque situation de handicap est différente. Signataire d’un partenariat avec le Groupement national des Indépendants de l’hôtellerie, restauration, café, traiteurs, le club VertuVin souhaite faire passer le message auprès des professionnels « pour lever les nombreuses craintes et clichés sur le handicap et sur l’embauche dans des petites entreprises qui n’ont pas d’obligation légale de le faire », explique Rachel Bouvard, responsable de la mission handicap du GNI.

Respect des hommes et de leur environnement

Le Club VertuVin ne limite pas sa démarche à son objectif d’inclusion sociale des travailleurs handicapés. Biodiversité, respect de l’environnement et dimension artisanale du vin, des valeurs qui ont incité la plupart des entreprises adhérentes à franchir le pas du bio. Le domaine René Rieux, Le Bercail, Domaine de Stierkopf ainsi que la coopérative espagnole ont le label AB. Un choix qui permet également de monter en gamme sur les vins proposés. Coup de cœur notamment pour le rosé du Bercail 2017, au caractère bien trempé mais au profil frais avec une bouche toute en agrumes et fruits rouges croquants (6,45 HT).
Quant à la chartreuse de Valbonne, « nous travaillons au delà du raisonné, puisque les vignes sont enherbées, nous n’utilisons plus d’herbicides et avons banni une grande partie des pesticides dans les vignes » explique Christian Gilles, le responsable de la structure rhodanienne.

Quant aux alsaciens, « nous faisons des essais en biodynamie sur un hectare. Je suis agronome de formation, et je me suis laissé convaincre par mes collègues de ces essais, je dois dire que dans une année comme celle-là, les résultats m’épatent », avoue François Grieshaber, actuel responsable du domaine et ancien vigneron. Le pinot gris du domaine, travaillé sans ajout de sulfites en 2014, est bluffant par sa minéralité et son ampleur en bouche (7 € HT).

La liste de tous les vins élaborés par les domaines du Club VertuVin, ainsi que la charte des vins solidaires sont disponibles sur www.vertuvin.eu